Voyage de classes raconte comment quelques dizaines d’étudiants de sociologie de Seine-Saint-Denis font connaissance avec la population du 8e arrondissement de Paris.
Pour la plupart beurs ou blacks (et femmes) ces jeunes étudiants, racontent, sur le mode de la recherche ethnographique, la découverte d’un monde plus « exotique » encore pour eux que celui des tribus d’Amazonie : celui des très riches. Un monde où les seuls noirs sont valets ou nounous (ou quelques rappeurs célèbres !) ; un monde fait de conventions multiséculaires toutes centrées sur l’idée de privilège, où la famille n’est rien d’autre qu’un mode de gestion du patrimoine et où les « mariages arrangés » sont la règle, mais en toute subtilité, à travers les « rallyes ».
Parfois, les jeunes étudiants plutôt désargentés sont confrontés à l’arrogance de leur vis-à-vis, mais parfois, au détour d’une conversation, l’humanité commune ressurgit – un bref moment – et on se parle vraiment.
En même temps qu’un reportage, ce livre est aussi un passionnant exercice de méthode sociologique : à travers le récit des étudiants et de leur professeur, on apprend les pièges de l’observation, de l’entretien et de l’analyse statistique. On apprend à débusquer ses propres évidences (non, les habitants du quartier ne sont pas tous riches puisqu’y vivent aussi les « gens de maison »). On apprend à faire de la sociologie, mais au moyen d’un passionnant reportage ethnographique sur la « vraie » richesse, et la culture de l’égoïsme désinvolte qui l’accompagne.
Marc Jacquemain
Nicolas Jounin, Voyage de classes, Éd. La découverte, 2014, 248 p.
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