Claude Quétel est un érudit de la face obscure de nos sociétés. Quand on rencontre (régulièrement…) le nom de cet historien et directeur de recherche au CNRS sur les tables des librairies, c’est sur la couverture d’une Histoire de la folie où il ose prendre le contrepied de la liturgie foucalcienne, ou d’une originale Histoire des murs, fresque peinte à même la muraille des cloisonnements privés, publics, mentaux et idéologiques, intimes ou exhibés.
Les murs, la folie… Il y a de ces deux composantes dans l’existence de l’énigmatique et glaçant Docteur Petiot. D’un côté, on bute contre les parois d’une pièce à trois côtés, à l’exemple de celle qui jouxtait son « cabinet » médical, et qui devint, au moment où éclata l’affaire Petiot, le triangle des Bermudes fantasmatique d’une France encore sonnée par les ravages de la guerre. À quelles atroces tortures, à l’observation de quelles agonies lentes était donc voué ce réduit ? De l’autre, il y a une, voire des pathologies, à propos desquelles le spécialiste contemporain a du mal à confirmer le diagnostic établi par ses prédécesseurs : les écoles psychiatriques, les méthodes d’investigation, la façon de questionner, les conditions d’exercice de la discipline, tous ces paramètres ont changé depuis 1920. Alors, allez prétendre découvrir les secrets d’un décapité vieux d’un siècle, enseveli dans la fosse commune en compagnie des pires assassins, en ne vous basant que sur les rapports jaunis de quelque expert de province… Une enquête qui décoiffe, à ras de cou.
Frédéric Saenen
Claude Quétel, L’effrayant Docteur Petiot. Fou ou coupable ?, Perrin, 2014, 220 p.
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