Éric Hoppenot et Dominique Rabaté, Maurice Blanchot

HoppenotDavantage que la renommée tapageuse, l’absolue discrétion peut contribuer à forger le mystère des écrivains, et, à titre posthume, leur mythe. Des décennies durant, après l’une de ses plus remarquables prises de position – le lancement du Manifeste des 121 pendant la Guerre d’Algérie – Maurice Blanchot s’attacha à vivre dans un retrait qui n’était motivé ni par une volonté de poser en marginal ni par une rédhibitoire misanthropie. Simplement, cet homme-là cultivait le sens du secret, et son expérience intérieure n’avait guère besoin d’autre foret que celui de la littérature pour creuser plus avant, dans son lointain intérieur.

Dans l’impressionnante livraison qu’ils lui consacrent, Éric Hoppenot et Dominique Rabaté, les maîtres d’œuvre de ce Cahier de L’Herne Blanchot, ont opté pour une formule résolument iconique. L’on n’a guère souvenir d’un volume de la série illustré avec autant de sophistication… Certains crieront au paradoxe, alors qu’il s’agit de traiter d’un auteur dont on n’entrevit pendant longtemps que quelques portraits flous et « volés » : car quel écrivain mieux que celui-là, qui semble s’être refusé toute consistance biographique, illustrera le précepte mallarméen selon lequel la vie est faite pour aboutir à un Livre ? Pourtant, reproduire tels clichés où se découpe sa silhouette émaciée, où apparaît son visage osseux, empreint de gravité, mais au sourire délicat ; révéler les contours de son écriture manuscrite ; exhiber un ensemble de dédicaces à son adresse ou les façades de ses demeures ; le montrer en compagnie de son épouse ; bref, donner à voir Blanchot permet de redensifier une œuvre entachée d’un préjugé de désincarnation, et donc d’inaccessibilité.

Frédéric Saenen

 

Éric Hoppenot et Dominique Rabaté, Maurice Blanchot, Cahier de L’Herne n°107, Éditions de L’Herne, 400 p.
 
 

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