Depuis maintenant quelques années, on constate que les chiffres de vente de la littérature de jeunesse ne cessent de s’améliorer, dépassant parfois ceux des ventes de la littérature générale. La raison est simple : des best-sellers aux ouvrages plus discrets, il y en a pour tous les goûts. Non seulement, la littérature pour la jeunesse reste un matériau formidable pour l’apprentissage de la langue, mais elle l’est aussi en ce qui concerne la littérature et la culture en général. Cependant, on constate que, jusqu’à présent, en Belgique francophone, il n’existe que très peu de formations sur la littérature pour la jeunesse basées sur une recherche scientifique pointue qui se destineraient à des futurs instituteurs, futurs professeurs de français et très peu de formations continues à destination des professeurs déjà en place. Après les premières semaines d’application du nouveau décret PAYSAGE régissant l’enseignement supérieur, il nous semblait important de faire un petit état des lieux sur le sujet en Belgique francophone, et plus particulièrement à Liège et à l’ULg. 

L’enseignement de la littérature de jeunesse en France

Jusqu’en 2002,dans la formation des maîtres, la place accordée à la littérature pour la jeunesse était variable selon l’intérêt que l’enseignant portait à cette matière. Pour les futurs professeurs de collège, il s’agissait davantage d’une information que d’une formation, cependant, la formation continue à l’époque permettait à de nombreux enseignants de découvrir ou de d’approfondir leur connaissance du secteur.

En 2002, les programmes du ministère de Jack Lang indiquèrent de façon très nette que, dès la maternelle, la littérature pour la jeunesse permettait de se construire une première culture littéraire avec des œuvres classiques et des œuvres nouvelles caractéristiques de la littérature de jeunesse d’aujourd’hui. Les programmes insistaient sur le travail spécifique qui était mené lorsqu’il s’agissait de comprendre les textes littéraires.

Ainsi, en 2005 était créée l’option « Littérature de jeunesse » au concours de professeur des écoles. Dans cette épreuve, le candidat apportait une œuvre de son choix, la lisait et devait, dans son exposé, « faire apparaître les connaissances (histoire, thèmes, tendances, relations avec la littérature) et la culture du candidat (textes et illustrations) dans ce domaine et s’attacher à montrer les apports de la littérature de jeunesse à l’enseignement de l’école maternelle et élémentaire¹. » 60 heures étaient destinées à cette option dans la préparation du concours. On s’y entraînait à la lecture et à l’interprétation des textes et des images, on tentait également de comprendre ce qui faisait la spécificité des textes et leur intérêt et surtout, ce qui permettait aux futurs professionnels de l’enseignement d’apprendre à « utiliser » l’œuvre sans trop la « scolariser ».

Depuis 2010, l’option a disparu et l’enseignement de la littérature de jeunesse est devenu optionnel ou intégré à des modules orientés sur d’autres thèmes. Ainsi, on peut dire aujourd’hui que dans la formation initiale en France, la culture en littérature est devenue limitée et pour certains nulle². 

Le cours de Littérature de jeunesse à l’ULg, un cas unique en Fédération Wallonie-Bruxelles

En Fédération Wallonie-Bruxelles, la situation est quelque peu différente puisqu’il n’existe pas de programme qui régisse l’enseignement supérieur. Qu’ils soient à destination des universités ou non,  ces programmes sont construits sur la base des choix posés par les pouvoirs organisateurs de chaque formation. Ainsi, ce sont les directions et les enseignants qui décident si la littérature pour la jeunesse fait partie des programmes ou non.

« Le manque de légitimité de la littérature de jeunesse est réel. Il est vrai que les choses changent mais lentement. » nous confie Daniel Delbrassine, chercheur en langues et littératures modernes à l’ULg.  « En Belgique francophone, le seul cours de Littérature pour la jeunesse que l’on peut trouver dans les universités est celui qui a été proposé par Michel Defourny à l'ULg et que j’ai repris il y a 4 ans maintenant.  »

Ainsi, dès le mois de février 2015, ce sera Daniel Delbrassine qui dispensera le cours qui vient d’être intégré à la mineure en Cultures populaires aux côtés de cours comme Genres paralittéraires, Littérature et cinéma, Histoire de la Bande dessinée ou encore Histoire et analyse des pratiques du jeu vidéo… « On peut imaginer que, dans cette nouvelle configuration, le cours va dépasser le cadre de la section Langues et littératures romanes. Et même s’il est vrai que de plus en plus d’étudiants d’autres sections (comme la Communication ou encore les Langues et littératures modernes) et d’étudiants en Érasmus suivaient le cours ces dernières années, je m’attends à accueillir en février 2015 un public plus diversifié que les années précédentes. »

En Belgique francophone, il n’y pas d’autre cours qui soit intitulé Littérature de jeunesse ou Littérature pour la jeunesse qui soit dispensé dans une université. À l’UCL, il semblerait que Jean-Louis Tilleuil évoque le sujet dans le cadre d’un de ses cours mais ce n’est qu’à l’université Charles de Gaulle - Lille 3 que l’on trouve un cours de littérature de jeunesse dispensé par Laurent Déom (qui a défendu une thèse de doctorat sur la littérature de jeunesse à l’UCL.) On constate cependant que de plus en plus de mémoires portent sur le sujet, que ce soit en langues et littératures romanes mais aussi en germaniques, en modernes et en communication. L’intérêt pour cette littérature est donc une réalité.