Les héritiers de l’art français 

Les réalisations d’artistes étrangers, particulièrement ceux de l’Europe de l’Ouest, furent aussi férocement expulsées des musées allemands durant les années trente. Celles des artistes de l’École de Paris et des anciens habitués du Bateau-Lavoir à Montmartre (Jules Pascin, Marie Laurencin, André Derain, Pablo Picasso…), de même que celles du suisse Cuno Amiet et du biélorusse  Marc Chagall, firent ainsi partie de la « Liste de Lucerne ».

Le déjeuner de Jules Pascin, retiré de la Kunsthalle de Brême en août 1937 puis acheté par la Ville de Liège en juin 1939, illustre dans des tons beige et ocre une jeune femme attablée, les jambes négligemment entrouvertes. Jules Pascin dépeint un sujet qu’il affectionne depuis longtemps, l’intimité des prostituées de Montparnasse, qui n’est pas sans rebuter les dignitaires du III^e Reich.

Paul Gauguin, Le sorcier d'Hiva Oa, 1902. - Jules Pascin, Déjeuner, 1923

Le Sorcier d’Hiva Oa, également présenté à Lucerne, fait partie des neuf achats que la Ville de Liège concrétise en Suisse en 1939. Communément considérée comme l’une des dernières réalisations de l’artiste, cette toile rassemblait aussi toutes les caractéristiques nécessaires aux yeux des autorités allemandes pour être ôtée des collections publiques : artiste étranger, couleurs subjectives et irréalistes, personnages androgynes… La scène exprime de plus la fascination pour la négritude et le caractère exotique de la population des îles Marquises où  Gauguin s’était réfugié, loin du monde occidental, dès 1901.

2014 : L’enquête continue

De ce musée hétéroclite, reconstitué de toute pièce d’œuvres confisquées, se dégage entre les lignes la notion d’art dégénéré, dont les limites perméables mettent au jour tous les paradoxes et les hypocrisies. Emil Nolde, partisan du premier parti national-socialiste, Franz Marc, protégé par les forces armées de la Wehrmacht, Ensor, loué par Hitler… tous sont néanmoins « diminués » au rang de entarte Kunst. Ces contre-exemples sont nombreux et trahissent toute la difficulté de définir et d’appréhender une notion artistique dans laquelle l’ambigüité n’est jamais très loin et dont de nombreuses illustrations ont aujourd’hui disparu. Hormis les œuvres de Lucerne présentes à l’exposition que nous avons la chance d’admirer, beaucoup sont en effet toujours manquantes à ce jour. Sont-elles dissimulées dans des collections privées aux quatre coins du monde ou purement et simplement détruites ? Les recherches se poursuivent.

Cinq expositions conjointes

La Cité Miroir a mis les petits plats dans les grands pour proposer, en plus de l’exposition « Notre combat » et de son parcours permanent « Plus jamais ça ! » plusieurs expositions connexes à l’événement, telles que « Les achats de Paris » au Musée des Beaux-Arts de Liège (BAL) et « L’art dégénéré dans les collections de l’ULg : Chagall, Ensor, Laurencin, Vlaminck » à la Galerie Wittert de l’ULg, accessibles avec un ticket unique. 

Stéphanie Reynders
Octobre 2014

Stéphanie Reynders est historienne de l’art et membre du comité organisateur de l’exposition L’art dégénéré selon Hitler, la vente de Lucerne 1939.

Informations pratiques

Du 17 octobre 2014 au 29 mars 2015, à la Cité Miroir
LU-VE de 9 à 18 heures ; le weekend de 10 à 18 heures (dernière entrée à 16h30)
12 € - 8 € - gratuit -14 ans
Accès PMR.
www.citemiroir.be

Réservations : reservation@citemiroir.be ou 04 230 70 50
Visites guidées : Art&fact asbl, art-et-fact@misc.ulg.ac.be ou 04 366 56 04

Exposition :  L’art « dégénéré » dans les collections de l’ULg : Chagall, Ensor, Laurencin, Vlaminck
à la Galerie Wittert, place du 20-Août (entrée par la cour centrale)
Exposition accessible librement du 24 octobre 2014 au 31 janvier 2015,
du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 17h, le samedi de 10h à 13h.
Fermeture les 30 et 31 octobre, le 11 novembre et du 22 décembre 2014 au 4 janvier 2015.
Possibilité de visites guidées : infos et réservations auprès de l’asbl Art&fact

http://www.wittert.ulg.ac.be/fr/expo/2014/artdegenere.html