Appréhender la religion grecque par les vases peints : mode d'emploi

Les représentations figurées sont l’une des sources d’information dont dispose l’historien qui souhaite étudier le système religieux des Grecs anciens. Mais chaque type de source a ses propres spécificités et son propre mode de fonctionnement. Ainsi, pour lire un texte, par exemple, il faut au préalable en connaître la langue et les caractères. Mais comment « lire » une image, qui plus est, une image qui a été produite il y a plus de 2500 ans, par et pour une société que l’on ne peut appréhender aujourd’hui que de façon incomplète et indirecte ? Comment ensuite l’analyser et l’interpréter afin d’en dégager le sens qu’elle pouvait revêtir pour ses contemporains ?

 

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Hydrie attique à figures noires (© Museum Gustavianum)1

 

Pour appréhender le système religieux des Grecs anciens, l’historien dispose de différents types de sources, et les images en sont un. Celle qu’on a devant les yeux est exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle a plus de 2500 ans : si elle est actuellement conservée à Uppsala, elle a été produite à Athènes au tout début du 5e siècle av. J.-C., par un peintre que l’on désigne aujourd’hui du nom de « Peintre de Thésée », en référence au sujet de plusieurs de ses peintures2. Ensuite parce que, du point de vue de son contenu iconographique, elle est assez singulière, voire tout à fait originale, par rapport à l’ensemble de la production athénienne – du moins l’ensemble qui nous est parvenu. Comment interpréter cette image et l’utiliser dans le cadre d’une étude sur la religion grecque ancienne ?

La première étape consiste à décrire l’image aussi fidèlement et de la façon la plus neutre possible – car décrire est déjà interpréter –, en énumérant les différents éléments qui la constituent et en les situant les uns par rapport aux autres. Dans ce cas, on voit tout d’abord que la scène figurée s’insère dans un cadre délimité en haut, à gauche et à droite par une frise de motifs géométriques, et en bas par une ligne de sol. Le centre du tableau ainsi formé est occupé par un autel monté sur une base. Juste à droite de l’autel se trouve une colonne surmontée d’un entablement, puis un bovidé dont on ne voit que l’avant-train. À gauche se trouvent un personnage masculin et un mouton et, enfin, sur l’autel, une immense chouette. La juxtaposition des éléments – en particulier le motif de la figure humaine conduisant un animal vers un autel – permet de reconnaître dans cette image une scène de sacrifice, comme il en existe par centaines sur les vases attiques. C’est là un premier niveau de lecture, celui du thème général de la scène figurée.

 



 

1 Hydrie attique à figures noires du Peintre de Thésée, 500-490 av. J.-C. (Uppsala, Museum Gustavianum 352 = J.D. Beazley, Attic Black-figure Vase-painters, Oxford, 1956, n° 519.15 ; Beazley Archive Pottery Database n° 330696).

2 Nommé ainsi par C.H.E. Haspels, Attic Black-figured Lekythoi, Paris, 1936 (École française d’Athènes. Travaux et mémoires, 4), p. 141-147. Sur le Peintre de Thésée, voir la monographie qui lui est consacrée : O.E. Borgers, The Theseus Painter. Style, Shapes and Iconography, Amsterdam, 2004 (Allard Pierson Series).

 

 

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