Depuis plus de cinquante ans, les Nuits de Septembre font partie des événements incontournables en matière de musique ancienne. Comme de coutume, le festival liégeois épouse la thématique du Festival de Wallonie suivant cette année le fil du Danube, nous faisant ainsi découvrir la musique du bassin danubien à travers ses traditions anciennes mais aussi plus actuelles.
Depuis 1957, les Nuits de Septembre permettent au public de découvrir des artistes figurant parmi les plus reconnus dans le domaine de la musique ancienne s’étendant depuis le Moyen Âge jusqu’à la moitié du 18e siècle. Durant les éditions précédentes, les fidèles du festival ont ainsi eu l’occasion d’entendre le Collegium Vocale de Philippe Herreweghe, le Ricercar Consort de Philippe Pierlot, Jordi Savall, Sara Mingardo et bien d’autres. Cette année encore, la programmation comporte des ensembles de qualité qui déclineront leurs talents aux quatre coins de la ville.
Un fil conducteur : le cours du Danube
Suivre le cours du Danube, cela signifie parcourir les territoires musicaux d’Europe centrale depuis l’Allemagne jusqu’à la Mer Noire. Les artistes invités lors de l’édition 2014 font ainsi revivre les traditions vocales et instrumentales issues de pays tels que la Hongrie, la Roumanie ou encore la Croatie. Par ailleurs, le jazz et la danse s’invitent au festival en y apportant une touche contemporaine.
Le samedi 6 septembre, l’orchestre de chambre belge les Muffati ouvre le festival avec un programme dédié à celui qu’on surnomme le prêtre roux : Vivaldi à la Bohémienne. Ce titre fait allusion à l’engouement qui a vu le jour autour du compositeur dans les années 1720 et 1730 dans des capitales comme Prague et Dresde. Le public pourra par ailleurs découvrir l’œuvre des compositeurs Johann Georg Pisendel et Jan Dismas Zelenka, deux élèves bohémiens de Vivaldi ayant contribué à la Vivaldi-mania à la suite de leur séjour à Venise.
Le jeune ensemble Scherzi Musicali, fondé et dirigé par le chanteur et instrumentiste Nicolas Achten, propose lui aussi un programme articulé autour de deux figures phares si l’on s’intéresse aux rives du Danube. Il s’agit de Giovanni Felice Sances, maître de chapelle à Vienne, véritable capitale danubienne de la musique, ainsi que de son successeur Johann Fux dont nous pourrons entendre une sélection de motets le mercredi 10 septembre.
Dalmatica fait référence à la dalmatique, un vêtement médiéval typique du clergé byzantin porté tant par les hommes que par les femmes. C’est en effet la mosaïque de chants savants et populaires, latins et slavons, à mi-chemin entre Rome et Byzance, qui sera mise à l’honneur le 12 septembre à la Collégiale Saint-Denis. Ce concert est également l’occasion d’une autre rencontre, celle des chanteuses de l’ensemble français Dialogos et de six chanteurs traditionnels de Croatie démontrant la richesse des traditions de leur Dalmatie natale.
Si l’on pense d’emblée à Carl Orff lorsqu’on évoque les Carmina Burana, ces chants sont, à l’origine, des manuscrits découverts dans le couvent bavarois de Benediktbeuren dont ils tirent leur nom. Grâce à l’un des manuscrits les plus célèbres du Moyen Âge, les musiciens d’Obsidiennes voyagent entre chansons d’amour et de jeu, chansons à boire, parodies et dénonciation de la suprême emprise de l’argent. À voir le 20 septembre à la Salle Académique de l’Université de Liège.
La Cappella Pratensis s’approprie elle aussi le thème du Festival en axant la soirée du 1er octobre autour d’un livre de chœur monumental : le Liber Selectarum Cantionum. Imprimée en 1520 à Augsbourg, cette source contient les compositions à cinq et six voix qui ont contribué à établir Josquin comme légende musicale dans le monde germanique.
Musique ancienne, création contemporaine et danse
Aux Nuits de Septembre, musiques anciennes et création contemporaine se côtoient. On se souvient ainsi du passage du collectif Bl!ndman ou encore de Kevin Skelton mêlant musique, danse et projections lors de l’édition 2013. Cette année encore, Émilie Corswarem et Christophe Levaux, directeurs artistiques du festival, entendent mettre en avant les approches contemporaines.
Cette fois, c’est au tour de la belge Femke Gyselinck, membre de l’ensemble de danseurs Rosas, de nous présenter une chorégraphie inspirée des œuvres de Johannes Schenk, l’un des gambistes les plus populaires du 17e siècle. En lien étroit avec la musique, cette chorégraphie est établie à partir de faits et non seulement de sentiments associés aux titres des œuvres. Les pièces interprétées lors de cette soirée par les gambistes Romina Lischka (photo ci-dessus) et Liam Fennely rejoignent la thématique du festival puisqu’elles sont issues de l’un des recueils de Schenk : L’écho du Danube.
Het Collectief et la Capilla Flamenca confrontent eux aussi musique contemporaine et musique ancienne. D’un côté l’ « Ars Nova » du 14e siècle, de l’autre, Tierkreis. Datée de 1974, cette œuvre de Karlheinz Stockhausen comporte douze mélodies illustrant les signes du zodiaque. Le concert du 28 septembre convoque ainsi les astres et le cosmos dans un contraste riche en symboles transcendant les époques et les genres.
Photo : Het Collecctief. © helena.be
Les Nuits de Septembre à l’Opéra et au Cinéma Le Parc
Afin de commémorer les 200 ans de la naissance d’Adolphe Sax, le Festival de Wallonie s’est choisi comme invité d’honneur le saxophoniste Fabrizzio Cassol. Après l’ouverture du festival célébrée au Théâtre de Liège, on le retrouve dans une autre institution liégeoise : le Cinéma Le Parc. Fabrizzio Cassol y sera en compagnie du trio belge Aka Moon ainsi que du violoniste manouche Tcha Limberger. On ne peut imaginer meilleure association pour évoquer et revisiter les Balkans à travers des sonorités à la fois anciennes et jazz.
Enfin, pour clôturer l’édition 2014, le festival pousse les portes de l’Opéra avec une sélection d’arias témoignant de l’avènement du classicisme viennois au milieu du 18e siècle. L’exceptionnel contre-ténor américain Bejun Mehta sera alors accompagné de l’Akademie für Alte Musik Berlin dirigée par Bernhard Forck dans des œuvres de Mozart, Hasse, Gluck, Jean Christophe Bach et Traetta. Depuis l’ « Ars Nova » jusqu’à l’avènement du classicisme viennois en passant par les traditions de la Dalmatie et des Balkans, cette nouvelle édition des Nuits de Septembre promet une nouvelle fois de belles découvertes musicales et artistiques.
Adèle Querinjean
Août 2014
Adèle Querinjean est étudiante en musicologie
Informations pratiques
Prix des places 16€/12€ (seniors)/9€ (-30 ans, demandeurs d’emploi)/1,25€ (art. 27)
Abonnements: 80€/60€ (seniors)/40€ (-30 ans et demandeurs d’emploi)
Jeunesses Musicales de Liège, Rue des Mineurs 17, 4000 Liège, 0493/036453
Vivaldi à la Bohémienne, Les Muffati (BE)
Samedi 6 septembre, 20h00, Salle Académique de l’Université de Liège
Ave Maria, Scherzi Musicali (BE)
Mercredi 10 septembre, 20h00, Collégiale Saint-Barthélémy
Dalmatica, Dialogos (FR)/Kantaduri (HR)
Vendredi 12 septembre, 20h00, Collégiale Saint-Denis
L’écho du Danube, Femke Gyselinck, Romina Lischka et Liam Fennely (BE)
Mardi 16 septembre, 20h00, Salle Académique de l’Université de Liège
Carmina Burana (manuscrit du Moyen Âge), Obsidienne (FR)
Samedi 20 septembre, 20h00, Salle Académique de l’Université de Liège
AkaTcha, Aka Moon et Tcha Limberger (BE)
Jeudi 25 septembre, 20h30, Cinéma Le Parc
12x12 un zodiac musical, Het Collectief et la Capilla Flamenca (BE)
Dimanche 28 septembre, 20h00, Salle Académique de l’Université de Liège
Aux sources du Danube, Capilla Pratensis (NL)
Mercredi 1 octobre, 20h00, Collégiale Saint-Denis
Mozart, Hasse, Gluck, J. Chr. Bach, Traetta, Bejun Mehta (USA) et Akamus (DE)
Dimanche 5 octobre, 20h00, Opéra Royal de Wallonie, Liège