Exposition : Cannibals. Fictions et réalités

cannibals-afficheNe seriez-vous pas, sans le savoir, un cannibale parmi d’autres ? Comment en prendre conscience ? En se rendant à  l’exposition « Cannibals. Fictions et réalités » se tenant au MBMA. Les expositions présentées dans ce lieu ont toujours trait avec la nourriture. Dans le cadre de celle-ci, vous pourriez bien être la pièce maîtresse du repas. 

Au sein de notre société occidentale actuelle, la pratique du cannibalisme est généralement considérée comme inhumaine, appartenant au mieux à un  temps révolu, au pire à de sordides faits divers. Pourtant, parler d’un cannibalisme ne suffirait pas. C’est, en effet,  mise au pluriel que cette notion prend tout son sens. Des cannibalismes, il en existe bon nombre.

Perdu en pleine mer, pendant des jours sans bénéficier d’un quelconque moyen de subsistance si ce n’est la chair qui recouvre le corps de votre voisin, ne pourriez-vous pas commencer à le zyeuter afin de choisir la partie de lui qui vous semble la plus appétissante ? Le cannibalisme apparaît ici comme un moyen de subsistance au même titre que ce que Géricault représente avec le Radeau de la Méduse.

La survie n’est pas la seule explication à cette pratique. Certains vont, en fonction de leurs croyances, ingérer un être proche pour pérenniser ses qualités en sa propre personne. Tandis que d’autres, bien au contraire, vont voir en cet acte un bon moyen d’humilier un ennemi. Comme si la torture ne suffisait pas, ils ont le mérite, si l’on peut dire, d’aller jusqu’au bout des choses et de ne laisser de l’adversaire que les os.

Fer à hosties

Fer à hostie avec empreinte de « l’arbre de vie »
© Bruggemuseum Gruuthuse, Brugge
Dès le 13e siècle, apparaît l’hostie de l’eucharistie telle que nous la connaissons : un pain azyme cuit dans un moule en métal.
«Prenez et mangez-en tous. Ceci est mon corps livré pour vous.»

 

Et vous, seriez-vous prêt à envisager d’arracher un bout de chair de l’un de vos condisciples ? Pour vous préparer à une telle éventualité, si faible soit-elle, et parce qu’il n’est pas évident de croquer un morceau de son voisin sans son autorisation, vous trouverez des objets représentant la panoplie du parfait cannibale : un casse-tête au sens « propre » du terme, une arme en dents de requin, la marmite où faire mijoter votre mets ainsi qu’une fourchette capable de porter à la bouche un pied entier. L’occasion de voir des œuvres et objets venant de musées bruxellois et belges ainsi que de collections privées

Masque-casque Zumu Fourchette Fidji momie
Masque-casque Zumu (Mama)
Nigeria, 1920 - 1980
© Musée international du Carnaval et du Masque, Binche
Masque porté durant les danses agricoles que certaines interprétations considèrent comme étant des pratiques cannibales.
Fourchette anthropophage
Îles Fidji (Océanie), 19e siècle
© Musée des Sciences Naturelles et d’Ethnographie, Lille
Fourchette servant aux chefs et prêtres des Iles Fidji à consommer leurs ennemis, ainsi humilés, lors de banquets anthrophages.
Fragment d’os de crâne de momie
© Musée des Plantes Médicinales et de la Pharmacie (ULB)
Les corps momifiés ont tres souvent été utilisés en médecine en vue de l’élaboration de remèdes d’où l’important trafic qui en découla.

 

 

pataconVous êtes sans doute vous-même déjà un cannibale !

Et cela  dès votre plus tendre enfance. Impossible ? Pas vraiment. N’avez vous jamais mangé un spéculoos en forme de Saint Nicolas, lui qui, si bon, sauva trois enfants du funeste chaudron ?

Patacons © Bruggemuseum-Volkskunde
Connu sous le nom de « cougnou » en Belgique francophone, ce pain est fabriqué pendant la période de Noël. Il arrivait que des raisins secs y soient intégrés afin de représenter les yeux, le nez et la bouche. « Patacon » vient de l’espagnol et désigne une pièce de monnaie de grande valeur. Autrefois intégrée au pain lors de la cuisson, la pièce procurait à l’aliment une valeur de cadeau.

 

De l’enfance il va en être question. Le cannibalisme n’est pas qu’une histoire de tribus et de traditions anciennes. Il berce, ou plutôt torture, les nuits des petits que l’on a voulu effrayer avec des histoires d’ogres et autre mangeurs de chair.

Entre contes ou légendes et faits avérés, fiction et réalité s’imbriquent quasiment jusqu’à se confondre. Au travers de cette exposition, à tout qui le veut revient l’opportunité de se faire son idée sur la chose. La crédibilité de chacune des pratiques est à questionner, d’autant que certaines restent actuelles.

Pour faciliter la digestion, l’ascension dans la tour de l’ancien moulin (devenu musée depuis bientôt six ans) vous attend. Le parcours se fait tantôt ludique, tantôt informatif et pédagogique. L’éventail d’objets, de traditions, de pratiques ou encore d’expressions langagières en relation avec le thème du cannibalisme étonne par son envergure et sa diversité.

Le cannibalisme peut être considéré  comme un acte malsain mais,  après cette exposition,  l’opinion que l’on s’en fait devient nettement plus nuancée. L’expo ne choque pas, elle présente un panorama et questionne l’a priori du sujet.  Si cette exposition trouve dans son élaboration une parfaite légitimité c’est parce que cette pratique, qu’elle soit avérée ou simplement imagée, a traversé les siècles, imprègne notre quotidien et continue d’inspirer la fiction.

Outre l’exposition, le musée organise des projections de films, des ateliers culinaires (sans aucun risque pour votre personne) et des conférences, il ne faut donc pas hésiter à jeter un coup d’œil sur le programme de leurs activités. Vous avez l’eau à la bouche ? L’expo « Cannibals » est visible jusqu’au 31 août 2014.

 

Sylvie Grégoire
Juillet 2014

 

crayongris2Sylvie Grégoire est étudiante en 2e année de Master Arts du Spectacle

 


 

 

 

Exposition « Cannibals. Fictions et réalités »
jusqu’au 31 août 2014

Musée bruxellois du Moulin et de l’Alimentation
Rue du Moulin à Vent, 21 ou Rue du Tilleul, 189
1140 Evere


 www.moulindevere.be