Roman poétique, poésie narrativisée, Nos Mères est traversé par la puissance d’un verbe rédempteur, et par l’effervescente vision d’un imaginaire d’enfant.

Nos Mères est le premier roman d’Antoine Wauters, un jeune auteur qui s’était déjà fait connaître par ses recueils poétiques. Le pari de Nos Mères est de faire tenir cette exigence d’une écriture ciselée dans une forme narrative de plus grande ampleur. Le roman raconte en effet l’histoire de Jean, garçonnet aux prises avec les violences de la guerre qui fait rage dans son pays, le Liban. Seul avec sa mère en deuil, reclus dans son grenier, il s’invente des histoires et oppose le foisonnement de son monde de langage à l’horreur qui l’entoure. Il est ensuite adopté, dans un pays du Nord de l’Europe, par une autre mère, qui se débat elle aussi avec d’autres formes de violences. Jean, lui, a grandi, a rencontré l’amour et l’envie d’écrire, a domestiqué les pouvoirs de la fiction et s’en sert comme d’une force pour apprivoiser la réalité, la sienne et celle des autres.

Ce roman très maîtrisé vous happe d’emblée par la puissance des images poétiques qu’il déploie dans sa première partie. Les jeux verbaux auxquels s’adonne le jeune Jean, la sorte de multiplication de soi et du réel qu’il opère par son verbe d’enfant, nous placent au cœur de la fascinante relation entre les mots et les choses. En même temps, cette poésie sensualiste cohabite avec des thématiques aussi ambitieuses que celles de la violence (guerrière et psychologique), du déracinement, de la résilience, des formes et des enjeux de la littérature elle-même comme rapport au monde, aux autres et à soi.

Au final, on tient dans les mains un texte lumineux, solaire même, dont l’audace et l’intensité ne peuvent laisser indifférent, et qui a d’ailleurs déjà été accueilli très favorablement par la critique (le roman a notamment reçu le Prix Première 2014).

François Provenzano

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