De Paul Léautaud (1872-1956) reste l’image de l’ermite de Fontenay-aux-Roses, comme une allégorie de la Vieillesse figée sous les oripeaux du dénuement, fuyant ses (faux-)frères humains, scrutant l’horizon d’un œil d’aigle dépourvu de clémence. Au point qu’il n’y a guère que Céline, retour d’exil, pour concurrencer l’auteur du Petit ami dans le cliché noir et blanc de l’écrivain usé par les aléas de la vie, arborant une mise vestimentaire de clochard et entouré d’une véritable ménagerie animalière. Mais avant de se faire ravir par la camarde, Léautaud fut jeune, Léautaud fut vert, Léautaud fut vif, pendant très longtemps. En somme, pendant quatre-vingt-quatre ans. C’est ce que nous rappelle la réédition d’un volumineux choix de pages puisées à même son Journal littéraire… Quel intense plaisir que de plonger dans cette anthologie, que Pascal Pia proposa initialement en 1968. L’intégralité du journal, œuvre principale du discret Léautaud, compte pas moins de dix-neuf volumes. Les trois tomes de la nouvelle édition du Mercure de France, datant des années 80, sont introuvables, et quand bien même on les déniche, ils sont hors de prix. Un « portatif Léautaud » constituait donc la solution la plus économique et commode pour entrer, par la porte étroite, dans ce texte foisonnant, qui couvre pas moins de soixante ans de vie littéraire. Un must que se doit de posséder tout réfractaire dans sa bibliothèque.

Frédéric Saenen

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