Comment l’homme ordinaire invente-t-il sont quotidien ? Comment peut-il exercer sa créativité dans des pratiques aussi ordinaires que marcher, cuisiner, habiter, et ainsi exprimer son indépendance, sa liberté par rapport au contrôle d’une société de consommation ?, telles sont les questions générales posées par cet essai de philosophie sociale hors du commun qui remet en question de nombreux acquis de la sociologie (notamment bourdieusienne).
Cette œuvre surprend également par ses motifs et son style hallucinés. On est par exemple amenés à imaginer les figures de style créées par le piéton qui module sa marche par rapport au tracé des chemins prévus par la ville (l’énonciation piétonnière) ou encore la partition musicale qui, dans un train, unit le voyageur, la nature et la machine :
« Immuable, le voyageur est casé, numéroté et contrôlé dans le damier du wagon, cette réalisation parfaite de l’utopie rationnelle. (…) Entre l’immobilité du dedans et celle du dehors, un quiproquo s’introduit, mince rasoir qui inverse leurs stabilités. (…) Il faut cette coupure pour que naissent, hors de ces choses mais pas sans elles, les paysages inconnus et les étranges fables de nos histoires intérieures.
La partition est seule à faire du bruit. A mesure qu’elle avance et crée deux silences inversés, la coupure scande, siffle ou gémit. Il y a battement des rails, vibrato des vitres – frottement d’espaces aux points évanouissants de leur frontière. » (pp. 165-166)
Cette lecture promet donc de nombreux sujets de rêveries pour l’été.
Émilie Goin
Michel de Certeau, L’invention du quotidien, tome I « Arts de faire », tome II « Habiter, Cuisiner », Paris, Gallimard, 2012 [1980].
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