Dans le monde frénétique d’aujourd’hui, l’ennui, le temps long, paraissent être tout à fait intempestifs. Nous adorons les films d’action et les récits qui possèdent une intrigue aux multiples rebondissements, qui procurent du plaisir à la lecture par le suspense qu’ils produisent.
Dans une société comme la nôtre, un auteur comme Adalbert Stifter (1805-1868) risque ainsi de paraître dépassé, désuet, démodé. Ses récits évoquent souvent un monde reculé, candide, préindustriel, l’action ne se développe que lentement et ce sont au contraire les descriptions qui ont la part belle. Et pourtant, une nouvelle traduction du récit « Le Vieux Garçon » vient de paraître fin avril. Stifter pourrait-il donc encore nous parler au 21e siècle ? « Le Vieux Garçon » est l’histoire d’un jeune garçon qui accomplit un voyage initiatique chez son vieil oncle resté célibataire et habitant une île déserte. Mais ce voyage est aussi et surtout pour le personnage principal une découverte du monde qui l’entoure et de la nature dans toutes ses facettes miroitantes, dans ses aspects matinaux et crépusculaires. La vie de l’homme est ainsi sans cesse comparée au cycle de la nature : « C’est pourquoi la vie est un champ immensément vaste quand on regarde vers l’avant, et long d’à peine deux empans quand, à la fin, on se retourne pour le contempler. Et ce champ produit des fruits bien différents de ceux qu’on avait cru y planter. La vie est une chose chatoyante, si belle qu’on s’y précipite de bon cœur, croyant qu’elle durera éternellement… Tandis que la vieillesse est un papillon du soir qui bruit à nos oreilles d’une inquiétante rumeur. »
Si les récits de Stifter nous touchent encore aujourd’hui, c’est par les thèmes intemporels que l’auteur aborde en toute sobriété et par sa capacité à nous envoûter par la représentation d’une nature ayant tous les traits d’un paradis perdu. Osons donc lire ce récit de Stifter pour pouvoir redécouvrir la valeur du temps long, et osons aussi le lire à haute voix afin d’en savourer l’harmonie verbale transmise par cette magnifique traduction !
Valérie Leyh
Adalbert Stifter, Le vieux garçon, éditions Sillage, 2014, 160 p.
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