À propos de l'histoire du thé en Chine

C'est dans le Sud-Ouest de la Chine que le théier des origines est apparu. Au Sichuan, au Yunnan, puis dans toutes les régions de collines ou de moyennes montagnes au Sud du fleuve Bleu comme le Fujian et le Zhejiang dont les jardins de thé donnent aujourd'hui  encore quelques-uns des plus grands crus.

La légende attribue la découverte des propriétés médicinales des feuilles de thé à Shennong, le « Divin Laboureur », l'un des héros civilisateurs de la Chine dans cette haute Antiquité qui se perd dans le mythe. Sans aucun doute, l'histoire du thé est fort ancienne et intimement liée à celle du peuple chinois.

C'est au Sud du fleuve Bleu que, dès le IIe siècle avant notre ère, on trouve dans l'archéologie et dans les textes des mentions éparses de sa consommation, mais il faut attendre la  grande dynastie Tang (618 - 906) pour que la consommation du thé gagne la totalité du territoire chinois et que des mentions explicites apparaissent dans les ouvrages médicinaux à propos de son utilisation thérapeutique.

C'est alors que le thé trouve son plus fervent poète en la personne d'un lettré du nom de  Lu Yu (VIIIe siècle), auteur d'un Traité du Thé (Chajing) qui élève pour de bon sa consommation au rang d'art majeur. Une littérature du thé se développe au cours des siècles suivants dans les cercles lettrés et même à la Cour : l'empereur Song Huizong (r. 1101 - 1125), le Prince Zhu Quan, fils de Ming Taizu, fondateur de la dynastie (1368 - 1644), comptent parmi les plus célèbres auteurs de traités décrivant avec autant de minutie que d'enthousiasme la manufacture des meilleurs thés, leur préparation, ainsi que les ustensiles nécessaires à leur dégustation. Car le thé a rapidement donné naissance à un art complexe tissant des liens subtils entre une boisson délicatement parfumée et les objets nécessaires à sa confection, qui furent passionnément recherchés et collectionnés par les amateurs. La découverte, parmi les offrandes impériales  confiées à la fin du IXe siècle à la pagode du Famensi (Fufeng, Shaanxi), d'un ensemble d'ustensiles du thé (moulin, tamis, boîte à sel...) en orfèvrerie, ainsi que d'un coffret contenant des bols à thé en porcelaine mise (« couleur secrète ») des fours méridionaux de Yue, illustre parfaitement le triomphe du thé à la cour de Chine dès avant son adoption par l'ensemble de la population, ainsi que ses liens anciens avec le bouddhisme.

Mais le thé fait aussi  partie de l'économie chinoise. Elément  du tribut  des provinces méridionales à la Cour, sa vente est longtemps interdite aux fonctionnaires de rang inférieur. Compressé en briques de longue conservation aisément transportables, il est aussi un indispensable moyen d'échange avec les populations « barbares » des marches de l'empire qui fournissent aux Chinois les chevaux de race qui leur manquent : c'est le thé des caravanes.

Sous les Song (960 - 1279), le thé est consommé par toutes les classes sociales en Chine et les magnifiques développements de la céramique  à cette époque sont certainement influencés par l'esthétique qui lui est associée. Sous le règne du premier empereur des Ming, la fabrication des galettes  compressées de thé, qu'il fallait émietter et moudre avant de les mélanger à d'autres ingrédients dans la préparation d'un breuvage épais, est interdite sauf pour le commerce extérieur. Le mode de préparation privilégie l'infusion de feuilles séchées et la théière apparaît au XVIe siècle. On offre le thé à un hôte de passage, on le déguste entre amis chers ou l'on se rend dans une maison de thé, lieu propice à la conversation, à la poésie et à la musique. Médiocre ou sublime, le thé est partout et  tous s'y adonnent avec plaisir.

De Chine, il part à la conquête d'autres territoires. Grâce aux moines bouddhistes, le thé avait atteint le Japon et sa préparation dans la cérémonie japonaise, qui se développe de façon plus formaliste qu'en Chine, doit beaucoup au « thé battu » en vogue à l'époque Song (960 - 1279).

Découvert par les missionnaires et les marchands, le thé prend bientôt le chemin de l'Europe, et ce commerce lucratif dope également la production de porcelaine chinoise pour l'exportation. De l'Angleterre, il gagne le Nouveau Monde et la « Boston Tea Party » sonne le début de l'indépendance américaine. Le thé est aussi un présent de la Chine au reste du monde...

 
Bol à thé en grès à couverte dite "fourrure de lièvre" - Chine, XIIe - XIIIe s.
Thé
Boîte à thé - Bambou sculpté et étain - Chine, XIXe s. 
 Thé
Théière en grès de Yixing couverte d'une feuille d'étain sur laquelle est gravée un poème - Oeuvre de Yang Pengnian - Chine, XIXe s.
Thé

Découvrez ci-dessous une démonstration-dégustation d'une préparation traditionnelle de Gongfu cha par M. Charles Van Overstyns (Professeur à l'école Urasenke de Kyoto et au Chado Urasenke Tankokai de Belgique) dans le cadre du Nouvel An chinois.


Catherine Noppe
Mars 2009

 

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Catherine Noppe est historienne de l'art, conservatrice des collections d'Extrême-Orient au Musée royal de Mariemont.

 


 

Les oeuvres appartiennent au Musée royal de Mariemont.

Photographies © Michel Lechien