Quand la bande dessinée puise dans la littérature

Multiplication des collections

Mais c'est véritablement vers le milieu des années 2000 que le mouvement s'emballe. EP Editions ouvre le bal avec un Ubu Roi d'après Jarry, suivi par Hauteclaire, d'après Barbey d'Aurevilly, des romans peu connus de Jules Verne ou Tête de nègre de  Daniel Picouly. Dans sa collection dédiée aux polars, «Ligne Rouge», Casterman lance successivement les adaptations de  La trilogie noire (Léo Malet), Boro reporter photographe (Frank/Vautrin), La Malédiction d'Edgar (Marc Dugain), Malone (Michel Rio) et les Histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe, mais sans vraiment convaincre. Éditeur jadis ambitieux, qui donne principalement aujourd'hui dans le manga et les comics, Delcourt crée en 2007, «Ex-Libris», une collection grand public dirigée par le scénariste Jean-David Morvan. Plus de quinze romans, ou même pièces de théâtre, peuvent ainsi être lus ou relus dans des albums de bande dessinée: Les Trois mousquetaires, Oliver Twist, l'Ile au trésor ou Tom Sawyer, mais aussi Le Portrait de Dorian Gray, Double assassinat dans la rue Morge, Dans la colonie pénitentiaire, Candide, Le dernier jour d'un condamné ou Le Tartuffe. Dans sa collection «Jeunesse», le même éditeur s'était précédemment risqué sur ce terrain avec les très belles adaptations du Magicien d'Oz, de Sans famille, du Roman de Renart et de contes comme Hansel et Gretel, Le Chat botté ou Le Vaillant petit tailleur.

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Futuropolis, avec de vrais livres d'auteurs (lire l'interview de son directeur, Sébastien Gnaedig), et Gallimard, avec la collection  «Fétiche», où l'on trouve notamment Zazie dans le métro de Queneau, Le Petit Prince de Saint-Exupéry ou Les contes du chat perché de Marcel Aymé, s'intéressent eux aussi à la littérature. De même que «Rivages/Casterman Noir», qui puise sa matière dans la célèbre collection dirigée par François Guérif, ou, plus étonnant, «Noctambules», chez l'éditeur spécialisé dans l'héroïc-fantasy, Soleil, dont les premiers titres, Moby Dick, Le Joueur, Le Dernier des Mohicans ou L'Île aux trente cercueils sont attendus pour 2009.

Francs-tireurs

Parallèlement à cette déferlante, de nombreux auteurs trouvent individuellement, dans un classique ou un best-seller littéraire, matière à déployer leur univers. C'est le cas de Denis Deprez qui, après Othello et Frankenstein, a travaillé avec Jean Rouaud sur l'adaptation du premier roman de l'écrivain breton, Les Champs d'honneur puis sur Moby Dick. Tronchet adapte les deux romans de sa compagne, Anne Sibran, Là-bas et Ma vie en l'air, et Hippolyte transfigure Dracula (Bram Stocker), et Le Maître de Ballantrae (Stevenson). On compte aussi sur Kokor, avec Les Voyages de Gulliver (Swift), Jean-Pierre Mourey, et L'invention de Morel (Bioy Casarès), Chazy, pour  Rouge est ma couleur (Marc Vilar), Boidin et Bertho, Chéri-Bibi (Gaston Leroux), Patrick Malet, Vathek (William Beckford) ou Jean-Sébastien Bordas, Le docteur Héraclius Gloss (Maupassant). Et ces jours-ci paraît Marilyn la Dingue, adaptation par Jérôme Charyn de son propre roman, mise en image par Rébéna. Bref, le mouvement ne semble pas prêt de ralentir.

 

Michel Paquot
Mars 2009

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Michel Paquot est journaliste indépendant, spécialisé dans les domaines culturels et littéraires.

 

 

 

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