Super héros aux super potentiels cinématographiques

Amazing Spiderman et Dark Knight Rises : deux films symptomatiques

Très (trop) conventionnel, Amazing Spiderman n’en est pas moins éloquent lui aussi quant aux traits thématiques évoqués. Peter Parker symbolise dans ce nouveau film (le premier Spiderman de Sam Raimi date d’il y a à peine dix ans) une sorte d’Américain moyen, ignoré par l’élite, un ado un peu asocial, mais qui à force de travail parvient à sortir du lot. Ce n’est pas tant sa mutation génétique qui rend Parker extraordinaire que sa connaissance exemplaire des sciences. Oui, toi aussi, ado rejeté, tu peux séduire la bimbo de la classe si tu maîtrises la biogénétique. Mais plus que tout, Spiderman est l’incarnation de l’Américain de la Crise : s’il a donné les moyens au méchant de devenir ce qu’il est, c’est à lui qu’il revient de le détruire et d’assumer ses responsabilités. À moins que de confier le mauvais rôle à un scientifique, qui aborde des questions qui fâchent encore (les manipulations génétiques), ne soit un autre message. Dans tous les cas, Spiderman pourra compter sur l’aide de chacun pour sauver ses concitoyens, comme l’illustre cette scène, hollywoodienne jusqu’au trognon, où des dizaines d’ouvriers aident Spiderman à se déplacer dans la ville. Notre héros ne doit-il pas, dans son affrontement final contre le Lézard, son salut à l’intervention inopinée d’un membre de la police ? Non, les héros solitaires n’ont plus la cote : s’ils sont réellement aussi humains qu’ils prétendent l’être, ils ne peuvent réussir l’impossible seuls. On est bien loin de l’image du super héros dessinée dans les comics d’origine.

Dark Knight Rises et Amazing Spiderman

Dark Knight Rises et Amazing Spiderman : héros solitaires et détestés

 

Dark Knight Rises possède ce statut, rare, de succès annoncé : même sans l’avoir vu, tout le monde sait qu’il fera un carton au box-office. Pourquoi ? Ce n’est ni pour son réalisateur (Christopher Nolan, rare auteur à s’être correctement installé à Hollywood) ou son casting (qui, hormis Christian Bale, ne contient pas de vedette réellement bankable). Ce n’est sans doute pas pour son histoire, peu éloignée de celle de Dark Knight ou de tout film de super héros (le super méchant veut détruire la ville, le super héros doit l’en empêcher super vite). Sans compter que Dark Knight Rises n’est pas de ces productions clinquantes et pétaradantes de Michael Bay ou Roland Emmerich, la psychologie ayant au moins (si pas plus) d’importance que l’action (cfr Dark Knight, finalement assez maigre sur ce dernier point).

BatmanAlors pourquoi ? Parce que Dark Knight Rises est un film sur son époque, une époque sombre, où les héros n’existent plus, où la violence engendre la violence et où seule la collaboration peut permettre de faire évoluer les choses (dans cet épisode, Batman peut compter sur 2 soutiens supplémentaires avec Catwoman et John Blake). Parce que Dark Knight Rises évoque, sans fausse pudeur, un anticapitalisme prégnant, où la colère vient de la « classe d’en bas » et où le méchant, Bane, crie à la révolution populaire, au soulèvement des pauvres contre la Bourse, contre les riches, se faisant l’écho d’une classe sociale que ne connaît pas Batman/Bruce Wayne, même ruiné. Et sans doute, et peut-être surtout, parce que Dark Knight Rises est la représentation la plus sombre du non-héros ne transcendant jamais son statut. Le film de Nolan n’est-il pas annoncé comme « la fin d’un héros » ?

Concluons toutefois sur une note plus joyeuse : vu l’argent que ces deux films vont rapporter dans les semaines à venir, les studios ne devraient pas trop ressentir la crise en cette année 2012, et les producteurs de devenir à leur tour nos super héros modernes : cordialement détestables, aux traits profondément humains et qui, pourtant, parviennent toujours à nous faire rêver avec leurs super pouvoirs cinématographiques. Merci, Hollywood Men !

 

Bastien Martin
Juillet 2012

 

 

crayongris2
Bastien Martin est journaliste indépendant. Il mène aussi des recherches doctorales en cinéma.

Page : précédente 1 2 3