Coup d’œil sur les grands chantiers de Liège par Jacques Teller

La Cité Ardente prépare depuis plusieurs années sa reconversion pour devenir la ville touristique de l'Euregio, Maastricht étant souvent considérée comme la ville bourgeoise et Aachen, la ville industrielle. Dans quelques années, grâce à de profonds réaménagements, le tourisme culturel devrait donner à Liège une nouvelle jeunesse. En attendant, la Cité Ardente compte bon nombre de gros chantiers aux quatre coins de la ville. Mais tous ces projets font-ils réellement partie d'une stratégie commune ? Éléments de réponse avec Jacques Teller.

 

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Photo © Olivier Vanpé

Liège dispose-t-elle des atouts nécessaires pour de se transformer en ville touristique ?

Jacques Teller : Relevons tout d'abord la multiplication, sur dix ans environ, des projets pour Liège : la gare de Calatrava, la Médiacité, le réaménagement de Droixhe, le projet de tram qui relierait Jemeppe à Herstal, et jusqu'il y a peu, le chantier de Bavière. Malheureusement pour Bavière, le projet est actuellement à l'arrêt en raison de la crise.

Quant au tourisme, Liège a effectivement une carte à jouer dans ce domaine. La ville possède de nombreuses richesses architecturales, certains de ses quartiers typiques ont été très bien préservés, elle possède également des institutions de renommée et une scène alternative très importante. Beaucoup d'ingrédients sont donc réunis pour qu'elle se transforme en ville culturelle d'un bon potentiel touristique. Une clientèle existe, on le sait. Malheureusement, Liège a des difficultés à garder les touristes plus d'une journée. Dans ce sens, elle fait un peu penser à une ville comme Tolède, qui draine un large public de touristes en journée mais qui, une fois la nuit tombée, se vide au profit de Madrid toute proche. L'idéal serait de faire des investissements à Liège pour attirer le public en journée mais également de le pousser à passer la nuit sur place, sinon le tourisme culturel n'est pas rentable.

Le tourisme culturel, qui se développe dans la ville de Liège, pourrait-il être un nouvel Eldorado, ou s'agit-il d'une vision idéalisée ?

Jacques Teller : Liège subit ce que l'on appelle souvent : l'« effet Bilbao ». L' « effet Bilbao », ce sont toutes ces villes qui veulent leur Guggenheim, leur musée, leur métro, leur gare, et qui lancent un travail de profond réaménagement de leurs structures. C'est vers ça qu'il faut se diriger. Le problème de Liège, c'est qu'elle lance d'énormes projets aux quatre coins de la ville sans présenter aucune stratégie commune. Je n'ai pas connaissance de l'existence d'un cahier des charges commun, de stratégie commune, d'étude du marché ou même d'identification de la demande réelle. Souvent, Liège considère que le projet se suffit à lui-même et que le reste suivra, alors que tout cela demande un travail de fond. D'autant plus que la difficulté du tourisme culturel, c'est que lorsqu'il est mal géré, il peut créer énormément de problèmes à la ville.

Pour reprendre l'exemple d'une ville comme Bilbao, le travail de fond est considérable, au point qu'une association a été créée pour diffuser à travers le monde un magazine qui reprend dans le détail l'avancement des différents projets de réaménagement de la ville.

Chez nous en revanche, si on prend ne serait-ce que l'exemple de la gare, la ville n'a pas encore pu définir de vrai projet d'aménagement du quartier et des espaces publics. Les différents acteurs (la SNCB, la Ville) sont toujours en train de discuter et on s'est rendu compte qu'aucun de leurs projets n'intégrait la ligne de tram. Pourtant, ce qui saute aux yeux quand on observe les villes qui se développent, c'est que la clé d'une redynamisation des villes prend toujours la forme d'une nouvelle mobilité. Et c'est cette mobilité qui entraîne un retour de la population vers les centres. 

Que faudrait-il développer pour qu'une stratégie commune puisse porter ses fruits ?

Jacques Teller : Je crois qu'il faut miser sur le développement d'un nouveau réseau qui va charpenter la réflexion sur le tourisme à Liège. Ce réseau comprendrait la ligne de tram, le Ravel et les Coteaux de la Citadelle. Les Coteaux bénéficient depuis plusieurs années d'un réaménagement parce qu'ils sont l'un des atouts majeurs de la Cité ardente. On y découvre à la fois un magnifique panorama et un autre point de vue sur la ville, ce qui permet souvent de mieux la comprendre et d'en avoir une vision d'ensemble. De plus, la nature y flirte avec le centre-ville de manière tout à fait étonnante.  

Je pense que si on arrivait à mettre sur pied une stratégie qui comprendrait ces trois éléments là, on couvrirait l'ensemble du territoire. Le tourisme pourrait alors connaître un véritable envol. Il deviendrait ainsi une plus-value pour les habitants, qui verraient l'image de leur ville revalorisée et leur qualité de vie améliorée. 

Propos recueillis par Vincianne D'Anna
Septembre 2009

 

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Jacques Teller enseigne l'urbanisme et l'aménagement du territoire à l'ULg.  Il assure la présidence du comité de gestion du LEPUR (Laboratoire d'Etudes en planification urbaine et rurale).  Voir aussi l'article de Réflexions sur le tourisme culturel et urbain, basé sur ses recherches.

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Vincianne D'Anna est journaliste indépendante.