Shepp's blues

Et la version de nos jazzmen ? Elle est la plus longue de l'album. Mais ça ne gêne en rien. La 4e et la 6e strophes apportent leur variation en 10 temps, sur fond de 8, et le solo de piano défie avec superbe toute organisation de mesure.

À cet égard, le Careless Love Blues se distingue de toutes les pièces qui précèdent par ses 16 mesures, jouées en la bémol. La pièce a par ailleurs connu un avatar qu'il convient de signaler. La chanteuse américaine Madeleine Peyroux en a donné en 2004 une version parfaitement adaptée aux marches militaires moldaves, et sa voix donne à penser que Marilyn Monroe, comme Elvis ou Van Morrison, n'est pas vraiment morte. La biographie de cette « fille spirituelle de Billie Holiday » situe le niveau d'un certain show-biz. « Aussi célèbre pour ses frasques que l'ex-diva du jazz », M. Peyroux est parvenu « à se construire une réputation d'auteure-interprète hors-pair en courant d'abord les spectacles de rues à New York et Paris puis les festivals de Jazz ». Cette « belle acadienne », après un premier album, « s'évanouit dans la nature ». Rebelote : « durant l'été 2005, Peyroux disparaît encore une fois. Sa maison de disques Universal lance dès lors un détective privé à sa poursuite ». Déception : « elle n'avait pas pris la fuite, mais des vacances chez son manager à New York ». Vous avez assez perdu de temps à lire ce qui précède ? Le meilleur reste à voir. Elle attaque son compagnon William Galitson, une bête de TV, de l'avoir lésée sur les droits de Got You On My Mind, son second ouvrage. « Elle prétend que celui-ci aurait vendu les titres de l'album sans son accord (elle souhaitait les conserver comme des démos) et même qu'il l'aurait abusée sexuellement. L'affaire est toujours en cours... ». À présent, vous pouvez franchement vous passer de : http://www.youtube.com/watch?v=EwDuC3fs0Gk.

Prenons encore quelques lignes pour parler de ce qui constitue une des plus belles pièces de l'album Trouble In Mind. Il est vrai qu'on peut dire à tous les artistes, hommes et femmes, qui ont interprété See See Rider, de Ma Rainey à Big Bill Broonzy et de  Leabelly à Jerry Lee Lewis : « vous le valez bien ». Chez Shepp et Parlan, tout, d'abord, est dans l'art de la lenteur et de l'attente. L'intro est longue, balancée sur une alternance accord de base en mi bémol - dominante. On se demande où on va. Quand arrive le motif au sax : l'extase des retrouvailles. Et c'est presque meilleur quand Shepp reprend le thème après le magnifique solo de piano, à la 4e strophe. Tout cela sur fond d'arpèges élégamment rythmés par l'alternance de l'intro, dans un son de saxophone qui fait parcourir à l'épiderme la jalousie de celui que la « cavalière » - « cavaleuse » et « chevaucheuse » - a trahi.

Quelques minutes encore ? Écoutez Rainey ou la 12-cordes de Leadbelly, et retrouvez Presley, tout vêtu de probité candide et de lin blanc :

http://www.youtube.com/watch?v=9duTAcatzIM

http://www.youtube.com/watch?v=CkTT-hfZsh4

http://www.dailymotion.com/video/x14on1_see-see-rider_music

 

Et si un dernier souffle de nostalgie soixante-huitarde vous caresse, vérifiez qu'Éric Burdon est si vivant que son interprétation de 2008 de See See Rider, rapportée à celle de 1967, ressemble  du copier/coller. Même le lick de guitare a résisté au lavage.

http://www.youtube.com/watch?v=IqSX6jEv408

http://www.youtube.com/watch?v=1joFvnWEO8c&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=w7_1fVFNEJs

 

 

cottonfield

 

Une des dernières interprétations rurales de See See Rider, ici CC Rider :

Enregistré à Clarksdale en 2005 pour Broke And Hungry Records (Jeff Konkel)

 

Daniel Droixhe
Août 2009

 

crayon

Daniel Droixhe enseigne la littérature wallonne à l'Université de Liège et poursuit une carrière de bluesman sous le nom d'Elmore D.

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