Pratiques populaires, loin des dogmes et de la Raison

 

Quelques exemples de pratiques et de croyances traditionnelles

sainte Claire

 

Michel Natalis (1610-1668), Sainte Claire,
estampe  © Collections artistiques de l'ULg

 

Pour obtenir du beau temps lors d'un mariage ou d'une fête, une coutume répandue dans toute la Belgique veut que l'organisateur offre des œufs « à sainte Claire » ou plus exactement à un monastère de clarisses. La même tradition existe aux Pays-Bas, où l'on offre plutôt des saucissons. Pour comprendre cette étrange coutume, encore vivace en ce XXIe siècle, il y a lieu sans doute de rapprocher le nom de la sainte et la clarté souhaitée du ciel.

Moins connu, le rôle météorologique de saint Joseph est attesté aussi bien dans le sud de la province de Namur, qu'en région liégeoise. Le principe est simple : celui qui souhaite du beau temps prend une statue du saint – souvent le santon du père de Jésus placé à Noël dans la crèche –, et la place dans le jardin ou dans la gouttière, le temps que dure la manifestation3 ; ainsi, s'il pleut, le saint sera directement sanctionné.

 

ex voto

La menace de sanction dirigée à l'encontre d'un saint peut se traduire par sa « mise en pénitence » : je citerai le cas de saint Antoine de Padoue dont on retourne la statue face au mur jusqu'au retour d'un objet perdu. Pour se prémunir de toute perte, mieux vaut porter sur soi une minuscule représentation du saint, figurine qu'il y a lieu d'injurier si, malgré cela, l'on constate une perte : « Saint Antoine, vieux grigou, vieux filou, rendez-moi ce qui n'est pas à vous ». Précisons que, hormis cette familiarité peu conforme aux prescriptions religieuses, saint Antoine reste un des saints les plus vénérés en Wallonie, notamment en son sanctuaire de Harre (Manhay), qui ressortit à la religion officielle et ne mériterait pas notre attention dans cet article s'il n'était un témoignage notable du besoin inexpugnable qu'éprouvent les pèlerins de concrétiser leurs prières par l'allumage de bougies, le dépôt de fleurs et d'ex-voto, actuellement essentiellement sous forme de photos. (photo  Fr. Lempereur, été 2004)

Des photos, on en trouve aussi, avec des mouchoirs, de la lingerie, des pansements et même... des vignettes de mutuelle, sur ce qu'il est d'usage d'appeler des « arbres à loques », arbres-fétiches auxquels les croyants les attachent. Alors que l'« arbre à clous », où le mal est cloué avec un clou « chargé » au contact de la plaie ou de l'affection, est toujours considéré comme arbre guérisseur – par transfert  –, l'« arbre à loques » peut n'être qu'un support d'ex-voto ; il est généralement associé, de nos jours, à une chapelle dont il convient de faire trois fois le tour en priant. Quelques arbres de ce type sont encore régulièrement visités, en Hainaut, alors que les « arbres à clous » wallons, surtout localisés en province de Liège (33 arbres sur les 53 recensés en Belgique) sont généralement désaffectés ; en 2003, seuls quatre d'entre eux portaient des clous récents. 

 

arbre à croix

  saint thibaut

 
 
À la source de saint Thibaut à Montaigu, sur les hauteurs de Marcourt (province de Luxembourg), un vieux frêne, sert de support aux ex-voto en forme de croix, confectionnés sur place, au moyen de deux bouts de bois et d'un brin d'herbe, par les pèlerins venus y puiser de l'eau (carte postale de 1903). Bien que l'arbre ait été abattu, le tronc continue encore aujourd'hui à être utilisé ainsi (Photo Fr. Lempereur, 1998).
 

 


 

Arbre à loques arbre à loques

À une dizaine de kilomètres de Lisieux (Calvados, France), le village du Pré d'Auge a conservé, au milieu d'un pâturage, la très ancienne fontaine de saint Meen, dont l'eau passe pour guérir les maladies de la peau. À ses côtés se dresse un « arbre à loques », chêne au tronc évidé qui abrite une petite statue du saint (invisible sur les photos) et sur lequel les pèlerins accrochent les mouchoirs utilisés pour nettoyer les plaies avec cette eau « miraculeuse » (photos Fr. Lempereur, août 2008).
 
 

 
 
3 Un témoignage de 2002 m'a appris que, durant les Journées du patrimoine, saint Joseph avait passé deux jours sous une feuille de rhubarbe et que, grâce à lui, une averse était venue mourir à l'entrée du village concerné, celui-ci étant resté sec les deux jours.

 

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