Pascal Dusapin vient d'enregistrer son Cycle des sept formes avec l'Orchestre philharmonique de Liège Wallonie-Bruxelles, dirigé par Pascal Rophé. Cette œuvre, écrite en 18 ans, est librement inspirée des théories mathématiques de René Thom.
Qu'est-ce que l'art, sinon ce par quoi les formes deviennent styles ?
J.L. Godart
Se confronter aux modèles artistiques et scientifiques
Ce qui définit Pascal Dusapin avant tout, c'est la curiosité insatiable dont il fait preuve pour tous les domaines de l'art et de la pensée. Plus particulièrement, son œuvre se nourrit abondamment de la photographie – qu'il maîtrise parfaitement – et de l'architecture, qu'il a étudiée, influencé en cela par Xenakis, ou par ses deux frères architectes. Il est vrai que ces deux arts présentent de nombreux points communs avec la musique, puisqu'il s'agit aussi de travailler sur des paradigmes de formes et de proportions.
Toutes les sources d'inspiration s'entremêlent librement pour exprimer l'univers de Pascal Dusapin. Elles montrent son désir, tellement présent, de ne pas s'enfermer dans une démarche quelle qu'elle soit, son besoin de confronter la musique à la complexité des différents modes de la pensée artistique.
En art, le solipsisme n'est pas souhaitable. Aucune expression ne peut rester autonome (...) Il m'arrive souvent de résoudre un problème de composition en allant puiser une solution dans l'étude de la photographie, en lisant un livre, en regardant un film ou en contemplant une peinture. (...) Construire une forme, c'est inventer les conditions d'un essor. Le déploiement doit être inlassablement enrichi par de nouveaux principes d'accroissement.
Cependant, se laisser traverser par des questions quelquefois assez éloignées de la composition musicale lui paraît indispensable. Bien qu'aucune des démonstrations de la philosophie ou des sciences ne convienne à la musique, toutes peuvent nourrir l'inspiration d'un compositeur à la recherche de nouvelles émotions et de nouveaux modes d'expression. C'est ainsi qu'il étudie très tôt des théories mathématiques comme l'axonométrie, la théorie des groupes, la morphogénèse, les images fractales. En parallèle, il s'intéresse énormément à la pensée philosophique, notamment aux écrits de Deleuze.
Bien qu'il ne se contente pas d'une approche superficielle de ces modèles scientifiques, Pascal Dusapin refuse d'y trouver des règles pour son art. Ces théories ont pour lui une «très grande puissance de suggestion édificatrice, mais aussi poétique». Il n'en retient qu'une image dégradée par l'interprétation qu'il en fait. La musique n'est pas une science. «Un artiste authentique ne sait pas.»
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