Pascal Dusapin : Entendre les formes

Toutes les musiques 

Dans le même ordre d'idées, toutes les musiques l'intéressent. S'il confesse une admiration pour Bach, Monteverdi (qu'il revisite à sa manière dans son opéra Passion), Beethoven ou Xenakis, Pascal Dusapin ne néglige aucune musique, d'aucune sorte. Les langages des autres cultures comme les chansons populaires sont susceptibles d'éveiller sa curiosité. 

Toutes les musiques m'inspirent, même la pire, car c'est aussi un enseignement. L'expression «ce n'est pas de la musique» n'a aucun sens pour moi.

Sa musique

Après la découverte de Varèse, puis celle de Xenakis («envahi par une terreur sauvage») à la Sorbonne, Dusapin se lance dans la composition comme «la dernière tentative possible d'accéder à la musique». C'est la lecture de Deleuze, puis de Barthes, qui lui permet de libérer son imagination pour se déployer en tous sens, comme le rhizome deleuzien, fait de directions mouvantes, sans commencement ni fin.

Il se sait tributaire de l'histoire de la musique occidentale, mais veut s'émanciper de toute influence, pour créer autre chose, autrement. Il faut d'abord oublier, se décharger du passé, de ses archétypes et académismes stériles. Oublier volontairement, activement, tout ce qui précède, imaginer un autre monde, un autre mode, donner une forme – ou des formes – à l'à-venir, un foisonnement de formes, et en supprimer les contours.

Le langage très personnel qu'il s'est construit, fait d'énormément d'énergie et de lyrisme, de violence et d'apaisement en opposition, s'enrichit d'une dimension philosophique ou réflexive. Son public, il le veut éveillé. «Je préfère les musiques qui ne rassurent pas, qui déplacent, dérangent et détournent notre confort.» «Je suis engagé dans la vie à définir un monde plus éthique qu'esthétique.» Participer à la vigilance est la raison d'être de la culture, de la musique.


Composer, c'est créer une forme

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Les formes spatiales et temporelles, telles qu'elles se définissent en arts plastiques ou en architecture, lignes, courbes, masses, volumes, angles, blocs, tourbillons... prennent chez Dusapin une tournure sonore. Il entend les formes, en distingue les bords, en imagine les déclinaisons possibles, variations et courbures, altérations et dégradations. Une forme, c'est ce qui se déforme.

Tout son travail de composition passe par ce filtre mental d'une production de formes géométriques très souples, qui s'entrelacent et prennent réalité dans des formes acoustiques. «Une forme est d'abord une intuition», dit-il. «Composer, c'est confondre le phénomène et le principe vital qui crée et agence une forme.»

Photo © Bénédicte Tondeur

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