«Prenez et mangez en tous, ceci est mon corps»

Les 24 et 25 février 2012, Ricochets, association réunissant différents acteurs culturels en vue de l’organisation future d’un festival de l‘art de la performance à Liège, proposait, aux Brasseurs, en guise de prélude à la tournure que ce dernier pourrait prendre, plusieurs manifestations.

La soirée du vendredi 24 était dédiée à trois performances « solo ».  La dernière d’entre elles, officiée par Églantine Chaumont, jeune plasticienne liégeoise née en 1986, nous conviait à un repas « cannibalesque » dont le déroulement n’allait pas sans faire signe vers la cérémonie chrétienne du sacrement de l’Eucharistie. Sur une grande table recouverte d’un drap/linceul blanc, l’artiste, elle aussi de blanc vêtue, disposait, sans mot dire, des pains sortis de sachets accumulés à même le sol. Leur taille ainsi que leur forme avaient été visiblement obtenues à partir de moulages realisés sur les organes de la comédienne. Après que la disposition de ces empreintes panées eut été achevée et l’anatomie de l’exécutante reconstituée par ses propres soins, celle-ci se mit à distribuer des couteaux aux spectateurs/célébrants de ce silencieux rituel alimentaire. Ensuite de quoi, se retirant, toujours dans le plus profond des mutismes, elle laissa son corps « impané » offert à ceux qu’elle venait d’armer de convoitise, laquelle fut d’autant plus avivée qu’un pot de confiture de fruits rouges, « sang » de la « prêtresse » abandonné par elle sur l’autel de son sacrifice, était, à bon escient, venu s’allier à une « chair » déjà fort appétissante. Alors, en une « dernière (s)cène » où tous les participants se mêlèrent, commença, entre rires et étonnements, la « grande bouffe ».

Qui pourrait dire si cet ultime rassasiement faisait partie du « cérémonial » ou bien si ce qui s’est donné, ce soir-là, pour le partage des « saintes espèces » n’intervenait qu’après-coup ? Et n’était-ce pas la « vestale » d’un culte païen orgiastique toujours rendu aujourd’hui à l’éternel féminin, et non un Dieu ayant pris figure d’homme, qui nous disait : « Prenez et mangez en tous, ceci est mon corps » ? Il est vrai que le mystère de l’ « in-carnation » est loin d’être percé et qu’il s’enveloppe de bien des charmes quand c’est à Églantine Chaumont qu’il revient de lui donner une nouvelle déclinaison !

 

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Rudy Steinmetz
Mai 2012

 


 


Photos © Pietro Pellini