Le cinquième monde

Selon une légende des Indiens Hopis, rapportée par Jean-Louis Doucet, nous serions dans le quatrième monde, les trois premiers ayant été détruits successivement par le feu, puis la glace, et enfin le déluge. L’homme a toujours pu s’adapter et survivre. Cependant, selon Frédéric Boulvain, la vitesse des changements qu’on est occupé à provoquer actuellement dépasse  tout ce que la Terre a connu.  Si la vie s’est toujours montrée résistante à tous les cataclysmes, cela donne à Joseph Martial l’espoir que nous pourrons faire preuve de sagesse. Selon Guy Mergeai, les dysfonctionnements de l’organisation du monde dominé par la finance prédatrice font que ses jours sont comptés et qu’on créera un système nouveau qui prendra mieux en compte les besoins de l’humanité dans sa globalité.

Comment va-t-on faire pour se contenter de moins, comment ne pas appauvrir la planète ni les autres êtres humains ?, se demande Dieudonné Leclercq.  Pour Grégory Mahy aussi, le défi est de concilier la vie de 9 milliards d’êtres humains sur la planète et l’existence de tout ce legs d’une histoire évolutive qu’est la diversité biologique. La science est prête à relever des challenges. Comme le rappelle Christophe Blecker, les produits de demain, qui fourniront une nourriture en relation avec les besoins de la population, tout en lui apportant du plaisir, sont encore à inventer.

Mais le changement est en route, précise Jean-Pierre Thomé, rendu optimiste par les nombreuses règlementations qui se mettent en place notamment en ce qui concerne les substances toxiques.  Les scientifiques sont inquiets, il faut réagir et informer, sensibiliser le public ! Et l’urgence est telle, continue Vinciane Despret, qu’on n’aura plus le temps d’aller  ailleurs – et peut-être même n’y a-t-il pas d’ailleurs...

Communiquer, partager, pour réconcilier l'homme et le monde

André Ozer constate qu’on est plus apte à aimer et protéger son environnement si on a pu bénéficier d’explications claires et convaincantes. Or le scientifique ne consacre pas assez de temps à délivrer son message au public. Ce regret d’Alain Vanderplasschen est partagé par Dieudonné Leclercq qui estime que la communication est un des plus grands défis contemporains.  Édouard Delruelle s’y investit pleinement, pour réconcilier l’homme avec le monde : Les questions les plus essentielles, celles liées à l’écologie, aux conflits sociaux, à l’avenir du monde, c'est selon lui, la mission citoyenne fondamentale de la philosophie.  Il ne faut pas se contenter d’une transmission d’informations :  Vinciane Despret insiste sur la nécessité de communiquer réellement, ce qui signifie : faire quelque chose «avec»  autrui, ce qui inclut tout un registre de sensibilités dans l’échange.

Philippe Thonart, quant à lui, souhaite que dans l’enseignement aussi, on dépasse le stade de la transmission de connaissances, pour aller au-delà et  permettre d’accéder à la beauté. Non pas la beauté à côté de la science, mais la beauté dans la science, ce qui est fondamentalement différent.

Les artistes, quant à eux, inventent de nouvelles façons d'explorer les thèmes mis à jour par la recherche.  Ils ne cherchent pas une quelconque crédibilité scientifique. Leur souci est d'exprimer une émotion, un questionnement, un ressenti, dans une forme nouvelle. Ils proposent un autre regard.

C'est donc ce regard différent sur leurs propres recherches que Didier Mahieu a offert aux chercheurs gembloutois. Et avec lui, la liberté de d'interpréter, de donner sens, de s'approprier une vérité autre.

Inventer, c'est penser à côté,  disait Einstein.

Claudine Purnelle
Avril 2012

Scaphandre. La science rencontre l'art
Ouvrage collectif,  sous la direction d'Éric Haubruge, Daniel Bay et Jean Semal
Préface de Willy Van den Bussche
Photographies de Bernard Rentier et Jean-Louis Wertz
Exposition de Didier Mahieu

Presses Universitaires de Liège, collection «Patrimoine», avril 2012.

Ont contribué à l'ouvrage en tant que co-auteurs : Julie Bawin, Christophe Blecker, Frédéric Boulvain, Édouard Delruelle, Vinciane Despret, Jean-Louis Doucet, Patrick du Jardin, Dieudonné Leclercq, Grégory Mahy, Jospeh Martial, Guy Mergeai, André Ozer, Daniel Portetelle, Jean Semal, Jean-Pierre Thomé, Philippe Thonart, Alain Vanderplasschen.