Cultures urbaines : les choses bougent. Danseront-elles ?

2009 06 29 urban session 184-360

Lézarts Urbains est une association de travail culturel centrée sur les « cultures urbaines ». On désigne par là des cultures apparues dans les années 1980 au sein des quartiers de relégation en Europe, qui ont été copiées des mêmes mouvements ayant émergé aux États-Unis dix ans plus tôt. C'est un courant assez large, où le hip hop est au centre pour des raisons historiques : le hip hop fut la première forme à se constituer. Plusieurs disciplines se retrouvent dans ce courant : le rap (musique et texte), la danse hip hop (avec différentes formes : break dance, danse debout, danse au sol), les graffitis, les musiques (avec les dj's). Ces différentes disciplines de base se sont développées chez nous à partir des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990. Par la suite, elles se sont diversifiées et ont donné lieu à des interpénétrations avec d'autres courants : des mouvements de danse hip hop ont été repris dans la danse contemporaine, le graffiti s'est mélangé avec le Street Art, etc. Cet article repose sur une rencontre avec Alain Lapiower, directeur de Lézarts urbains.

 

Le travail accompli par Lézarts Urbains avec les artistes et les collectifs de ce courant est transdisciplinaire et transversal.

Transversal : il s'agit tout à la fois d'un travail de diffusion artistique, d'aide aux projets, de formation et d'information (documentation et ressources diverses) ainsi que d'un travail socio-éducatif. Les jeunes qui composaient au départ le public de Lézarts Urbains sont devenus aujourd'hui des adultes, dont certains ne sont plus si jeunes que ça ; de nouveaux jeunes les ont rejoints. Certains participants à des ateliers sont devenus à leur tour animateurs. Les cultures urbaines sont désormais l'un des courants de la culture contemporaine.

Transdisciplinaire : les arts urbains couvrent les champs de la danse, de la musique, de l'écriture, des arts plastiques. Si le théâtre à proprement parler n'entre pas dans les missions de Lézarts Urbains, on y travaille des formes scéniques liées à l'interprétation, comme par exemple pour le slam.

A-t-on affaire à des arts émergents ? En termes culturels, l'émergence n'est pas récente. Les pratiques commencent à être bien établies. En termes de structuration professionnelle, en revanche, les arts urbains restent très jeunes. Le champ est traversé de questionnements typiques des cultures émergentes (comparables à ce qu'a connu le rock antérieurement) mais aussi de questions spécifiques à ce courant-là.

Parlons d'abord des questionnements généraux. Ils sont liés à la problématique de la reconnaissance, à l'ouverture d'espaces et à la mise en place des structurations nécessaires à la maturation d'un courant.

Dans un premier temps, on est face à des besoins d'exister, d'avoir des lieux d'expression (des salles, des festivals...), des moyens techniques et financiers et un encadrement adapté, avec des personnes qui aient les compétences nécessaires pour faire exister ces cultures : par exemple des techniciens qui sachent comment éclairer ou sonoriser correctement un spectacle.

Ainsi, le rock a nécessité l'ouverture d'un nouveau champ de compétences. Les instruments étaient différents de ce qu'on avait connu auparavant. Il fallait apprendre à gérer une scène. Il a fallu des années pour qu'on arrive à formuler clairement nos exigences sur le plan technique et pour que ces exigences nouvelles soient répercutées jusque dans les écoles de techniciens. Des années pour que nous, musiciens, ayons en face de nous des équipes techniques capables de faire une balance son correcte. Un sonorisateur qui avait appris à travailler sur de la musique classique ou du jazz n'avait pas toutes les compétences requises pour sonoriser un concert de rock.

Il a aussi fallu beaucoup de temps pour que se créent un encadrement et des structures adaptées en matière de diffusion artistique et de gestion. Les producteurs, les agents, les organisateurs de concerts fiables. : tous ces intermédiaires sont apparus progressivement à partir des années 1970. Précédemment, c'étaient encore les anciens cadres qui occupaient le terrain, avec parfois beaucoup de maladresses, notamment des impresarios qui continuaient à travailler à l'ancienne.

Il y a une petite dizaine d'années, au début du 21e siècle, donc, on s'est retrouvé confronté au même genre de questions pour le hip hop et les cultures urbaines. Il s'agissait de pouvoir disposer d'un cadre technique, puis d'un cadre de diffusion artistique, puis d'un cadre de gestion, commerciale ou non : comment se professionnaliser, en un mot ? D'autres questions plus spécifiques sont apparues, questions liées à l'héritage socioculturel des milieux dans lesquels ces cultures ont émergé.

Au plan technique, on était en retard d'une guerre. La profession des sonorisateurs avait été formée pour le rock et ne comprenait pas les besoins du rap. Dans le rap, ce qui compte, c'est de faire sortir les voix. Dans le rock, la voix se fond davantage avec les instruments. Le rap c'est du texte ; on doit entendre et comprendre ce que le rappeur dit. En même temps, on a besoin de puissance sonore pour l'accompagnement musical. Il n'est pas évident d'arriver en même temps à faire ressortir la voix et à donner une puissance sonore suffisante. Actuellement, dans toute la Belgique, les gens capables de sonoriser convenablement un concert de rap se comptent sur les doigts d'une main.

 


 

 

Urban session, juin 2009 © Dati Bendo

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