Als gäbe es Als gäbe es Als gäbe es Als gäbe es Als gäbe es |
Comme s'il y avait Comme s'il y avait Comme s'il y avait Comme s'il y avait Comme s'il y avait |
Ensuite, on peut observer dans les poèmes de Rose Ausländer une multitude d'oxymores. Il est ainsi question de l'« infinitude de la seconde » (Vom Leben gefressen), de « bûchers glaciaux » (In jenen Jahren), de la « patrie étrangère » (Heimat III) ou du « silence retentissant » (Schallendes Schweigen). Le nouveau style lapidaire, friable, disharmonieux, et tout particulièrement les oxymores sont un moyen d'exprimer ce paradoxe qui consiste à « dire l'indicible » (« Unsagbares / sagen », Lauschen). Ces oxymores, surtout celui du « silence retentissant », montrent que l'écriture de Rose Ausländer « se situe à la limite de ce silence qui, selon Adorno, serait l'attitude la plus justifiable du poète après la Shoah » (Tabah, 2003). En affirmant et niant simultanément, Rose Ausländer mène un jeu contradictoire, un ‘double jeu' qu'elle a exprimé de manière prégnante dans le poème suivant :
Doppelspiel Wir verwalten verwandeln sie Dieses Doppelspiel |
Double jeu Nous gérons la transformons Ce double jeu |
Le double sens propre à cette poésie se marque également dans les poèmes qui traitent le thème de la patrie ou plutôt de la ‘mère patrie' ou ‘matrie'. Dans Mutterland (« Ma patrie est morte / ils l'ont enterrée / dans le feu // je vis / dans ma mère patrie / le mot »), Rose Ausländer décrit la langue, la poésie et le mot comme son nouveau refuge. Les mots sont évoqués à maintes reprises comme sa nouvelle maison, son nouveau royaume (« un royaume / de mots », Krone). Toutefois, de nombreux poèmes dévoilent également que cette nouvelle ‘matrie' correspond à un non-lieu, à une utopie. Il est dès lors symptomatique que ce lieu soit aussi associé au conte :
Ein Märchen I
Ein Mensch wandert Er sucht einen Ort Ruhelos ein Märchen |
Un conte I
Un homme marche Il cherche un endroit Inlassablement un conte |
Cette même idée est exprimée par l'expression « Eswareinmalheim » (« maison d'il-était-une-fois ») dans le poème Kindheit I. Quand ce refuge des mots n'est pas associé au monde fictionnel du conte, il est aussi souvent lié à celui du rêve. Le motif du rêve est d'ailleurs essentiel à la poésie de Rose Ausländer, comme le montre la lettre à E.R. Korn datant du 13 mars 1943 :
C'est merveilleux comme dans un rêve – et seuls les rêves sont la réalité – mais dans son uniformité insipide et sa dépersonnalisation meurtrière, la réalité est bien moins que le rêve. Le rêve, c'est l'espace sans limites. Et l'art ne commence que là où les limites sont abolies...6
6 Rose Ausländer dans une lettre à Ewald Ruprecht Korn du 13 mars 1943, citée d‘après : Helmut Braun, « ‚Es bleibt noch viel zu sagen‘. Zur Biographie von Rose Ausländer », in : Rose Ausländer. Materialien zu Leben und Werk, p. 11-33, ici : p. 20. (Traduction française : Céline Letawe et Valérie Leyh)