« Blumenworte / Kriegsgestammel » - Rose Ausländer au Pays des Mots
Parmi la foule de poètes et poétesses allemand(e)s et autrichien(ne)s qui mériteraient d'être présenté(e)s, il était bien nécessaire de faire un choix – un choix guidé tout d'abord par la question de la traduction : quels auteurs de poésie allemande peut-on lire à ce jour en traduction française ? Pour le 20e siècle et plus précisément l'époque qui a suivi la seconde guerre mondiale, il y en a peu, même très peu. Mais au cours des dix dernières années, le grand public et les philologues francophones ont montré un intérêt particulier pour une poétesse dont la vie et l'œuvre permettent d'évoquer également l'histoire d'une région bien spécifique ainsi qu'un ensemble de poètes. Il s'agit de Rose Ausländer, de la ville de Czernowitz et des poètes juifs originaires de la Bucovine.
Czernowitz (aujourd'hui « Tchernivtsi » ou « Tchernovtsy ») est une ville du sud-ouest de l'Ukraine, près de la frontière roumaine. Quand Rosalie Beatrice Scherzer naît à Czernowitz le 11 mai 1901, cette ville fait encore partie de l'empire austro-hongrois et personne ne se doute à ce moment-là de l'histoire tumultueuse et douloureuse qu'elle devra traverser. En effet, entre 1918 et 1946, la région de la Bucovine – littéralement « le pays des hêtres », une région au nord-est des Carpates, riche en hêtraies et forêts – va subir de gros chamboulements : quand l'empire austro-hongrois s'effondre en 1918, elle devient d'abord une province de la Grande Roumanie, avant d'être annexée par l'Union soviétique de juin 1940 à juillet 1941 puis occupée par les Roumains et les Allemands, ‘libérée' par l'armée rouge en 1944 et finalement rattachée à la République socialiste soviétique d'Ukraine en 1946. Ces quelques dates ne permettent néanmoins que d'effleurer l'histoire d'une région et d'une ville cosmopolite et prospère qui, telle l'île d'Atlantide, sera condamnée à être engloutie. Car Czernowitz est, jusqu'en 1918, une ville extraordinaire pour son caractère multilingue et multiethnique : y vivent des Allemands, des Ukrainiens, des Juifs, des Roumains, des Ruthènes et d'autres minorités, et on y parle au moins quatre langues, à savoir l'allemand, le roumain, le ruthène et le yiddish. La poétesse d'origine juive y passera une enfance empreinte à la fois de l'héritage spirituel et religieux hassidique1 et de l'héritage culturel et littéraire de la région. Dans son essai consacré à cette région, Rose Ausländer se souvient :
Il y avait ici des schopenhaueriens, des adulateurs de Nietzsche, des spinozistes, des kantiens, des marxistes, des freudiens. On s'enthousiasmait pour Hölderlin, Rilke, Stefan George, Trakl, Else Lasker-Schüler, Thomas Mann, Hesse, Gottfried Benn, Bertolt Brecht. On dévorait les œuvres classiques et modernes de la littérature étrangère, en particulier française, russe, anglaise et américaine. Chaque disciple était pénétré de la mission de son maître de pensée. [...] Dans cette atmosphère, un homme intéressé par les choses de l'esprit était ‘obligé' de réfléchir aux problèmes philosophiques, politiques, littéraires ou artistiques, ou de s'exercer lui-même dans l'un de ces domaines.2
Dans ce creuset de culture, de nombreux Juifs se lancèrent dans l'écriture et dans la poésie. Si ces poètes ne formèrent jamais un groupe organisé, cela n'empêcha pourtant pas Alfred Margul-Sperber (1898 - 1967), l'un des plus âgés parmi la kyrielle de poètes, de parler d'un « chœur invisible ». De ce « chœur invisible », ce sera l'un des plus jeunes et des plus novateurs, Paul Antschel, plus connu sous le nom de Paul Celan (1920 - 1970), qui acquerra la plus grande réputation.3
La ville de Czernowitz, la région de la Bucovine et la rivière Pruth marqueront l'œuvre entière de Rose Ausländer. Dans les nombreux poèmes qui ont pour sujet ce pays natal, on peut observer une harmonie entre la nature et la culture, une symbiose influencée très probablement par la culture hassidique et la philosophie spinoziste :
Pruth Da
zirpten die Kiesel im Pruth Narzisse
wir lagen im Wasserspiegel Nachts
vom Wind bedeckt
Immer
zurück zum Pruth Flöße | Pruth Les galets chantaient dans le Pruth Narcisses nous reposions dans le miroir de l'eau La nuit couverture de vent
Éternel retour au Pruth |
L'image du pays natal que Rose Ausländer transmet dans ses poèmes est une image idéalisée, mythique, idyllique, embellie par le souvenir. La conjuration de ce paradis perdu est liée aux événements historiques et biographiques qui se succédèrent à partir de 1920 et qui mirent un terme brutal à sa jeunesse heureuse. En 1920, la vie à Czernowitz commence en effet à devenir difficile pour Rose Ausländer : son père décède, le nationalisme roumain devient de plus en plus envahissant et les minorités ethniques et culturelles sont de moins en moins tolérées. La mère de Rose ne pouvant plus subvenir aux besoins de la famille, elle pousse sa fille à quitter Czernowitz et à émigrer aux États-Unis. Rose n'a que 19 ans lorsqu'elle quitte sa mère, sa famille et sa région natale et qu'elle débarque à New York le 1er avril 1921. Ignaz (Irving) Ausländer, son amoureux de l'époque, l'accompagne, elle l'épousera deux ans plus tard, divorcera en 1930, mais gardera son nom dont la signification (« étranger ») traduit si bien sa condition existentielle. En 1931, Rose retourne à Czernowitz pour s'occuper de sa mère malade, elle mène déjà une existence nomade entre Czernowitz, Bucarest et New York. Quand la seconde guerre mondiale éclate, elle est à New York, mais peu de temps après, elle répond à un appel de sa mère malade et retourne à Czernowitz pour la soigner. Ayant perdu la nationalité américaine, tous les efforts pour s'évader d'Europe resteront vains et Rose vivra sous l'occupation nazie jusqu'en 1944, forcée d'abord de vivre dans le ghetto des Juifs et ensuite de se cacher dans les caves pour échapper à la déportation en Transnistrie, où quelque 220 000 Juifs mourront dans des camps d'extermination. Rose Ausländer doit sa survie à des personnes comme Hanna Kawa qui, de Bucarest, lui procurait des vivres en cachette. Pour les Juifs rescapés, la libération par les Russes en 1944 ne sera toutefois qu'une fausse libération puisqu'ils seront ensuite poursuivis non plus en tant que Juifs, mais en tant qu'Allemands. Toute personne juive et germanophone apte à travailler mais sans travail sera alors déportée dans des camps de travail en Russie. En 1947, un an après que Rose Ausländer est finalement parvenue à rejoindre les États-Unis, sa mère décède et Rose s'effondre. Elle a perdu tout ce qu'elle associait à sa patrie : sa mère, sa ville, sa jeunesse, et de nombreux amis. Ce traumatisme s'exprimera par l'abandon de la langue allemande, à laquelle elle ne reviendra que dix ans plus tard, et par une vie qui ne cessera d'être errante et fragile.
Sans tomber dans le biographisme, il s'agit de montrer à quel point les expériences vécues par Rose Ausländer ainsi que le contexte historico-culturel sont intrinsèques à ses poèmes et à sa poétologie. Ainsi, le premier recueil de Rose Ausländer, intitulé Der Regenbogen (« L'arc-en-ciel »), est déjà étroitement lié à l'histoire de l'époque. Il paraît en 1939, avec l'aide de l'écrivain Alfred Margul-Sperber. Il n'y a pas de moment plus inopportun puisque les livres écrits par des Juifs ne sont plus pris en considération en pays germanophone. L'œuvre n'aura donc aucun succès et une partie du tirage sera même détruit. Plus tard, Rose Ausländer elle-même rejettera ces poèmes qui restent encore attachés aux formes traditionnelles, à la rime, au mètre et à la strophe.
1 Le mot « hassidisme » désigne un courant mystique juif qui a fort influencé le judaïsme allemand et qui s'est développé à partir du Moyen Âge jusqu'au 19e siècle.
Une deuxième phase importante de sa production artistique correspond aux années de guerre, entre 1941 et 1944. Dans son essai intitulé Alles kann Motiv sein, elle raconte son existence précaire dans le ghetto et dans les caves, et elle y évoque l'importance de l'écriture :
Pourquoi j'écris ? [...] Czernowitz 1941. Les nazis occupèrent la ville et restèrent jusqu'au printemps de l'année 1944. Ghetto, misère, horreur, transports de la mort. Durant ces années, nous rencontrions de temps à autre des amis en secret, pour lire des poèmes, souvent au péril de notre vie. Face à l'insupportable réalité, seuls deux comportements étaient possibles : soit on s'abandonnait au désespoir, soit on passait dans une autre réalité, dans la réalité spirituelle. En tant que Juifs condamnés à mort, nous ressentions un besoin de consolation indicible. Et pendant que nous attendions la mort, certains d'entre nous habitaient dans des mots-rêves – notre foyer traumatique dans notre existence apatride. Écrire, c'était vivre. Survivre. 4
Durant cette période, Rose Ausländer écrit trente-trois poèmes qui sont réunis dans le cycle Gettomotive. Les motifs principaux de sa poésie y sont déjà présents et ils réapparaîtront de manière itérative dans toute son œuvre. Il s'agit (entre autres) du rêve, du souffle, de la lune et du soleil, du ciel et des étoiles, du jour et de la nuit, de la maison et de la mère, du silence, du chant du rossignol et de quantité de motifs religieux. Ces poèmes reflètent également l'influence de poètes que Rose admirait tout particulièrement. Le poème Ohne Wein und Brot peut ainsi être lu ex negativo comme réponse à une élégie de Friedrich Hölderlin (1770 - 1843) intitulée Brot und Wein (cf. Lajarrige, 2003). Rose Ausländer renoue d'ailleurs avec la tonalité élégiaque propre aux poèmes de cet auteur.
Ohne Wein und Brot In
unserm Herzen ist die Nacht zu Haus An
allen Enden fletschen ihre Zähne Die
Silberbecher rollen aus der Hand. | Sans vin ni pain Dans notre cœur la nuit est chez elle Partout les loups grincent des dents, Les calices d'argent tombent de la main. |
Pendant les années 1950, Rose Ausländer écrit des poèmes en anglais, rassemblés dans le volume The Forbidden Tree. La Shoah a produit chez elle un blocage linguistique, une inhibition qui lui interdit d'écrire dans la « langue des meurtriers », qui est pourtant sa langue maternelle. Cette phase artistique sera toutefois décisive pour l'évolution de son écriture vers des formes beaucoup plus concises. Ce changement stylistique assez radical a été expliqué de différentes manières. D'une part, Rose Ausländer elle-même a formulé une interprétation générale alliant poétologie et histoire : suite aux événements cauchemardesques de la guerre, « la rime s'effondra et les mots-fleurs fanèrent »5. D'autre part, on peut expliquer ce changement par l'influence d'auteurs américains contemporains comme Marianne Moore, Wallace Stevens et E. E. Cummings. C'est d'ailleurs grâce aux encouragements de Marianne Moore que Rose Ausländer renouera avec la langue allemande. Finalement, les deux rencontres de Rose Ausländer avec Paul Celan à Paris ont certainement conforté la poétesse dans son évolution stylistique. En fait, Rose Ausländer avait déjà rencontré Paul Celan à Czernowitz et ils s'étaient échangés des poèmes durant l'occupation nazie. Plus de dix ans plus tard, pendant son voyage en Europe, elle renoue brièvement avec cet artiste qui, très tôt déjà, avait osé révolutionner les formes poétiques. Ainsi, en 1957, Rose Ausländer revient aux événements tragiques auxquels elle a survécu et les exprime dans sa langue maternelle, dans un style nouveau. Les poèmes Versöhnlich et Damit kein Licht uns liebe sont des exemples particulièrement représentatifs :
Versöhnlich Versöhnlich | Réconciliation Conciliateur |
Damit kein Licht uns liebe Sie kamen Da begruben
wir die Sonne | Pour qu'aucune lumière ne nous aime Ils sont venus Alors nous avons enterré le soleil |
4 Rose Ausländer, « Alles kann Motiv sein », in : Rose Ausländer, Gesammelte Werke in sieben Bänden und einem Nachtragsband mit Gesamtregister / sous la dir. de Helmut Braun, tome 3, Hügel aus Äther unwiderruflich. Gedichte und Prosa 1966-1975, Frankfurt a.M.: Fischer, 1984, p. 284-288, ici : p. 286 (Traduction française : Céline Letawe et Valérie Leyh).
Als gäbe es Als gäbe es Als gäbe es Als gäbe es Als gäbe es | Comme s'il y avait Comme s'il y avait Comme s'il y avait Comme s'il y avait Comme s'il y avait |
Ensuite, on peut observer dans les poèmes de Rose Ausländer une multitude d'oxymores. Il est ainsi question de l'« infinitude de la seconde » (Vom Leben gefressen), de « bûchers glaciaux » (In jenen Jahren), de la « patrie étrangère » (Heimat III) ou du « silence retentissant » (Schallendes Schweigen). Le nouveau style lapidaire, friable, disharmonieux, et tout particulièrement les oxymores sont un moyen d'exprimer ce paradoxe qui consiste à « dire l'indicible » (« Unsagbares / sagen », Lauschen). Ces oxymores, surtout celui du « silence retentissant », montrent que l'écriture de Rose Ausländer « se situe à la limite de ce silence qui, selon Adorno, serait l'attitude la plus justifiable du poète après la Shoah » (Tabah, 2003). En affirmant et niant simultanément, Rose Ausländer mène un jeu contradictoire, un ‘double jeu' qu'elle a exprimé de manière prégnante dans le poème suivant :
Doppelspiel Wir verwalten verwandeln
sie Dieses
Doppelspiel | Double jeu Nous gérons la transformons Ce double jeu |
Le double sens propre à cette poésie se marque également dans les poèmes qui traitent le thème de la patrie ou plutôt de la ‘mère patrie' ou ‘matrie'. Dans Mutterland (« Ma patrie est morte / ils l'ont enterrée / dans le feu // je vis / dans ma mère patrie / le mot »), Rose Ausländer décrit la langue, la poésie et le mot comme son nouveau refuge. Les mots sont évoqués à maintes reprises comme sa nouvelle maison, son nouveau royaume (« un royaume / de mots », Krone). Toutefois, de nombreux poèmes dévoilent également que cette nouvelle ‘matrie' correspond à un non-lieu, à une utopie. Il est dès lors symptomatique que ce lieu soit aussi associé au conte :
Ein Märchen I Ein Mensch
wandert Er sucht
einen Ort Ruhelos ein Märchen | Un conte I Un homme marche Il cherche un endroit Inlassablement un conte |
Cette même idée est exprimée par l'expression « Eswareinmalheim » (« maison d'il-était-une-fois ») dans le poème Kindheit I. Quand ce refuge des mots n'est pas associé au monde fictionnel du conte, il est aussi souvent lié à celui du rêve. Le motif du rêve est d'ailleurs essentiel à la poésie de Rose Ausländer, comme le montre la lettre à E.R. Korn datant du 13 mars 1943 :
C'est merveilleux comme dans un rêve – et seuls les rêves sont la réalité – mais dans son uniformité insipide et sa dépersonnalisation meurtrière, la réalité est bien moins que le rêve. Le rêve, c'est l'espace sans limites. Et l'art ne commence que là où les limites sont abolies...6
6 Rose Ausländer dans une lettre à Ewald Ruprecht Korn du 13 mars 1943, citée d‘après : Helmut Braun, « ‚Es bleibt noch viel zu sagen‘. Zur Biographie von Rose Ausländer », in : Rose Ausländer. Materialien zu Leben und Werk, p. 11-33, ici : p. 20. (Traduction française : Céline Letawe et Valérie Leyh)
C'est seulement dans un monde illimité, dans un monde qui ne fait plus la différence entre la réalité, le conte et le rêve, dans un monde créé par les mots que Rose Ausländer peut trouver un refuge (illusoire) et une stabilité (toujours provisoire). La recherche d'un espace, d'une ‘matrie' inscrite dans le mot est donc étroitement liée à une quête identitaire. Des poèmes comme Mein Gedicht et Wer bin ich expriment ce lien étroit entre la création poétique et l'identité de la poétesse, une relation que le « moi lyrique » souhaiterait indéfectible :
Mein Gedicht Mein Gedicht Die Erde
atmet Aus ihrem
Atem geboren | Mon poème Mon poème La terre Né de son souffle |
Wer bin ich Wenn ich
verzweifelt bin Bin ich
fröhlich Wer bin ich | Qui suis-je Quand je suis désespérée Quand je suis gaie Qui suis-je |
De surcroît, l'expression « Deinwort » (mot tien) dans le poème Als gäbe es manifeste que le mot (comme métonymie de la poésie) joue également le rôle d'un vis-à-vis, d'une présence face à un état de déréliction. Influencés entre autres par la philosophie du dialogue de Martin Buber (1878 - 1965), les poèmes de Rose Ausländer recherchent ainsi continuellement un lien avec l'autre, un lien entre le je et le tu. Ce même poème Als gäbe es révèle pourtant que cette intercompréhension, cette ouverture vers l'autre, ce rapport dialogique restent dans le mode du subjonctif, donc du souhait, du rêve.
À partir de 1973, Rose Ausländer vit dans le « Nelly-Sachs-Haus » à Düsseldorf, une maison médicalisée de la communauté juive. Pendant les dernières années de sa vie, elle ne quitte plus sa chambre. Même grabataire, elle reste très productive et écrit encore de nombreux cycles de poèmes. Durant la dernière phase de sa carrière artistique (de 1979 à 1986), ses poèmes déjà lapidaires se réduisent encore et se limitent à évoquer les motifs originels de la poésie. Un mot comme « Ève » débouche ainsi sur tout un monde de signifiés, permet d'être associé à Adam, au serpent, à l'arbre de la connaissance, à la condition de la femme, aux questions du genre. Pour les lecteurs assidus des poèmes de Rose Ausländer, un simple mot déclenche un réseau d'associations infinies. Parmi les thèmes qui traversent son œuvre entière – et dont seuls quelques-uns ont pu être évoqués ici – les thèmes de l'âge, de la vanité et de la mort deviennent prépondérants à la fin de sa vie : Ich bin der Sand / im Stundenglas
Ich bin der
Sand im Stundenglas und rinne ins Tal der Zeit die mich umarmt | Je suis le sable dans le sablier et je coule dans la vallée du temps qui m'enlace |
Ces thèmes ne l'empêchèrent pourtant pas de vouloir continuer, de ressentir la nécessité et le désir de s'exprimer « encore ». Cette volonté s'exprime notamment dans les titres qu'elle donne à ces cycles de poèmes : Es bleibt noch viel zu sagen ou Noch ist Raum (« Il y a encore beaucoup à dire » / « Il y encore de l'espace »). L'ampleur de son œuvre (il s'agit de plus de 2500 textes qui s'étalent sur environ soixante ans) montre bien que le besoin d'écrire de Rose Ausländer était (quasi) inépuisable :
Noch Noch eine
Zeile | Encore Encore une ligne |
Épilogue
Pour une poétesse qui, sans répit, était à la découverte de nouvelles contrées et qui recherchait continuellement un équilibre et un appui dans le contact avec l'autre, avec l'étranger, le fait que ses poèmes soient traduits et lus dans une autre langue et par de nouveaux « tu » est certainement une forme de reconnaissance qu'elle aurait accueillie avec joie. Par son style laconique et son vocabulaire très souvent limité à des mots riches en expressivité, mais simples et quotidiens, les poèmes de Rose Ausländer sont en outre très accessibles – un argument de plus pour partir à la découverte d'une partie de l'histoire européenne, d'une région géographique, d'une poétesse, d'une femme... et, last but not least, de la poésie en langue allemande !
Février 2012
- Poèmes Pruth, Damit kein Licht uns liebe, Schallendes Schweigen, Versöhnlich et leurs traductions : Rose Ausländer, Blinder Sommer / Été aveugle, traduit et présenté par Dominique Venard, Baumes-les-Dames : AEncrages & co, 2010.
- Poèmes Als gäbe es, Mein Gedicht et leurs traductions : Rose Ausländer, Kreisen / Cercles, traduit de l'allemand et présenté par Dominique Venard, Baumes-les-Dames : AEncrages & co, 2010.
- Traductions françaises des poèmes Ohne Wein und Brot, Wer bin ich, Mutterland, Ins Nichts gespannt : Poèmes de Czernovitz. Douze poètes juifs de langue allemande, traduits de l'allemand et présentés par François Mathieu, Paris : Editions Laurence Teper, 2008.
- Traductions françaises des poèmes Doppelspiel, Ein Märchen I, Ich bin der Sand im Stundenglas et Noch : Céline Letawe et Valérie Leyh
- Versions originales des poèmes : Rose Ausländer, Gesammelte Werke in sieben Bänden und einem Nachtragsband mit Gesamtregister / sous la dir. de Helmut Braun, Frankfurt a. M. : Fischer, 1984-1990.
Helmut Braun, « Ich bin fünftausend Jahre jung ». Rose Ausländer. Zu ihrer Biographie, Stuttgart : Radius-Verlag, 1999.
Helmut Braun, « ‚Du hast mit deinen Sternen nicht gespart‘. Zum Verhältnis von Rose Ausländer und Paul Celan », in : Gedichte de Rose Ausländer / sous la dir. de Jacques Lajarrige et Marie-Hélène Quéval, Nantes : Editions du temps, 2005, p. 83-100.
Helmut Braun, « ‚Gedichteschreiben / ein Handwerk.‘ Strukturen im Werk der Lyrikerin Rose Ausländer », in : « Blumenworte welkten ». Identität und Fremdheit in Rose Ausländers Lyrik / sous la dir. de Jens Birkmeyer, Bielefeld : Aisthesis Verlag, 2008, p. 55-66.
Geneviève Humbert-Knitel, « Rose Ausländer (1901-1988) et le mythe de Czernowitz », in : Gedichte de Rose Ausländer / sous la dir. de Jacques Lajarrige et Marie-Hélène Quéval, Nantes : Editions du temps, 2005, p. 9-25.
Jacques Lajarrige, « Dire l'enfermement - le cycle Gettomotive (1942-1944) de Rose Ausländer », in : Études Germaniques 58 (2003) 2, p. 317-338.
Jacques Lajarrige, « ‚Du und du und du.' Formes et détours de l'altérité chez Rose Ausländer », in : Le Texte et l'Idée 21 (2006), p. 99-118.
Mireille Tabah, « La réception de Rose Ausländer en Allemagne après la Shoah », in : Études Germaniques 58 (2003) 2, p. 183-196.
Rose Ausländer, Blinder Sommer / Été aveugle, traduit et présenté par Dominique Venard, Baumes-les-Dames : AEncrages & co, 2010.
Rose Ausländer, Kreisen / Cercles, traduit de l'allemand et présenté par Dominique Venard, Baumes-les-Dame : AEncrages & co, 2010.
Dominique Venard a traduit deux cycles de poèmes de Rose Ausländer. Ces deux ouvrages présentent les poèmes en version bilingue.