Corinne Hoex

Corinne Hoex, Contre jour (Le Cormier, 2009) ; Juin (Le Cormier, 2011)

 

Minimaliste, mais concrète et sensuelle, la poésie de Corinne Hoex touche par sa justesse et sa tendresse. Une art de la phrase simple, des thèmes intimes mais universels, une attention au grain du quotidien.

Corinne Hoex est l'auteur de trois romans, qui lui ont valu de nombreux prix et un beau succès critique. Mais elle est aussi poète. Elle a publié aux éditions du Cormier deux petits livres où se dessine une poésie tout à fait originale, et d'une grande qualité. Chaque livre possède un sujet propre et forme comme un seul poème, développé en brèves stances qui déroulent un propos homogène et progressif.

Les deux livres témoignent d'un sens rare du regard et de l'expression. L'attention à l'autre et l'émotion ne passent ni par l'expansion rhétorique ou affective, ni par la soustraction.

contrejour

Le premier livre, Contre jour (2009), s'adresse à un personnage planté d'emblée dans un décor :

aujourd'hui
encore
tu es assis
dos au jardin
à contre-jour

En quelques mots allusifs, Corinne Hoex induit en nous deux impressions inconscientes, que la suite du texte confirme : ce personnage est âgé, et c'est un peintre, qui ne peint plus que dans sa tête. Un peintre épris de couleurs, et qui, dos tourné au jour et aux lumières, fait face à l'obscurité :

ton regard
scrute
le point invisible
là où apparaît
la couleur
là où le noir
se troue

...

tu n'appartiens
qu'à ce bleu
qui te brûle

Tout le poème est la méditation attentive d'une femme de mots sur les sensations d'un homme du regard. Si les mots peuvent dire le regard, si la vue peut habiter le poème, c'est, comme nous le montre Corinne Hoex, dans la simplicité, la nudité de l'expression, plus dépouillée que minimaliste.

Si le peintre observe la pluie, elle lui dit : « tu es / dans chaque goutte ». Puis l'adresse au peintre aborde l'acte même de peindre, fût-il mental :

cette nuit
dans ta tête
tu as peint
une nouvelle toile

 

On ne s'avise pas tout de suite de l'ambiguïté des deux premiers vers de cet extrait. Affronter le noir est mourir :

le noir
est dans tes narines
contre ta bouche
ouverte
le noir
dans tes poumons

le goudron
de la nuit
descendu sur toi

 

Mais peindre est vivre :

tu traces
une seule ligne
le cap
limpide
que tu suis

Et peinture et vie se confondent, dans une leçon que le poète énonce à peine, posément :

tu consens
à disparaître
dans la couleur
la plus profonde

tu rejoins
l'aurore

 

Procédant par touches de noir, de blanc et de couleurs, cette poésie est limpide et lumineuse. Il ne faut pas glisser trop vite sur ces vers apparemment simples, et leur forte découpe : l'absence quasi totale de figures rhétoriques n'empêche pas, mais au contraire autorise, une poésie visuelle sans description, une poésie empathique sans pathos.

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