Une équipe de chercheuses du Service d'analyse des pratiques et des systèmes d'enseignement (aSPe, Professeure D. Lafontaine) présente les principaux résultats d'une étude européenne qu'elle a coordonnée. S'intéressant au multilinguisme présent dans de nombreux contextes de vie, cette étude s'est notamment penchée sur les attitudes et représentations d'élèves de l'enseignement primaire et secondaire à propos des langues qu'ils apprennent ou souhaiteraient apprendre.
L'enseignement des langues occupe une place importante dans la plupart des systèmes éducatifs européens. Dans la grande majorité des pays, cependant, l'anglais est la première langue moderne enseignée et l'apprentissage de langues autres que l'allemand, l'anglais, l'espagnol, le français et le russe est peu développé.
Une recherche européenne menée dans le cadre du programme Socrates1
Il y a quelques années, notre équipe de recherche a eu l'occasion de coordonner une étude internationale visant à mieux comprendre les incitants et les freins à l'apprentissage de langues diverses, ainsi qu'à dégager des pistes pour favoriser le plurilinguisme des citoyens en s'appuyant sur le multilinguisme présent dans de nombreux contextes européens. Cette étude a été menée en collaboration par des équipes de recherche de cinq pays européens : l'Allemagne, la Belgique (Communauté germanophone et Communauté française), la Grèce, le Luxembourg et la Pologne. Elle a bénéficié du soutien de la Commission européenne (programme Socrates) et des institutions auxquelles ces équipes appartiennent.
De nombreuses recherches ont souligné l'importance des attitudes et des motivations dans l'apprentissage d'une seconde langue et leurs relations avec les compétences. Des auteurs tels que Dörnyei (2003a, 2003b) ont mis en évidence l'impact du contexte sur les composantes de la motivation et ses travaux ont aidé l'équipe à sélectionner les informations à recueillir. L'étude coordonnée par l'Université de Liège doit permettre de mieux connaître les attitudes des jeunes à l'égard d'une variété de langues de différents statuts, leurs motivations au développement de compétences communicatives dans chacune d'elles et les ressources potentielles dont ils disposent pour faciliter cet apprentissage. Il s'agit également de dégager des éléments de compréhension de ce qui fonde/explique les différentes attitudes et motivations. Quelles langues les jeunes rencontrent-ils dans leur environnement ? Pensent-ils maîtriser les langues qu'ils apprennent à l'école ? Souhaitent-ils en apprendre d'autres en plus et si oui lesquelles ? Quelle est leur vision des langues qu'ils apprennent et des pays où ces langues sont parlées ? Comment se représentent-ils les autres langues qu'ils souhaiteraient apprendre ? Etc.
L'enquête s'est déroulée dans des zones européennes d'étendue limitée situées sur le territoire des cinq pays concernés : les zones géographiques retenues sont relativement homogènes sur le plan linguistique (présence de migrants, proximité d'une zone où une autre langue est parlée, par exemple), et ne se veulent pas représentatives d'un système éducatif ou d'un pays.
Ainsi, en Communauté française, c'est la commune de Herstal (banlieue ouvrière, avec une importante population immigrée), d'une part, et les Communes malmédiennes (communes rurales, proches des zones germanophones, avec facilités linguistiques), d'autre part, qui ont été sélectionnées. L'hypothèse sous-jacente à une telle approche est que des ressources et des attitudes spécifiques peuvent mieux être approchées si on évite de les noyer dans une masse de données censées refléter les environnements divers rencontrés dans tout un pays.
Plus de 6.000 jeunes ont complété un questionnaire écrit, à raison d'environ 300 élèves du 5e grade et 300 élèves du 9e grade2 dans chacune des zones. Les contextes y ont été étudiés en faisant notamment appel à des personnes-ressources.
Le présent article reprend les principaux constats internationaux de cette étude et dégage quelques pistes de réflexion complémentaires spécifiques au contexte de la Communauté française de Belgique.
1 Cette recherche a été menée en collaboration par les personnes suivantes : Androulakis, G., Beckmann, C., Blondin, C., Fagnant, A., Goffin, C., Górecka, J., Martin, R., Mattar, C., Meißner, F-J., Mosorka, E., Nowicka, A., Pelt, V., Schröder-Sura, H., Skrivánek, W., Wilczynska, W. & Wojciechowska, B. 2 Dans une perspective internationale, le terme « grade » définit l'année d'études en référence au début de la scolarité primaire : ainsi, en Belgique, le 5e grade correspond à la 5e année primaire et le 9e grade à la 3e année du secondaire.