Portait de Pierre Duculot
Affiche film1

Ne reniant pas une certaine affiliation avec Robert Guédiguian, Pierre Duculot envisage les acteurs comme une famille, qu'il voit évoluer d'année en année : Christelle Cornil, par exemple, était déjà actrice sur les deux premiers courts métrages avant d'avoir le rôle principal d'Au cul du loup. Et pas question de renier la belgitude qui traverse les films de l'auteur : « je préfère choisir un acteur qui joue peut-être un peu faux, avec une mauvaise diction, mais bien à sa place, dans le décor du film plutôt qu'un comédien qui fait son show. Il me fallait un acteur de 60 ans, d'origine italienne, qui sache tenir un tournevis et monter sur un toit de manière vraisemblable ; je ne voyais que Roberto d'Orazio. Au travail, il est sincère. Après, quand il doit dire une longue tirade, on est loin de la Comédie Française, je suis d'accord. » Choix peu orthodoxe, il est vrai, mais véritable surprise du film – et en même temps grand sujet de controverse. « On m'a accusé de vouloir faire un coup médiatique, ce que je ne comprends pas. On oublie le tsunami de 2001, mais on se souvient de la lutte de d'Orazio comme syndicaliste  pour le maintien en activité des Forges de Clabecq, alors que c'était il y a 16 ans ! Un conflit social, un délégué syndical, et on l'a retenu. Pourquoi ? Il y en a eu des conflits depuis ! Et pas que des calmes ! Alors pourquoi ? Parce qu'il avait une présence. Les gens ont oublié que c'était à Clabecq, que c'était un sidérurgiste, mais ils se souviennent de l'homme. Moi je pensais que cette histoire était oubliée depuis longtemps. Il est vrai que quand j'ai commencé à écrire, je pensais à lui, parce que je l'avais rencontré  à plusieurs reprises – j'ai un vieux fond militant, il faut dire. Et je le voyais bien comme comédien. J'ai d'abord cherché ailleurs et ne trouvant personne je me suis finalement tourné vers lui. Mais ça n'avait rien de médiatique. » 

Le cinéma de Pierre Duculot repose également sur un principe assez simple : une confrontation entre deux éléments (générations, cultures) suite à une profonde envie de voyager. Dormir au chaud évoque ainsi la coexistence difficile entre une jeune fille venant de nulle part et la vieille dame qui l'héberge ; dans Dernier voyage, c'est une mamy espiègle qui décide de planter là sa famille en partant en douce au Maroc avec son infirmière. Au cul du loup ne déroge pas à la règle : l'histoire est celle de Christina qui décide de quitter Charleroi pour aller retaper la maison que lui a léguée sa grand-mère en Corse. « Je pense que ça fait partie de l'être humain, cette envie d'aller voir ailleurs. Quant à la confrontation entre deux mondes, c'est le plus vieux ressort de tout conflit dans un scénario ! » Par extension, Pierre Duculot verrait-il le cinéma comme une forme d'évasion du spectateur ? « Pas seulement. J'aime bien une phrase de Bertolt Brecht, que citait également Germay : « un spectateur doit ramener du travail à la maison. » S'il va au cinéma pour seulement se changer les idées, c'est que ses idées ne sont pas bonnes ; moi j'aime bien que le cinéma fasse rêver, mais pas seulement. J'aime être emporté dans un récit, mais qu'on me pose également des questions. Par contre, j'ai horreur qu'on me donne des réponses ! D'ailleurs, dans mon film, il n'y en a pas : je ne fais qu'interroger. »

Au cul du loup de Pierre Duculot1
Au cul du loup

Et quant à savoir si le « jeune » cinéaste prévoit de parler un jour de Liège dans un film, la réponse fuse : « c'est une question amusante car mon prochain long métrage commencera justement à Liège ! L'histoire de trois amis d'enfance qui se retrouvent autour d'un événement tragique et qui, à l'aube de la cinquantaine, se donnent 48 heures pour faire tout ce qu'ils n'ont pas fait ces 20 dernières années. »

Après tout, il n'est jamais trop tard pour réaliser ses vieux rêves, n'est-ce pas,  Pierre Duculot ?

 

Bastien Martin
Janvier 2012

crayongris

Bastien Martin est diplômé de l'ULg, Master en Arts du spectacle, finalité cinéma. Il débute une recherche doctorale consacrée au cinéma

 

Page : précédente 1 2