OPENAIRS
Logob

Du 12 mai au 30 septembre 2012 prendra place dans le cœur historique de la Cité ardente l'exposition OPENAIRS organisée, à l'initiative du député Paul-Émile Mottard, par le Service Culture de la Province de Liège et l'Office provincial des Métiers d'Art. L'événement s'inscrit dans la foulée des projets d'art public menés à bien par les mêmes partenaires depuis Bonjour. 24 artistes vous rencontrent (2002) sous commissariat de Dominique Mathieu, Images publiques (2006) organisé avec Laurent Jacob en tant que directeur artistique ou encore Aux Arts, etc (2010) avec le concours de Jacques Charlier. Pour ce quatrième volet, les organisateurs se sont adjoint l'expertise de Johan Muyle... un choix judicieux non seulement en regard de la position que ce plasticien occupe sur la scène artistique belge et internationale mais aussi pour la nature du travail qu'il développe depuis les années 1980 à l'écart des langages et des concepts uniquement accessibles des seuls « spécialistes » des pratiques culturelles contemporaines.

OPENAIRS se singularise par le recours à la technique du « gonflable » ici déviée de ses habituels usages publicitaires ou ludiques. Certes, ce détournement n'est pas exclusif dans la sphère de l'art d'aujourd'hui. Il a déjà été pratiqué par de nombreux créateurs comme Momoyo Torimitsu et ses Bunnies coincés entre sol et plafond ou Joshua Allen Harris qui a défrayé la chronique en utilisant l'air pulsé des bouches d'aération du métro de New York pour donner corps à ses improbables sculptures animalières faites de sacs-poubelles. On peut encore penser à l'extraordinaire Leviathan récemment présenté par Anish Kapoor dans le cadre de Monumenta au Grand Palais et, bien sûr, à l'usage tonitruant que Paul Mc Carthy en fait ... Mais le « gonflable » demeure marginal dans la production artistique actuelle et, le plus souvent, passager dans le parcours d'un créateur. Sans doute la quasi-impossibilité de le garantir dans le cadre d'une implantation pérenne est-elle pour beaucoup dans cet état de fait. Par contre, pour une exposition temporaire qui maîtrise la relative fragilité des matériaux et les difficultés particulières d'installation, la technique peut s'avérer pertinente... même très pertinente. Ainsi permet-elle d'atteindre avec peu de moyens des proportions monumentales. Et, sur un plan plus conceptuel, elle ouvre des possibilités de recherches significatives. Relevons à titre d'exemple la belle ironie avec laquelle se trouve interrogée l'acception même de sculpture : ces grosses baudruches qui s'agitent comme un oiseau sur la branche ne semblent-elles pas toiser le marbre et l'airain qui, non sans vanité, nous promettent de défier le temps ?

Orlan, sans titre, pvc, 7x3x3 m.
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Le « gonflable » est aussi – et peut-être surtout – un outil mass médiatique percutant. Personne ne manquera d'associer les sculptures d'OPENAIRS à la réalité commune des « sympathiques » châteaux pour enfants de nos kermesses de campagne et autres fancy-fairs d'écoles primaires. L'occasion est trop belle de désacraliser, sur un mode pour le moins jubilatoire, un art contemporain en rupture profonde avec le goût populaire et de travailler avec la richesse et la diversité des usagers d'une ville. Accepter les fonctions de directeur artistique représente pour Johan Muyle l'occasion de s'inscrire dans un projet qui permet de questionner la place de l'art actuel dans la réalité philosophique, politique, sociale, historique... ; il déclare ainsi trouver là la possibilité d'exprimer son point de vue de créateur sur la cité et « de proposer des œuvres qui seront à l'origine d'un dialogue ou d'une confrontation avec la population, avec le tissu urbain, son organisation et son patrimoine. » Paul-Émile Mottard reconnaît dans les enjeux de l'art environnemental le « meilleur vecteur de soutien à la création pour un service public ». La culture doit pouvoir être partagée au-delà des cénacles d'initiés ; il en va tant du processus démocratique que de la vitalité des démarches créatives. OPENAIRS suscitera des questionnements bien plus riches que si les œuvres avait été présentées dans un musée ou une galerie. Il y aura des réactions positives et négatives, des rejets ... que l'on pourra analyser suivant l'idée que la pertinence de ce type de pratiques ne se mesure pas à la bienveillance ou à la conformité, voire à la condescendance ou au conformisme, de leur réception, mais bien à la multiplicité des appropriations dont elles feront l'objet. La sélection des créateurs opérée par Johan Muyle qui s'est aussi bien attaché à des valeurs sûres qu'à des talents prometteurs va aussi dans ce sens. En plus de témoigner d'une profonde sensibilité contemporaine et d'une réelle maîtrise de la forme monumentale, ils partagent tous la capacité à communiquer avec le grand public, un « esprit d'ouverture fécond » pour reprendre les termes employés par Muyle. Le choix de travailler sur le périmètre ancien de la Cité ardente garantit aussi le contact avec le public le plus varié et le plus nombreux ; on est au cœur de la ville, dans sa partie la plus vivante, voire la plus remuante.

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Audrey Frugier, Life is magnifique ®, pvc, 6x10 m.
 
Johan Muyle, Fluctuat nec mergitur, pvc, 10x5x4 m.
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Aucune thématique n'a été imposée aux artistes... même pas celle d'intégrer leur travail et d'absolument tenir compte d'un environnement spécifique, au-delà des nécessaires mesures de sécurité. Seule Audrey Frugier a explicitement intégré son projet en proposant d'ériger, dans un chancre proche de la place Saint-Barthélemy, une façade idéalisée à la manière d'une maison-jouet. Pour le reste, c'est au plus une relation formelle avec le lieu qui est établie comme pour la sphère de lumière blanche de Sophie Giraux qui semble coincée entre deux bâtiments de la rue de la Poule. Cette posture d'insoumission au contexte qu'il soit formel, historique ou social positionne aussi OPENAIRS dans une démarche très contemporaine. Les artistes ont toute latitude de développer des projets fidèles à leurs recherches ; on le voit avec la proposition de Frédéric Platéus qui placera sur une toiture, en Féronstrée, une version monumentale de ses fameuses Bomb R ou d'Elvis Pompilio qui ne se détourne aucunement de son métier de modiste puisqu'il travaille sur une édition de chapeaux (gonflables bien sûr et portables par tout un chacun) plutôt que sur une sculpture dans l'espace public. Les dérives du diktat de l'intégration environnementale ont trop contraint les plasticiens, les réduisant à créer des œuvres de circonstance souvent selon une démarche réductrice qui, au milieu des escaliers de Bueren, aurait préconisé un regard sur la bravoure des 600 Franchimontois et les aspirations libertaires du bon peuple au Pays de Liège... ; à la même place, Claude Levêque suspendra à trois mètres de haut un gigantesque blindé gonflable auréolé de lumière suivant ses réflexions sur les dérives du bling-bling médiatique de l'information spectacle. Les recherches de Peter Kogler (Cloître du Musée de la Vie wallonne) à propos des dangers du réseautage à outrance de nos sociétés ou d'Orlan (square Notger) sur la condition de la femme ont une portée universelle. C'est peut-être parfois même contre le lieu que les œuvres gagnent du sens comme le bateau de corsaires que Johan Muyle laissera échouer sur le toit d'un salon de thé de la place du Marché ... effet de surprise garanti !

Pierre Henrion
Décembre 2011

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Pierre Henrion est historien de l'art, il enseigne à l'E.S.A-Académie des Beaux-Arts de Liège et est conservateur au Musée en plein air du Sart Tilman.

 


 

Informations pratiques
OPENAIRS
Du 12 mai au 30 septembre 2012
Organisation : Province de Liège - Service culture en collaboration avec l'Office provincial des Métiers d'Art
Contact : Caroline Coste (Service culture de la Province de Liège / caroline.coste@provincedeliege.be )