Ernest de Bavière, un prince de Liège dans l'Europe moderne
Portrait d’Ernest de Bavière,
Châteaux d’Augustusburg et de Falkenlust de Brühl,
Patrimoine mondial de l’Unesco © H. Gummersbach
1Ernest de Baviere(c)Chateaux-Augustusburg-Falkenlust-Bruehl

L'exposition qui s'ouvre au Grand Curtius le 18 novembre commémore le quatre centième anniversaire de la mort d'Ernest de Bavière, survenue au mois de février 1612. On pourrait donc, à cet égard, la considérer comme une célébration de circonstance. Mais cette  manifestation comble aussi un vide dans un continuum.

Depuis plusieurs décennies en effet, les autorités communales liégeoises mènent, en étroite collaboration avec l'université,  une ambitieuse politique d'expositions sur l'histoire et les arts de l'ancienne principauté de Liège.  En 1966, Lambert Lombard et son temps, explorait l'univers du peintre et les premiers temps de la Renaissance liégeoise, sous Érard de La Marck. Deux ans plus tard, la commémoration du sac de Liège en 1468, était le prétexte à Liège et Bourgogne. L'exposition ravivait le souvenir du 15e siècle liégeois et la résistance à la domination bourguignonne. Il y eut ensuite Le siècle de Louis XIV au pays de Liège, en 1975 et, pour  célébrer le millénaire de la principauté, Le Siècle des Lumières dans la principauté de Liège.  Après une césure de vingt ans, la relecture du passé liégeois reprit en 2001 par une interrogation sur le 19e siècle et sa volonté d'aller Vers la Modernité.  

Comme l'explique l'Échevin de la Culture, Jean-Pierre Hupkens, dans sa préface au recueil d'études publié1 à l'occasion de l'exposition : « Entre la mort de Lambert Lombard (1566) et le début du Grand Siècle, s'étendait une période peu connue et cependant cruciale où le pays de Liège passe de la Renaissance au maniérisme, puis au baroque tandis qu'il entre dans la modernité scientifique, technique et industrielle. Cette période coïncide avec le règne d'Ernest de Bavière (1554-1612), prince évêque de Liège de 1581 à 1612. Oublié, voire décrié à Liège, ce personnage paradoxal tient néanmoins un rôle non négligeable dans l'Histoire politique et culturelle de l'Europe ».

L'exposition s'attache à ressusciter l'homme et son époque dans toute leur complexité. Elle s'articule autour de trois thématiques principales :

Liège et son prince évêque. Tel pourrait être le titre de la première, consacrée à l'histoire générale du règne liégeois d'Ernest de Bavière. On y examine la position de la principauté, petite terre neutre, sur l'échiquier géopolitique et religieux du temps ainsi que l'action d'Ernest de Bavière, comme prince de Liège et comme prince de la maison de Wittelsbach On s'intéresse enfin à son action comme chef de l'Église liégeoise, en particulier comme initiateur des réformes tridentines dans la principauté. 

La figure si particulière du « prince praticien », versé dans les sciences et entouré de savants, dont le modèle se diffuse en Italie ou en Allemagne durant les 16e et 17e siècles, sert de fil conducteur à la deuxième partie. Dans sa jeunesse, Ernest de Bavière avait reçu une éducation soignée auprès des Jésuites d'Ingolstadt d'abord, du Collège romain ensuite. Dans le sillage de ses maîtres, il se passionne pour les sciences et les techniques. À Liège, il s'entoure de savants et s'investit dans la Révolution scientifique. Prince mathématicien, astronome et alchimiste, Ernest se lance en outre dans l'aventure industrielle. Le pays de Liège est riche en bois, en eaux et en minerais. Il prospecte lui-même les terrains métallifères, et investit dans la métallurgie. Il appelle aussi auprès de lui des constructeurs de machines, dont les innovations (notamment pour l'exhaure des mines), amélioreront les techniques d'exploitation.

La dernière composante de l'exposition tente de replacer autour d'Ernest les éléments du décor visuel, sonore, ou même gustatif qui a pu lui être familier.  Il est cette fois question de civilisation matérielle (ameublement, costume, gastronomie, etc.), mais aussi, plus classiquement, d'arts plastiques et de musique.

Pour illustrer ce règne, les organisateurs ont rassemblé plusieurs centaines d'oeuvres d'art, de livres (dont beaucoup d'éditions liégeoises) et manuscrits, de documents d'archives. Le visiteur pourra également voir nombre d'instruments scientifiques, d'instruments de musique, de chirurgie, de souvenirs du thermalisme spadois à ses débuts ou du vieil hôpital « de Bavière ». Un laboratoire alchimique comparable à celui qu'Ernest avait installé dans une tour de son palais de Liège sera également reconstitué.

2060
Coupe Oranus, argent et or, 16e s. Collection Grand
Curtius © Grand Curtius


 

1 Ernest de Bavière (1554-1612) et son temps. L'automne flamboyant de la Renaissance entre Meuse et Rhin, Études réunies par Geneviève Xhayet et Robert Halleux, Turnhout, Brepols, 2011.

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