Dix personnages, enquête d'auteur

Saynète en dix mini-actes sexuels
strictement à l'usage des grandes personnes
(ou des enfants disposant de l'autorisation parentale)

« Le sexe doit s'appréhender à même certaine différence1. »

 
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Acte 1

Christine (décidée) : Prends-moi.
Jackie (intéressé) : Que veux-tu dire ?
Christine (pragmatique) : Prends-moi dans ton livre.
Jackie (déçu) : Ah zut, alors.
Toutes (furieuses) : Fais la queue comme tout le monde.
Christine (hystérique) : Vos gueules, toutes.
Toutes (unanimes) : Qu'on lui coupe les couilles.
Christine (boudeuse) : Si c'est comme ça, je retourne au Ritz.
Jackie (diplomate) : On en reparle à l'acte 10.
Toutes : Chritzine, Christinette, Crisette, Crisetine, Monte-Christine, Sacristine.
Doc Ogino (protecteur) : Viens chez moi. Porte de la Chapelle Sixteen.
Christine (consolée) : Chouette, je vais me taper un petit Beur.

Acte 2

Albertine : Je crois que j'ai éjaculé.
Marcel : Vous déconnez, ma chère.
Albertine : Proust, mon cher.
Marcel : Show me your pussy, please.
Albertine : Vieux beau !
Marcel : Vieille peau !
Albertine : À vous de jouer.
Marcel : Sept lettres.
Albertine : Pas mieux.
Marcel : Avec Albertine, je fais tartine.
Albertine : I am a desperate housewife.

Acte 3

Jean-Phil (Marie) : Ta chatte dans ma gueule et mon doigt dans ton cul.
Marie : Et mon cul sur la commode. Avec un bon vieux gode.
Jean-Phil (mes chaussettes) : Ton look coule, ton con roucoule. T'es chic en tongs, tu déchires en T-shirt.
Marie : Où en est ton roman ? Minuit va bientôt sonner.
Jean-Phil (mon pantalon) : Marre d'aimer Marie. Plutôt partir.
Jackie : Marie, es-tu mariée ?
Marie : Tu aimes ma nouvelle robe en sorbet ?
Jean-Phil (mon blouson en cuir) : Sur mon avion je vais chantant / Avec les chevaux dans le van.

Acte 4

La petite Marneffe (rêveuse) : Je suis une travailleuse de la croupe. J'ai l'orgasme facile et la chatte langoureuse. En clair, je suis une salope.
Jackie (émoustillé) : Oui, oh oui !
La petite Marneffe : J'ai un critique dans ma culotte. Il dit que mon désir social de vengeance s'origine dans ma libido compulsive.
Jackie : Ouuuououououh !
La petite Marneffe : Il veut me faire une autre fin. Il dit qu'Honoré ne m'a pas assez honorée. Mais moi je veux mourir comme dans le bouquin.
Jackie : Damned. Encore raté.

Acte 5

Lantier : Libertine Albertine, viens çà que je te pine.
Séverine : Jacques, qu'est-ce qui t'arrive ? Je m'appelle Séverine, pas Albertine.
Jackie : Tu me parles ? Tu veux que je te – ?
Lantier : Ho, ho, c'est ma poule. Premier qui touche à Séverine, je le surine.
Séverine : Lantier, mon chéri. Entre ta loco dans mon hangar. Enfonce-la-moi jusqu'au tender.
Lantier : Je peux point. Mon large surmoi tient mon inconscient en bride, total que j'arrive plus à bander.
Séverine : Pour moi, même bridé, même castré, tu seras toujours Lantier.
Jackie : Osons le dire.
Séverine : Il m'a traité de méduse, ce rat d'eau. Gorgone, il m'a dit.
Lantier : Gorgone Zola ?
Séverine : Oui, Émili Zoli, le génie du J'accuzzi.
Jackie : Ô femmes admirables !

Acte 6

Anna : Putain, encore une histoire de trains.
Marcel : À la gare comme à la gare.
Anna : Marcel ? Marcel Proust ?
Marcel : Anna ? Anna de Noailles ?
Anna : Je suis une salope.
Marcel : Je suis un médiocre.
Anna : Méfie-toi de moi. Je travaille pour le Komintern.
Marcel : Komintern ? Qu'est-ce que ça signifie ?
Anna : Viens dedans. Pénètre-moi. Fourre-moi.
Marcel : Comme sont simples les gestes de l'amour sur la paille d'un wagon à bestiaux.
Jackie : Il fallait oser le dire.

Actes 7, 8 et 9

Charlusse de Saint-Swann : Je peux dire un mot ?
Jackie : Plus tard, plus tard. Au chapitre 9.
Charlusse de Saint-Swann : Deux mots, alors. Un homme inverti en vaut deux.
Henry Bêêêle : Pauvre Lucien. Je t'ai laissé inachevé.
Lucien : Ce n'est pas grave. Un petit scénario de suppléance va voir le jour.
Anna (du Komintern) : Moi aussi, il m'a fait le coup.
Valérie (de la Monarchie de Juillet) : Moi aussi.
Lucien : Baisons Augustine, nous ne savons pas qui nous baisera.
Alain Bashung : Baisez, baisez Augustine / À l'arrière des cabines.
Marie-Noire : Oh oui, c'est bath. Allons nous dorer à la piscine Deligny / En lisant Marie-Claire et Le Paysan de Paris.
Luis Aragon y Navarre : Disons-le d'entrée de jeu : je ne comprends rien à ce livre.
Pétrusse de Sainte-Louve : Rassurez-vous, nous non plus. D'ailleurs nous ne l'avons pas lu.
Marie-Noire : Sainte-Louve, encore toi.
Pétrusse de Sainte-Louve : Encore ? Mais...
Marie-Noire : Ta gueule et nage.
Charlusse de Saint-Swann : Pétasse. Philatéliste. Doxosophe.
Jackie : La petite Marée-Noire a-t-elle un mari ? Oui, sûrement. Je désespère. C'était ma dernière chance. Après, il n'y a plus que les deux tarlouses. À moins que dans l'acte final...
Henry Bêêêle : Cristallisez, mon vieux, cristallisez.
Jackie : Charlusse, vous vouliez dire deux mots ?
Charlusse de Saint-Swann : Pet de baron.
Pétrusse de Sainte-Louve : Ça en fait trois. Bien joué, oncle Charlusse.
Charlusse de Saint-Swann : Je veux, mon neveu.
Jackie : L'idylle est oasis heureuse à l'intérieur d'un déterminisme acharné / Dont le flot vient battre sur l'îlot que les amants se sont ménagés [sic].

Grand acte final

Christine : Doc, te trompe pas de trou. Tu es dans mon cul, là, j'ai l'impression.
Doc Ogino : T'en fais pas, petite. Le chémar des amants, ça me connaît.
Christine : Mets au moins de la marga. Comme dans Le Dernier Angot à Paris.
Doc Ogino : T'es relou, tu sais. Faut que tu t'émanslip.
Charly : Allô Papa Tango Charly / Je prends mes habitudes / Dans ton triangle des Bermudes / Je me dirige plein pot / Vers ton juteux berlingot / Vers ton cuberdon joli.
Billy the Quick : Moi aussi je veux me la faire.
Doc Ogino : Sois poli, Billy. Parle comment qu'on t'a appris.
Christine : Tu connais un marabout ?
Doc Ogino : Sûr que j'en connais un bout. Chémar, marabout, bout de – j'ai oublié la suite.
Christine : Pourquoi tu m'as mise avec toutes ces gonzesses ? Tu sais bien que je veux être la seule.
Doc Ogino : Tais-toi, Christine. Écarte les fesses.
Christine : Je ne te parle pas, je parle à l'auteur. Pourquoi il faut que je sois avec toutes ces pouffes ?
Jackie : Un jour, je ferai un livre rien que sur toi.
Christine : Prends-moi plutôt.
Jackie : Encore ? Euh, c'est que –
Christine : Prends-moi chez toi.
Jackie : Ouh la la ! Ça risque de faire du grabuge.
Christine : Personne ne m'aime. Je vais me suicider. Ou alors partir au Brésil.
Toutes : C'est ça, go go. Marre Angot. Angot à la gare. À l'aérogare. À la sauce Marengo.
Tous (réconciliés) : Pour vivre heureux, vivons castrés !

 

 Daniel Arnaut
Octobre 2011

 

 

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Daniel Arnaut  a été chercheur à l’ULg, puis critique littéraire et écrivain. Son œuvre est animée d’une réflexion sur les implications sociales du langage, sur la façon dont la parole rapproche ou éloigne les êtres humains.  

 



1 Maurice Bataille, « Monsieur Con et Madame Pine » in Œuvres complètes, Éditions de la Pléthore, p. 2 985.