Mais rien n'empêche le critique au carré d'en faire autant et de distinguer, de son écrivain, le narrateur amoureux des Figures du désir. Peut-être s'est-il trompé, lui aussi. Non au sujet des textes qu'il commente avec brio, mais au sujet de son propre livre. Le rusé Jacques nous dit-il la vérité sur son désir ? Ainsi, dans le cas de Simenon : il se penche sur la belle Anna du Train, cette femme autonome, voyageuse, mystérieuse, libre, presque sauvage. Mais son narrateur est-il sincère ? La logique que Dubois applique aux personnages contrastés de Charlus et de Saint-Loup peut nous être ici d'un grand secours : tous deux, dans leurs différences diamétrales, représentent « les deux faces d'une même attitude. [...] Aux extrêmes et par un passage à la limite, les attitudes opposées se rejoignent. » Or qui est l'exact opposé d'Anna ? Sa dénégation ? L'autre face de la même attitude ? Son envers invisible ? Celle dont Dubois aurait dû parler ? Son véritable amour littéraire simenonien ? Madame Maigret, assurément.
Laurent Demoulin
Octobre 2011
Laurent Demoulin est docteur en Philosophie et lettres. Ses recherches portent sur le roman contemporain belge et français, ainsi que sur la poésie du 20e siècle.