Le lecteur amoureux, roman
séverine500

Pierre Bayard a écrit Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? que je n'ai pas encore lu. Jacques Dubois, qui l'a lu, s'intéresse – le terme est faible – à dix personnages tirés de huit romans différents, qu'il a lus et relus. Mon problème est le suivant : comment lire un livre qui parle de romans que je n'ai pas tous lus ? Que feront mes lacunes face à son texte ?

Quand l'auteur est Jacques Dubois, et qu'il aborde le roman selon la voie qu'il prône ici, l'inconvénient se mue en avantage. D'abord, les objets de Jacques Dubois étant le roman, la lecture et le désir, tout lecteur est concerné. Ensuite, si, en sociologue de la littérature, il dégage avec constance « la relation de réciprocité soutenue » qu'entretiennent le sexuel et le social, l'originalité du livre est aussi ailleurs ; sa critique amoureuse est le fruit d'un joli jeu de mots : critique (analyse) de l'amour et du désir dans le roman, mais aussi discours d'un critique amoureux de personnages féminins. Enfin, il donne de chaque roman un superbe résumé, qu'il oriente subtilement en le focalisant progressivement sur le personnage féminin qu'il a élu. Et se voir présenter sous son meilleur jour une femme charmante est plus charmant encore quand elle est inconnue et ne le reste pas.

On aime le voir prendre la défense des personnages contre l'auteur, des personnages secondaires derrière les principaux, mais aussi des femmes contre les hommes, ou même des droits du lecteur (lui) contre l'écrivain. Jacques Dubois nous entraîne, lecteurs, dans la foulée de sa propre liberté, qu'il légitime par une méthode souple mais rigoureuse, empathique, mais au plus près du texte – pour dire son amour et peut-être conquérir ses objets.

Est-il redresseur de torts ? Il n'hésite pas, au moins une fois, à réécrire le roman en donnant à une héroïne un destin conforme à son propre regard sur elle. Jacques Dubois est-il romancier ? Non : il se met plutôt de plain-pied avec les personnages. Devrait-il écrire des romans ? Sans doute non, mais ce livre est aussi le roman autobiographique d'un homme amoureux des femmes – et des femmes de papier.

En me faisant découvrir, avec les yeux de l'amour (et du désir), les qualités supérieures de femmes inconnues, Jacques Dubois m'en rend-il amoureux ? Pas à ce point, et je suis plutôt enclin à lui laisser le première place auprès d'elles. Mais il nous invite à faire comme lui avec nos propres lectures, et même à découvrir qu'inconsciemment, nous l'avons toujours fait.

Gérald Purnelle
Octobre 2011

 

crayongris2

Gérald Purnelle mène ses recherches dans le domaine de la métrique, de l'histoire des formes poétiques et de la poésie française moderne et contemporaine.