Des prémices de la BD belge...

Quand la bande dessinée apparait-elle dans des journaux en Belgique ?

La première planche de la main d'un auteur belge est une planche sans titre parue dans le journal satirique Le Crocodile en 1853, de la main de Félicien Rops. La bande dessinée apparaît dans la presse satirique mais de façon totalement aléatoire, dans un numéro sur dix ou vingt. C'est vers 1870-80 que des revues commencent à en publier de façon plus systématique. Ce sont des planches soit muettes soit avec du texte sous l'image. Parfois, simplement des strips de quelques cases. Et très souvent, ce sont des bandes dessinées d'importation, secondaires par rapport au reste du journal. Avant Hergé, on ne trouve pas de revues présentant de la bande dessinée uniquement belge.

juif errant

Félicien Rops, "Le Juif errant et ferré", dans "Le Crocodile" du 2 avril 1854

Il existe néanmoins quelques dessinateurs belges, sans que la BD constitue leur activité principale. Par exemple, Henri Cassiers, un affichiste et aquarelliste anversois. À Liège, j'ai trouvé un journal qui ressemble très fort au Chat Noir, Caprice Revue, édité par un imprimeur connu pour sa production d'affiches et de lithographies, Auguste Bénard. Dans cette revue artistique figure une planche de BD réalisée par des jeunes peintres ou affichistes qui vont devenir localement célèbres comme peintres ou graveurs, Émile Berchmans, Auguste Donnay ou Armand Rassenfosse. Cette petite école liégeoise de la fin du 19e siècle a été influencée par Félicien Rops. Il faut dire qu'à cette époque, faire de la BD semble un peu aider à se poser comme artiste sinon d'avant-garde, du moins à la mode. Les dessins sont très libres, ils ne semblent subir aucune contrainte financière, morale ou artistique.

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Auguste Donnay, "La force prime le droit", dans "Caprice-Revue", n° 31, 30 juin 1888

Et qu'en est-il des revues liées au catholicisme : « Petits Belges », « Cadet », etc. ?

Si, après-guerre, il existe effectivement des magazines catholiques, la BD y est très rare. Dans Petits Belges, il n'y en a pratiquement pas. Dans une réserve, j'ai trouvé deux numéros isolés de journaux pour enfants datant de 1918 dont je n'avais jamais entendu parler présentant quelques planches BD.

Quel bilan dresseriez-vous de la BD belge, de la naissance du pays à la Première Guerre mondiale ?

Beaucoup de planches ont été publiées. Mon corpus, qui reprend celles parues dans des journaux belges, en compte plusieurs milliers. Mais par rapport au nombre de journaux que j'ai dépouillés, c'est peu. Et parmi ces planches, deux mille environ sont d'origine belge – je dis cela de manière approximative. Dont un millier ressort de l'imagerie populaire. Définir de manière catégorique ce qu'est la bande dessinée est difficile. Sa frontière est parfois floue avec l'illustration. Je considère qu'il s'agit de bande dessinée dès que le récit est porté par l'image. Dans la plupart des cas, il est possible de comprendre l'histoire sans lire le texte. De même, la frontière est floue entre illustration et bande dessinée. J'ai trouvé chez Gordinne des images populaires remontées sur plusieurs pages de manière à former un livre d'images.

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Georges Ista, "Le Commando Boer", Imagerie Gordinne n° 351, vers 1902-1908

S'il n'a pas existé de tradition belge avant Hergé – plutôt des micro-traditions qui n'ont pas connu de véritable pérennité –, la bande dessinée a été présente à l'échelle locale et, par mes recherches, j'ai pu découvrir qui en faisait, de quelle manière, avec quelle liberté et sous quelles influences.

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