Méconnu, trop peu lu, Pierre Reverdy (1889-1960) est un poète capital, dont le parcours singulier l'a mené des avant-gardes à la retraite volontaire et à la solitude. Théoricien de la poésie, penseur, expérimentateur des formes, il a joué un rôle majeur dans l'émergence d'une poésie française moderniste puis moderne.
Sa poésie met à distance tout épanchement lyrique, sans pour autant proscrire l'émotion, qu'un art très étudié de l'image et de la retenue se charge d'enclore dans le poème. Son œuvre évolue à partir d'une poétique de dépouillement, de silence et de précision, jusqu'à la voix plus ample mais aussi tendue, métaphysique, des recueils de la solitude.
Ses premiers recueils, notamment, portent le poème en prose à un niveau de perfection rarement égalé. Ils contiennent aussi ses poèmes formellement les plus typiques, où les vers sont savamment disposés sur la page, qu'ils occupent en un subtil équilibre, dans un usage raffiné du blanc. Ces recherches typographiques feront école. Son influence et la reconnaissance qu'elle lui a value s'étendent en effet au-delà des générations qui l'ont suivi immédiatement (les surréalistes), jusqu'à nombre de poètes étrangers (surtout américains) et français (des années 60 à aujourd'hui).
Un poète lyrique exigeant, sobre et rigoureux, occupé par l'expression juste du réel. Indispensable pour comprendre la poésie du 20e siècle.
Cette remarquable édition de ses œuvres complètes (poésie, roman et contes, essais et notes) est due au travail opiniâtre et remarquable d'Étienne-Alain Hubert, spécialiste des avant-gardes, du modernisme et du surréalisme, et qui est depuis longtemps l'éditeur savant de l'œuvre de Reverdy.
L'essentiel de la poésie de Reverdy existe aussi en poche dans la collection « Poésie » de Gallimard (Plupart du temps et Main d'œuvre).
Gérald Purnelle
Juin 2011
