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Expériences de controverses

25 May 2011
Expériences de controverses

Le projet FRUCTIS (From Uncertainty and Controversies to Innovation and Social Creativity : Contemporary politics of nature) est  une recherche interdisciplinaire financée avec le soutien de la Communauté française de Belgique «Actions de recherche concertées (ARC)»-Académie Universitaire Wallonie-Europe (2010-2015). Il associe six équipes issues de trois facultés différentes (Droit, Philosophie et lettres, Sciences). FRUCTIS se propose d'établir une cartographie des « politiques contemporaines de la nature » à partir de l'étude des controverses scientifiques et sociales en situation de haute incertitude, mais aussi de mettre sur pied, à un niveau interfacultaire, un enseignement des controverses. Le pari du groupe FRUCTIS est que, loin d'être un obstacle à l'innovation ou à la décision, les controverses scientifiques et sociales peuvent constituer une source d'innovation et de création, tant sur le plan de la connaissance que sur celui de la politique et de l'éthique.

Pour commencer à mettre ses hypothèses à l'épreuve, et en attendant d'élargir l'investigation aux acteurs non-scientifiques, le groupe FRUCTIS a recueilli le témoignage de dix enseignants-chercheurs de l'Université de Liège confrontés, chacun à leur façon, à des situations de controverses, aux frontières entre sciences et société. Nous avons posé à chaque contributeur du dossier les trois questions suivantes : 1) Comment définiriez-vous la notion de controverse ? Dans votre pratique professionnelle, êtes-vous confronté(e) à des situations de controverse ?  –  2) Estimez-vous que les controverses entravent ou stimulent le développement de la recherche ? –  3) Faites-vous une place, dans votre enseignement, aux questions controversées ? Sinon, trouveriez-vous intéressant de les laisser entrer dans la formation ? – Certains scientifiques ont choisi d'y répondre sous forme d'entretien, d'autres ont écrit des articles, d'autres enfin ont opté pour une réécriture de l'entretien, en collaboration avec les doctorants du projet FRUCTIS.

 

Quelle place occupent les controverses dans nos pratiques de recherche ? De l'avis général des scientifiques que nous sommes, la controverse serait l'un des moteurs de la recherche scientifique. Parce qu'elle encourage la confrontation des observations, des idées et des théories entre pairs, la controverse engagerait une dynamique propre à stimuler la production de nouvelles connaissances au sein des milieux de recherche. Les scientifiques seraient donc, d'une manière essentielle, des praticiens de la controverse.

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Mais que deviennent ces pratiques lorsque les controverses ont une dimension publique ? Lorsque les recherches ont des implications – directes ou seulement virtuelles – dans la société, lorsqu'elles intéressent de près des acteurs extérieurs à la communauté scientifique (riverains, industries, autorités publiques, associations), et que ces derniers se font entendre ? Comment la controverse que tous, ou presque, s'accordent à juger précieuse lorsqu'elle se déroule à l'intérieur des laboratoires et des instituts de recherche, sera-t-elle considérée lorsqu'elle sort de ces lieux ? L'envisagerons-nous comme une perte de temps, comme un obstacle au développement de nos recherches ou, au contraire, comme une chance, comme une nouvelle occasion d'apprendre et de mettre les savoirs à l'épreuve ? Les réponses seront, on le devine, diverses. Il conviendrait dès lors de s'interroger sur les raisons pour lesquelles telle controverse est jugée utile et telle autre nuisible, ainsi que sur les moyens qui pourraient permettre de transformer en opportunité ce qui est d'abord souvent perçu comme une entrave ou une menace.

Pour alimenter un tel questionnement, et en attendant d'élargir l'investigation aux acteurs non-scientifiques des controverses, nous proposons une collection de témoignages recueillis auprès de dix enseignants-chercheurs de l'Université de Liège confrontés, chacun à sa façon, à ces situations incertaines, aux frontières entre sciences et société : Jacques Balthazart (Département des sciences biomédicales et précliniques), Patrick Du Jardin (Département des sciences agronomiques - biologie végétale), Michel Erpicum (Département de géographie), Sylvie Gobert (Laboratoire d'océanologie), Jean-Henri Hecq (Département des sciences et gestion de l'environnement), Marc Jacquemain (Institut de sciences humaines et sociales), Jean-Louis Lilien (Département d'électricité, d'électronique et informatique), Guy Maghuin-Rogister (Département de science des denrées alimentaires), Yaël Nazé (Département d'astrophysique, géophysique et océanographie), Marie-Louise Scippo (Département de science des denrées alimentaires). Leurs réflexions ont été suscitées et, pour certains, mises en mots par plusieurs membres du projet FRUCTIS. Face aux situations de controverse, les points de vue exprimés sont diversifiés, et portent sur des thématiques différentes. Les controverses soulèvent des interrogations épineuses et inattendues, tant pour les chercheurs et leurs disciplines que pour la société dans son ensemble.

 

Être pris dans une controverse

Pour les scientifiques qui les vivent ou les ont vécues, les controverses peuvent s'inscrire, voire orienter une trajectoire de vie. D'une part, parce qu'elles sont sources de contraintes – les questions débattues étant partagées avec une multiplicité de protagonistes qui n'ont pas forcément les mêmes intérêts ou points de vue. Ainsi Jean-Henri Hecq peut-il souligner l'importance, pour la recherche elle-même, des relations de confiance entre certains acteurs de terrain et les scientifiques, comme ce fut le cas entre ceux-ci et les pêcheurs dans l'échantillonnage des populations de poissons de mer, jusqu'à ce qu'une disposition légale interdise aux chercheurs de monter à bord des bateaux.

D'autre part, parce qu'elles peuvent être sources de véritables apprentissages personnels. Le parcours de Patrick Du Jardin, tel qu'il est présenté dans ce dossier, est à cet égard significatif : l'arrivée sur le territoire belge de soja transgénique et son traitement médiatique et associatif ont modifié sa conception initiale de l'OGM comme simple outil de recherche. Tout à coup, les conséquences de ses travaux débordaient largement les murs de son propre laboratoire. Les interactions avec diverses institutions (comme le comité d'éthique de l'INRA) et les mobilisations médiatiques auxquels il se prêta l'amenèrent à se poser des questions sur ce qu'il appelle la « contextualisation » de cet outil et sa complexité. Cet apprentissage prit la forme d'un développement de compétences en matière d'évaluation des risques et d'éthique.

Ce que les experts scientifiques « font » des situations controversées qu'ils sont amenés à vivre est donc source d'intérêt et de réflexion. Dans certains cas, elles peuvent devenir un stimulant pour la recherche et pour le chercheur qui entend clarifier ses hypothèses et ses résultats. Par exemple, selon Sylvie Gobert, qui s'exprime ici au sujet des transplantations de certains végétaux marins, les sollicitations des médias et des différents publics obligent le scientifique à répondre clairement à une question, ce qui suppose d'après elle « la connaissance de tous les aspects de la réponse ». Les situations controversées peuvent même quelquefois conditionner les choix qui président à l'exercice de l'activité scientifique et d'expertise.

 

Une posture scientifique et ses prétentions

Les controverses scientifiques sont l'occasion pour le chercheur de redéfinir en quoi consiste sa discipline, d'en fixer les frontières et les prétentions légitimes. Par exemple : que signifie et qu'est-ce qu'implique être un climatologue au plus fort de la controverse sur le changement climatique ? Pour Michel Erpicum, c'est notamment dans la prétention d'une communauté de chercheurs (ou d'une partie de cette communauté) à définir le problème, donc à l'étudier et à participer à sa gestion, que se reconnaît une posture ou une identité scientifique particulière. Devenu un enjeu de société, le climat fait l'objet de réappropriations diverses, qui transforment en climatologues une multiplicité d'acteurs (météorologues, géologues, physiciens, biologistes, sociologues ou économistes), brouillant – à tort, selon Michel Erpicum – les frontières, les compétences et les prétentions respectives. Mais ne serait-ce pas la vertu des dynamiques de controverses que de révéler le caractère multidimensionnel des objets et des disciplines scientifiques contemporains (comme le climat et la climatologie) ? De ce point de vue, il est remarquable que ce que signifie « faire de la climatologie » soit un enjeu majeur de la controverse climatique, éclairé par elle d'un jour nouveau. Ainsi Michel Erpicum distingue-t-il d'une approche dite « planétaire » l'approche du climatologue de terrain. L'approche planétaire visera à la démonstration de tendances climatiques globales, sur des échelles de temps longues, et pourra donner l'impression qu'il est possible de « gérer le climat ». L'approche de terrain fera de l'histoire d'un territoire (histoire urbanistique, topologique, sociale ou économique) une ressource dans l'explication non du climat, mais de ses conséquences localisées dans l'espace et dans le temps. Ce dont témoigne cette distinction, c'est de l'existence de pratiques majoritaires et minoritaires au sein même de la climatologie, au regard de son exposition publique et politique. De tels courants dessinent des axes de recherche distincts, établissent des causes de changements climatiques distinctes, mais également des responsabilités divergentes et plurielles.


Des controverses sur l'allocation des ressources

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En termes de politique scientifique, il faut reconnaître que les controverses scientifiques sont presque toujours liées à des controverses portant sur l'allocation des ressources dans le monde de la recherche. Le lecteur de ce dossier sera frappé par la quasi-unanimité des contributeurs au sujet de la relation entre l'évolution de la controverse – dans laquelle entre en jeu une hiérarchisation des différentes hypothèses qui la constituent, et donc une hiérarchisation des différentes expertises qui y sont liées – et les choix établis en matière de financement de la recherche. Dressant le bilan des travaux sur l'impact des champs électromagnétiques à très basse fréquence, Jean-Louis Lilien pose ainsi la question provocante de savoir s'il ne serait pas nécessaire d'orienter davantage de flux financiers vers la recherche sur le traitement de la leucémie, plutôt que de continuer des recherches qui, après trente ans de controverses, ont seulement abouti à l'impossibilité de démontrer un lien causal entre les deux. Si l'argent est le nerf de la guerre, il est aussi ce qui contribue à rendre visibles ou à réduire au silence certaines communautés de chercheurs et leurs représentants. Cette dimension est d'autant plus importante que l'indépendance de l'expertise scientifique est – dans l'esprit du public, mais aussi dans celui d'intellectuels avertis – de plus en plus liée à la diversité des sources de financement. Les controverses portant sur des objets de connaissance se doublent ainsi de controverses sur le fonctionnement de l'Université et de ses différents Centres ou Unités de recherche. De ce point de vue, la vertu d'une étude des controverses sera d'éviter de séparer ce qui, dans la pratique quotidienne du chercheur, se révèle être intimement lié : les savoirs scientifiques et les pouvoirs.

 

La controverse : une réflexion sur les frontières entre sciences et société

Si la controverse peut soulever des questions d'identité scientifique ou d'allocation des ressources, elle favorise aussi, à l'occasion, des rencontres inédites entre les acteurs de la recherche et les représentants d'autres secteurs, à la faveur desquelles pourront se redéfinir les rapports des sciences avec les médias, l'industrie ou les autorités publiques. Ainsi la réflexion de Guy Maghuin-Rogister sur ses relations avec l'industrie lors de la rédaction de ses conclusions sur les compléments alimentaires l'amène-t-elle à préciser la nature ambivalente de ces rapports. Rapports d'ouverture et d'apprentissage, lorsque l'expertise scientifique doit composer avec ses enjeux juridiques ou veiller à absorber certaines dimensions techniques propres à l'industrie. Rapports aussi de fermeture, lorsque le chercheur considère qu'il y a des points sur lesquels on ne peut transiger sans toucher à ce qui fait la spécificité de la science et la responsabilité du scientifique. Il existe donc des espaces de négociation sur l'insertion des connaissances scientifiques et de leurs méthodologies dans la prise de décision – espaces à géométrie variable, selon les sensibilités des scientifiques et les codes de conduite propres à leurs institutions.

 

Vers une typologie des controverses

Si aucun des contributeurs ne s'est hasardé à proposer une typologie exhaustive des controverses, certaines distinctions ont néanmoins été évoquées implicitement ou explicitement. Selon Jacques Balthazart, qui travaille sur les déterminants hormonaux des comportements sexuels, on doit en distinguer au moins deux types : les controverses qui restent strictement scientifiques et internes à une discipline – dans le cas d'espèce : faut-il privilégier les déterminants génétiques ou les déterminants hormonaux dans l'approche de l'homosexualité ?–, et celles qui, tout en demeurant dans le monde scientifique, engagent cependant des approches disciplinaires différentes et conflictuelles – dans le cas d'espèce : psychologie ou biologie du comportement sexuel ? Si l'on peut ainsi distinguer les controverses qui surgissent dans le cercle bien circonscrit des praticiens d'une discipline unique, de celles qui se jouent à la frontière entre sciences naturelles, sciences appliquées et sciences humaines, on doit aussi mettre en lumière, enfin, celles qui placent les savants aux prises avec le monde social. Dans ce cas de figure, c'est la controverse médiatique (dite encore controverse « sociale », « de société ») qui est en réalité le plus souvent problématisée.

 

Controverses médiatiques, communication et débat contradictoire

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Les controverses scientifiques peuvent donc devenir des controverses médiatiques ; ce faisant, elles se transforment parfois profondément. C'est notamment le cas lorsque la controverse convoque immanquablement l'organisation d'un débat pour ou contre, qui aurait comme conséquence, au mieux, de radicaliser les positions au détriment de la nuance, au pire, de mettre en scène des controverses artificielles, n'ayant pas de véritable existence en dehors de l'arène médiatique. Les scientifiques, parfois agacés, sont donc confrontés à la nécessité d'apprendre à agir sur la controverse médiatique et les médias, d'en saisir le mode de fonctionnement spécifique, la dynamique interne, le mode opératoire. Ces situations poussent les scientifiques, chacun à sa manière, à rechercher une forme de maîtrise par des voies et des moyens divers, qui oscillent entre amélioration de la communication, pour les uns, et organisation de véritables débats contradictoires, pour les autres. Chez les premiers, on présuppose que les enjeux et les termes du problème, tout comme la solution à lui apporter, sont connus et qu'il est seulement nécessaire de dissiper les malentendus et les préjugés d'un public insuffisamment éclairé. Chez les autres, on pense que l'organisation de débats contradictoires requiert l'explicitation des valeurs qui guident l'action des différents protagonistes, au motif que ces valeurs ne se bornent pas à induire des choix de société, mais qu'elles déterminent également des prises de position techniques ou scientifiques.

 

Pour un enseignement des controverses ?

À la question de savoir s'il conviendrait de développer ou d'encourager l'enseignement des controverses, la quasi-totalité des contributeurs répondent positivement. Les expériences et les perspectives qui motivent cette opinion unanime sont cependant diverses. Il convient à cet égard de distinguer entre controverses internes à une ou plusieurs disciplines scientifiques, et controverses sociales ou médiatiques. Le premier intérêt pédagogique de la controverse médiatique, c'est qu'elle peut servir d'amorce privilégiée pour l'étude d'une question scientifique : comme le rappellent Sylvie Gobert et Guy Maghuin-Rogister, partir de la controverse peut être une bonne façon de capter l'attention et l'intérêt des étudiants, de les impliquer plus fortement dans la matière enseignée. L'enseignement des sciences au prisme de la controverse permet aussi de façonner le jugement et l'esprit critique, dans la mesure où la situation de controverse fournit aux étudiants l'occasion d'expérimenter, de comparer, et de nuancer les divers points de vue qu'il est possible d'adopter sur une même question : on abordera d'abord le problème avec les yeux et les opinions du citoyen, on le reverra à la lumière des connaissances – mais aussi des incertitudes – scientifiques, puis on reviendra à une discussion éclairée par ce va-et-vient. C'est vers un tel apprentissage de la diversité des points de vue théoriques et pratiques que se dirige également Patrick Dujardin, qui développe un enseignement de la controverse à partir de jeux de rôles et d'une présentation de la variété des éthiques sous-tendant les choix d'une multiplicité d'acteurs. On notera que ce type d'innovation pédagogique n'est possible qu'à partir du moment où les enseignants-chercheurs ne considèrent plus la controverse publique comme un chaos d'opinions que l'autorité de la science devrait enfin ordonner, mais comme un véritable lieu d'apprentissage, y compris pour eux-mêmes.

L'enseignement des controverses internes à une ou plusieurs disciplines scientifiques est également jugé essentiel par bon nombre de chercheurs, parce qu'il semble un moyen efficace d'enrayer un effet pervers de la transmission du savoir scientifique. Jacques Balthazart et Yaël Nazé indiquent que faute de temps, la majorité des professeurs, tant dans l'enseignement secondaire qu'au niveau universitaire, se focalisent sur la transmission de contenus, au détriment d'un partage des méthodes et des démarches scientifiques. En résulte une image figée ou monolithique de la science, et souvent une perte de la distinction entre niveaux de discours (fait, hypothèse, théorie). De sorte que l'activité qui devrait apparaître comme le sommet de l'esprit critique, ou comme le lieu d'une remise en question permanente, semble paradoxalement, lorsqu'elle s'enseigne, déboucher sur la production d'un dogmatisme, et parfois même d'une forme de crédulité. Face à un tel constat, l'enseignement des controverses pourrait être une manière de redynamiser l'esprit critique, de rappeler que l'historicité de la science n'est pas une faiblesse, de souligner aussi les vertus motrices de l'erreur et du tâtonnement. Dans cette perspective, Marc Jacquemain suggère que la meilleure façon de répondre aux problèmes posés par le renouveau du créationnisme n'est peut-être pas d'opposer la certitude inébranlable de la science aux erreurs de la foi, mais de rappeler que la science se caractérise d'abord par une démarche de doute raisonné et d'ouverture à l'incertitude.

 

La controverse et ses usages

De la réflexion sur ces différentes thématiques découle un constat : la controverse est une pratique tout autant scientifique que médiatique, sociale, juridique – avec pour chacune de ces dimensions des arènes spécifiques qui assurent à leur manière le déploiement de la controverse. Ce qu'une étude des controverses pourrait rendre visible, c'est la dynamique du passage des frontières, d'une arène à l'autre, et celle des transformations ou des événements que ces controverses engendrent. L'un des plus grands malentendus qui organise la relation tourmentée entre communauté scientifique et acteurs sociopolitiques, économiques ou médiatiques, c'est probablement l'idée que « la controverse traduirait l'attente d'une preuve, comme en Science ». En effet, comme aime à le souligner l'historienne des sciences Bernadette Bensaude-Vincent1, la controverse « n'invite pas la raison à un processus de recherche de la vérité ; elle est entièrement tournée vers l'argumentation dans une démarche dlargissement du spectre des positions et évite de les simplifier ». Si le consensus a assurément une valeur précieuse, en science comme en politique, il est pourtant ce contre quoi se déploie la controverse : la dynamique de controverse permet d'éviter que les positions ne se durcissent en simplifications réductrices, et de maintenir vive la diversité des arguments, ainsi que la légitimité des acteurs qui les portent. Dans les matières impliquant de fortes incertitudes scientifiques, la vertu du déploiement de la controverse n'est pas seulement de cerner le lieu des désaccords, mais également de définir le champ des ignorances respectives. Ce qui est permis par là, c'est un ralentissement de l'impulsion, souvent trop rapide, à lier connaissance et prise de décision, et une exploration attentive des zones d'incertitude et des scénarios alternatifs – bref une ouverture de l'« horizon des embranchements possibles ».

 

Le groupe FRUCTIS
Mai 2011

 

Laurence Bouquiaux (philosophe), Sébastien Brunet (politologue), Florence Caeymaex (philosophe), Estelle Carton (sociologue), Frédéric Claisse (politologue), Bastien Dannevoye (sociologue), Vinciane Despret (philosophe), François Mélard (sociologue), Marc Mormont (sociologue), Catherine Mougenot (sociologue), Julien Pieron (philosophe), Grégory Piet (politologue), Lucienne Strivay (anthropologue), Nicolas Thirion (juriste).

 



1 Bernadette Bensaude-Vincent est citée par Jean-Paul Karsenty dans :  Karsenty, J.-P. , De quelques controverses scientifiques et contemporaines. Paris, Université de Poitiers UFR Sciences fondamentales et appliquées. Espace Mendes-France, Communication du 14 mars 2011

 


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