1941-2011 : 70 ans de Théâtre Universitaire à Liège

L'autre résultat de cette nouvelle politique internationale fut la création, dès 1983, des Rencontres Internationales de Théâtre Universitaire.  On peut parler d'une entreprise durable puisque 2011 vient d'en connaître la 28e édition. À travers ses RITUs, le TULg connut rapidement un développement exponentiel de ses contacts étrangers et, donc, de ses tournées au long cours, qui, à ce jour, l'ont emmené dans 39 pays sur 4 continents, littéralement aux quatre coins du monde : du Vénézuela à la Russie, du Bénin au Danemark, du Canada à la Jordanie..., tandis que les quatre coins du monde se retrouvaient à Liège, lors d'un RITU ou l'autre. Plus de 50 pays des cinq continents sont passés par Liège en 28 éditions des Rencontres ! La notoriété du TULg sur le plan international lui vaut régulièrement le soutien financier du WBI (Wallonie-Bruxelles International, ex CGRI, ex RCI) pour ses déplacements à l'étranger.

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Robert Germay remet les marionnettes de Tchantchès et Nanesse à une troupe du Burkina Faso, lors de RITU 25

Une autre conséquence directe de l'existence et de la réputation mondiale de RITU fut la création, à Liège, en 1994, de l'Association Internationale du Théâtre à l'Université (AITU - http://www.aitu-iuta.org). Réunis en un congrès organisé à Liège par le TULg, une trentaine de pays des cinq continents décidaient de fonder cette nouvelle Association pour marquer la spécificité du théâtre à l'université, entre le théâtre professionnel (IIT : Institut International du Théâtre) et le théâtre amateur (AITA : Association Internationale du Théâtre Amateur). Robert Germay en fut élu président et le TULg en devint le siège officiel. Germay cédait la présidence en 2008 à son collègue québécois Jean-Marc Larrue, héritant ainsi du titre de Président fondateur. Le siège de cette ai(nternationale)sbl de droit belge reste statutairement fixé à Liège. L'AITU prépare actuellement son 9e congrès mondial (biennal) qui se tiendra à Minsk en 2012, preuve de la belle vitalité de l'Association, reconnue par l'UNESCO, et qui touche aujourd'hui plus d'une soixantaine de pays.

Titulaire d'un doctorat sur Bertolt Brecht et ses suites, Robert Germay fut, dès l'origine en 1972, impliqué dans la nouvelle « 8e section », où on commençait à dispenser des cours de théâtre dont il assura une partie dès la fin des années 70. Cette appartenance au corps académique de l'Université lui permit d'agir efficacement sur le développement interne des activités et de l'administration du TULg qui, de facto, se rapprochait du Département des Arts et Sciences de la communication, mais aussi du Conservatoire royal où Germay fut Chargé de cours d'Art dramatique de 1977 à 1983, avec pour collègues e.a. les anciens tulgiens Max Parfondry et A.-G. Jacob. Sous le rectorat d'Arthur Bodson, la direction du TULg devint même partie intégrante de sa charge de cours à l'ULg, ce qui démontre bien l'importance grandissante que prenait le théâtre au sein de l'Alma mater.

Cette position « stratégique » de son président permit au TULg d'obtenir des locaux épars (place Cockerill et place du 20-Août), dévolus à des tâches administratives de plus en plus lourdes, mais aussi l'aide d'étudiants moniteurs, un renfort venu à point nommé pour seconder l'équipe des bénévoles surchargés et remplacer les objecteurs de conscience et autres « dérogations de pointage » qui commençaient à faire défaut. Si le fonctionnement général repose encore aujourd'hui majoritairement sur le bénévolat, une augmentation substantielle des subsides accordés par l'ULg d'abord, mais aussi par la Communauté française, la Région wallonne, la Province et la Ville de Liège, a permis une très nécessaire professionnalisation de l'administration du Théâtre, grâce à l'engagement contractuel de personnel administratif et technique. Le statut académique de son Président aida aussi, sans aucun doute, à décider la Faculté de Philosophie et Lettres à réserver au Théâtre un bel espace vital dans le bâtiment rénové pour les Sciences historiques, le A4, communément appelé par nous « la Chimie ».

Cette nouvelle implantation groupée constitua, en 1997, une sorte de nouvelle naissance, à tout le moins une nouvelle mutation pour le TULg. Lui qui, jusque là, jouait plus souvent à l'étranger qu'à Liège, allait pouvoir organiser des saisons complètes (jusqu'à 6 ou 7 spectacles en série par an), au centre de la Cité ardente, dans une salle confortable. Après bientôt 15 ans de vie au sein du A4, la preuve est faite que le public a suivi. Et, nonobstant, les tournées tous azimuts aussi...

L'instauration de ces « saisons » dignes de théâtres établis et, par voie de conséquence, l'élargissement du répertoire annuel, permit aussi à plus de turlgiens recrutés dans le sérail de s'essayer à la mise en scène (les Pierre Wathelet, Jean-Marc Lelaboureur, Alain Chevalier, Dominique Donnay, David Homburg, Christelle Burton, Marine Theunissen, Patrick Antoine, Olivier Moreau, Brice Ramakers, Hugo Vandeplas, Andrey Myasnikov...) et aussi d'accueillir dans des productions les plus diverses la bonne centaine de membres actifs qui constituent le TURLg aujourd'hui.

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Quand je serai grand(e)

Mieux encore, cette nouvelle infrastructure allait permettre l'organisation d'ateliers hebdomadaires et de stages de vacances pour toutes les tranches d'âge à partir de 6 ans. Aujourd'hui, une quinzaine d'animateurs/trices, certains issus du TURLg, et tous  formés professionnellement au théâtre et/ou à l'animation sont engagés contractuellement par l'asbl. Ils assurent, bon an, mal an, quelque 110 ateliers et stages, tant au quai Roosevelt qu'au Sart Tilman et dans différentes écoles de la région liégeoise (Grivegnée, Liège, Crisnée, Anthisnes, Embourg...). On peut affirmer que, depuis 1997, près de 4000 enfants, ados ou adultes ont participé à ces activités théâtrales dont la réputation n'est plus à faire dans toute la région.

En 2002, par la grâce de Sa Majesté Le Roi, le TULg prenait un air royal. Comme toute asbl sérieuse qui se respecte, il aurait pu y prétendre depuis son cinquantième anniversaire en 1991, mais on s'est longtemps (10 ans) interrogé sur la place que pouvait prendre ce R dans « TULg ». TRULg n'étant pas du meilleur effet, et TU étant un concept couramment utilisé dans le paysage international du T(héâtre) U(niversitaire), la troisième position dans le sigle finit par s'imposer. Après quelques exercices de prononciation, jamais superflus pour un comédien, on finit par s'habituer à TURLg. Et pour réellement couronner le tout, 5 ans plus tard (quand-même !), le 13/07/07, une belle enseigne flambant neuve vint donner pignon sur quai Roosevelt au quartier général de ce bon vieux Théâtre Universitaire Royal de Liège. Peu d'autres TU à travers le monde peuvent s'enorgueillir d'une telle visibilité : merci, ô Mère Nourricière !

En 2006, l'heure officielle de la retraite académique sonnait pour Robert Germay. Il avait pu, en fin de carrière, avec persévérance et pugnacité, garantir la succession en obtenant du Recteur Bernard Rentier et des autorités académiques la création d'un tout nouveau très officiel poste de Directeur du TURLg, à confier à un « attaché », membre du personnel administratif de l'ULg.

À la demande du Président et des intéressés, ce sont Alain Chevalier (philologue classique) et Dominique Donnay (historienne), tous deux entrés au théâtre au début des années 80, qui occupent, chacun à mi-temps, cette nouvelle fonction depuis juillet 2007. Ayant par la même occasion repris une partie des cours de Germay, à savoir les Ateliers-théâtre destinés aux étudiants de « Commu », les voilà de surcroît, Maîtres de conférences. Tout est pour le mieux. Robert Germay reste président de l'asbl et continue à veiller au volet international des activités tentaculaires du TURLg : tournées, direction artistique de RITU, relations avec l'AITU... Changement dans la continuité, en fait ! Les bilans de ces dernières années prouvent que le triumvirat fonctionne très bien, merci, et que le Théâtre Universitaire Royal de Liège garde le cap.

Proficiat, ad multos annos !

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On imagine bien l'abondance de matière. On ne pouvait l'inscrire dans le cadre étroit de cette publication que par un survol à haute altitude, mettant en relief les « charnières » essentielles, et se voulant à la fois panoramique et analytique. L'angle d'approche choisi est celui, conventionnel, de la chronologie : c'est peut-être le plus frustrant ; mais quand on doit aller à l'essentiel et au plus pressé... Combien de détails importants, de péripéties ou de noms de personnes pourtant inoubliables ne sont-ils pas ainsi passés à la trappe ?

Car, comme toute histoire, celle du Théâtre Universitaire Liégeois pourrait s'écrire de bien d'autres points de vue : en partant de l'histoire des locaux et bâtiments, de la succession des Recteurs et des autorités académiques, des fluctuations des subsides et du coût de la vie, de l'examen de la provenance et de la situation sociale des membres... ou du public, de l'évolution de la société et des mœurs, de l'évolution de l'Université et des études, des différentes personnalités des responsables (présidents, metteurs en scène, voire comptables...), des choix de répertoire... Il reste du travail !

Si ces quelques pages ont l'heur de pousser quelqu'un à s'y mettre à son tour, l'effort n'aura peut-être pas été vain. Inch Dionysos !

Concluons avec Christian Pratoussy : « Le théâtre universitaire ne se résume peut-être pas à la réunion d'un article, d'un nom commun et d'un adjectif. Il se pourrait fort bien que le tout soit différent de la somme des parties »4.

Robert Germay
Mai 2011

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Retraité comme chargé de cours de théâtre à l'ULg, Robert A. Germay reste Président du TURLg et Président fondateur de l'AITU (Association Internationale du Théâtre à l'Université) .


 

4 Pratoussy, Christian,  Théâtre et Université : Les effets d'une rencontre. Étude sur les conditions de l'enseignement du théâtre à l'université, thèse de doctorat en Sciences de l'Éducation », t. I, Lyon, Université Lumière-Lyon 2, 1997

 
 
Aide bibliographique
Il existe peu de choses sur le TULg et/ou le TLG. Le site du TURLG est bien achalandé. Voir, e.a., les bilans sous l'onglet « L'asbl ». On peut aussi consulter le blog  qui est une sorte de chronique de l'actualité du théâtre. Voir aussi, pour l'historique, la rubrique « Dans le rétroviseur » dans ce blog.
  • Bulletin de l'Association des Amis de l'Université de Liège, t. X (jan-juin 1938), pp. 113 à 116, Liège, ULg, 1938
  • Hubaux, Jean, Le Théâtre Universitaire de Liège, in Bulletin de l'Association des Amis de l'Université de Liège, t. XXI (jan-juin 1949), p.3, Liège, ULg, 1949
  • Demoulin, Robert, Liber memorialis, L'Université de Liège de 1936 à 1966, t. II, Liège, 1966
  • Duysinx, François ; Wathelet-Willems Jeanne, Le Théâtre Universitaire Liégeois, in La Vie wallonne, t. 54, Liège, Vie Wallonne, 1980
  •  Germay, Robert, Théâtre allemand en philologie germanique in Bulletin de l'Université de Liège, mars 1975, n°5
  • Germay, Robert, Le Théâtre des Germanistes Liégeois in 1890-1990, cent ans de Philologie germanique, Département de Langues et Littératures germaniques, Liège, 1990, pp. 22-25
  • Voir aussi  les Actes des différents congrès de l'AITU sur le site  www.aitu-iuta.org, sous l'onglet "Publications"
  • Sur le TU en général :
  • Théâtre/Public, hors série n°5, Théâtre universitaire : quel enjeu ? Dossier présenté par la FNTU, Gennevilliers, Théâtre de Gennevilliers, 1984
  • Pratoussy, Christian, Théâtre et université : Les effets d'une rencontre - Étude sur les conditions de l'enseignement du théâtre à l'université, Thèse de Doctorat en Sciences de l'Éducation, 2 vols. Lyon, Université Lumière - Lyon 2, 1997
  • Boos, David, Le Théâtre Universitaire à l'Université de Liège, le TULg (1941-1999), Mémoire de Licence, Département d'Histoire contemporaine, ULg, 1998/99

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