Le « trésor » de Toutankhamon

« Au début je ne vis rien, la flamme de ma bougie vacillait sous l'effet d'un souffle d'air chaud provenant de la chambre, mais peu après, tandis que ma vue s'habituait à la lumière, des détails se détachèrent lentement du brouillard, d'étranges animaux, des statues, et l'or, partout, le lustre de l'or. » (Howard Carter, extrait de sa relation de l'ouverture du premier orifice dans le mur qui scellait l'antichambre de la tombe de Toutankhamon)

Funeral Mask of Tutankhamen
Détail du visage du masque en or de Toutankhamon

Comme le précise Marc Gabolde, égyptologue à l'Université de Montpellier III, le contenu de la tombe de Toutankhamon découvert dans la célèbre Vallée des Rois en novembre 1922 par l'archéologue britannique Howard Carter et son mécène Lord Carnarvon correspond à « une année entière de livraison d'or nubien » sous la 18e dynastie pharaonique (1550-1295 av. J.-C.) : environ 250 kg d'or (au cours actuel, cela représenterait plus de 8 000 000 d'euros !), dont 110 pour le seul cercueil en or massif du jeune roi, sans compter les quelque 2000 bijoux ou objets de luxe, en matériaux de prestige, pierres semi-précieuses, lapis lazuli et bois précieux de toutes sortes... Le « trésor » de Toutankhamon a effectivement de quoi faire rêver tout archéologue ou amateur d'antiquité(s) et sa découverte est d'ailleurs aujourd'hui reconnue comme la plus fabuleuse de toute l'histoire de l'archéologie.

Carter Carnarvon
Howard Carter, le gouverneur de Qéna, lady Evelyn Herbert et son père, Lord Carnarvon, le 23 novembre 1922

Même si Howard Carter et Lord Carnarvon recherchaient la tombe de l'éphémère souverain d'Égypte Toutankhamon depuis 1917, persuadés par divers indices archéologiques qu'elle devait se trouver dans la Vallée des Rois, en face de l'actuelle ville de Louqsor, ils ne s'attendaient assurément pas à mettre la main sur une découverte aussi riche et spectaculaire. Carnarvon ne participera qu'à une seule saison d'étude de la sépulture, emporté le 5 avril 1923 par un décès qui défrayera la chronique, suscitant la légende de la malédiction de Toutankhamon, mais il faudra près de 10 ans à Howard Carter pour vider la petite tombe et en inventorier tout le contenu. Comme l'écrivit Lord Carnarvon, le 28 novembre 1922, le surlendemain de l'ouverture officielle de la tombe, au célèbre égyptologue anglais Sir Alan H. Gardiner : « Mon cher Gardiner, (...) La découverte est extraordinaire (...). Il y a amplement de quoi remplir l'ensemble de la section égyptienne au premier étage du B[ritish] M[useum]. Je crois que c'est la plus grande trouvaille jamais réalisée ». Deux jours plus tard, l'annonce de celle-ci paraît dans la presse et déclenche une effervescence immédiate et presque frénétique. Le Times, auquel Carnarvon cèdera les droits d'exclusivité du suivi médiatique de la fouille le 16 février 1923, titre : « la découverte égyptologique la plus sensationnelle de ce siècle » ; on parle de « trésors pharaoniques » ou encore de « nouvelle caverne d'Aladin », et le Yorkshire Post du 12 janvier 1923 évoque plus de 10 000 touristes qui se pressent à Louqsor pour venir visiter les alentours de la tombe de Toutankhamon. Toutes les personnalités importantes se bousculent alors pour obtenir le privilège d'une courte visite guidée des lieux par Carter et Carnarvon.

Capart Reine Élisabeth Louqsor 1923

C'est dans ce contexte que survient, le 18 février 1923, une visite très attendue par les deux découvreurs et les autorités égyptiennes : celle de la reine des Belges, Élisabeth, épouse d'Albert Ier, et de leur héritier, le prince Léopold, futur Léopold III de Belgique, alors âgé de 21 ans. La reine protectrice des arts et des sciences est reçue avec tous les honneurs et, à sa sortie du tombeau, elle se déclare « confondue par la beauté de ces trésors ». Elle est accompagnée de son guide personnel, le père fondateur de l'égyptologie belge, Jean Capart, membre de l'Académie royale de Belgique, conservateur et secrétaire du Musée royal du Cinquantenaire et professeur d'égyptologie à la seule Université belge qui dispense alors des enseignements en cette matière : l'Université de Liège, qui avait créé dès 1902 une chaire pour ce brillant bruxellois dont elle avait pressenti tout le potentiel scientifique. Capart écrira plus tard : « La nouvelle de la découverte de Tout-Ankh-Amon m'avait tellement impressionné que j'avais décidé de venir en Égypte au mois d'octobre prochain, quelles que soient les difficultés, financières ou autres, qui pourraient s'opposer à mon voyage. Il me paraissait impossible de continuer à étudier l'art égyptien et, plus encore, de vouloir l'enseigner, sans avoir vu personnellement les merveilles que les journaux décrivaient sommairement ». La visite royale dont il put bénéficier, contre toute attente, dès le mois de février 1923 le marqua profondément et eut des répercussions conséquentes pour l'égyptologie belge, puisqu'elle fut l'occasion de créer la très importante Fondation Égyptologique Reine Élisabeth (devenue aujourd'hui l'Association Égyptologique Reine Élisabeth).

Jean Capart, professeur à l'ULg, la comtesse de Caraman-Chimay et sa Majesté la Reine Élisabeth, à Louqsor en février 1923
 

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