DOSSIER/Les grands mythes de la gastronomie
L'histoire de la gastronomie, comme toutes les sciences, abonde de mythes largement répandus dans le public par l'intermédiaire de publications peu soucieuses de la véracité de leurs assertions. Qui n'a jamais entendu parler des pâtes ramenées de Chine par Marco Polo, de la Chantilly de Vatel ou du rôle joué par Catherine de Médicis dans l'évolution de la cuisine française ? Ces histoires font partie de la culture populaire, et pourtant, elles relèvent plus du fantasme que de la réalité.

Beaucoup de ces légendes, il est vrai, sont l'œuvre des premiers historiens de la gastronomie, dont le fameux Pierre-Jean-Baptiste Le Grand d'Aussy, auteur de la monumentale Histoire de la vie privée des François, largement consacrée à l'alimentation. En bon héritier des Lumières et certain de la supériorité du goût des modernes sur celui des anciens, il considère l'histoire de la cuisine comme un long progrès aboutissant à la perfection gastronomique de son temps, le tout ponctué par l'apport de quelques grands personnages particulièrement créatifs. C'est ainsi que s'est développée une histoire plaisante et anecdotique, élaborée par des bibliophiles et amateurs éclairés de bonne chair, hélas dépourvus de tout sens critique.1

Dans cette série d'articles, nous vous proposons d'examiner les principaux mythes de la gastronomie, de remonter à leurs origines et d'établir la réalité scientifique en fonction des travaux des historiens spécialisés, ainsi que de nos propres recherches.

 


 

1 Bruno Laurioux, Le règne de Taillevent, Livres et pratiques culinaires à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, p. 5-9.