Des animaux qui nous intéressent
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En page 3 de mon quotidien habituel, à la date de samedi dernier, une publicité pour des vêtements et accessoires féminins met en scène deux jeunes femmes et un renard. En dernière page, un grand chien dalmatien semble hésiter entre deux voitures d'une marque connue, l'une blanche, l'autre noire – les publicités ont visiblement bien changé : le renard a toujours sa fourrure et les jeunes femmes affriolantes qui autrefois encourageaient l'acquisition de voitures se sont faite détrôner. La veille, je pouvais lire que Dusty, un chat californien, rebaptisé klepto chat par ses victimes, avait réussi à dérober, chez les voisins de ses maîtres, pas moins de 600 objets. Trois jours auparavant, j'apprenais que 635 316 oiseaux ont été bagués en Belgique en 2009, par les 342 collaborateurs du centre de baguage, que le Premier ministre Anglais venait d'adopter un nouveau chat qui devrait l'aider à tenir les rats à l'écart du 10 Downing Street et, sur la même page, que Hickory, un lévrier écossais, a remporté le concours de beauté et d'élégance canine du Club Westminster de New York. Le lendemain, je découvrirai que les poissons chirurgiens, à l'instar de 55 autres espèces de poissons des récifs à coraux, sont condamnés à disparaître dans les prochaines années, à cause du réchauffement climatique.

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On m'annoncera par ailleurs, dans un encart publicitaire quelques pages plus loin, que la punaise à bouclier ocellée, conservée dans un bloc de résine, est à présent disponible et vient compléter, avec le fascicule décrivant ses habitudes de vie, la collection « Insectes authentiques ». Piochant au hasard dans les quelques jours précédents, je trouve une pleine page sur les oiseaux de Wallonie, allant des oiseaux de ville aux rapaces, sans oublier les forestiers, les campagnards et les oiseaux d'eau... sous la rubrique « Société ».

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Les animaux, de toute évidence, suscitent un intérêt non seulement inédit, mais dont la diversité des formes est lisible dans les quelques exemples que j'ai pu glaner. Des oiseaux dont le destin relève à présent de problèmes de société ou qui bénéficient d'une opération de recensement et d'identification, des renards et des chiens mobilisés pour encourager les achats de luxe ou, pour ces derniers, qui acquièrent une célébrité comme stars de concours d'élégance, des chats évoqués tantôt dans la rubrique des actes de délinquance, tantôt dans les carnets de famille d'un premier ministre, des poissons qui témoignent de problèmes écologiques et des insectes qui font à nouveau la joie des collectionneurs : la variété des registres est remarquable.

Mais cette multiplicité des registres peut être traduite autrement : elle ne cesse de décliner des contradictions. Regardons plus attentivement les publicités, croisons les anecdotes, grossissons quelque peu le trait : le renard certes pose pour une marque de vêtements aux pieds des jeunes femmes, comme le ferait un chien ; mais si l'on s'attache aux détails, on voit que la jeune femme de droite porte sur le bras un cor. Alors, compagnon de chasse ou future victime ? Le chien hésite entre les voitures (la noire, la blanche ?), nous hésitons tout autant quant à son statut : attracteur de vente ayant remplacé la femme-objet qui autrefois tenait ce rôle, compagnon d'aventures, ou simple symbole par son manteau bicolore ? Et le chat de Downing Street, de quelle catégorie relève-t-il ? Nouveau membre de la famille (rubrique naissances) ou collaborateur au ministère (rubrique politique), domestique familier ou domestique ministériel ? On inventorie les oiseaux à la rubrique Société ; par ailleurs on les bague et, de ce fait, ces oiseaux seront, comme nous, dotés d'une identité - ou, selon les versions, seront « fichés ». Les voilà donc objets de souci ou de surveillance. Et pendant ce temps, on enferme des insectes dans la résine – rubrique objets de consommation ? – ... avec leur fascicule- objets de savoir et de curiosité.

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