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Mangerons-nous un jour des insectes ?

17 février 2011
Mangerons-nous un jour des insectes ?

insectes

Bien qu'ils soient consommés partout ailleurs,  les insectes provoquent en Occident répulsion et dégoût. Pourtant l'entomophagie n'est pas juste une curiosité. Elle représente un apport protéinique extrêmement important et constitue sans doute une précieuse ressource alimentaire pour l'avenir. Chronique d'une future révolution alimentaire en Occident...

Les insectes et les hommes se côtoient et interagissent depuis l'aube de l'humanité. Avant même que les rituels funéraires ne soient une pratique courante chez les Hominidés vers 100.000 av J.C., nos ancêtres préhominiens et hominiens ont pu aussi observer les milliers de diptères et de coléoptères se précipiter, tels des escouades de la mort, sur les cadavres gisant sur le sol. Ils ont pu se rendre compte de l'extrême voracité de ces larves d'insectes dévorant le corps sans vie en quelques semaines. 

Cette relation millénaire avec l'espèce humaine est également liée aux ectoparasites comme la puce, le pou ou le moustique qui transmettent des virus, des bactéries, des sporozoaires ou autres unicellulaires, responsables de maladies mortelles à l'homme. Peste, typhus, dengue, fièvre jaune sont des zoonoses qui ont causé des pertes importantes au sein des populations occidentales au fil des siècles. Citons, à titre d'exemple, les épidémies de peste au Moyen-Âge. Plus de la moitié de population européenne fut décimée au 14e siècle à la suite d'une épidémie de peste noire.

Aujourd'hui encore, la malaria, transmise par le moustique, est considérée comme une des maladies les plus dommageables pour l'homme ; l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime en effet que plus de la moitié de la population humaine se situe dans une zone à risque et qu'environ un million de personnes meurent chaque année de cette maladie parasitaire.

Socialement et culturellement, l'insecte véhicule chez l'homme une image négative, empreinte de craintes et de peurs multiples. De plus, leur petite taille, le manque de connaissances sur leur biologie et leur comportement, leur présence dans des environnements, milieux ou substrats sanitairement peu recommandés ou inspirant le dégoût (excréments, eaux usées...) sont autant d'éléments qui poussent l'homme à limiter ses interactions avec ces arthropodes.

Le monde des insectes ne se limite toutefois pas à ces quelques espèces nécrophages ou vectrices de maladies. Les insectes représentent, à eux seuls, plus de 70% des espèces vivantes sur la terre et ont colonisé tous les écosystèmes, des milieux aquatiques jusqu'aux couches élevées de l'atmosphère.  Au sein de cette étonnante biodiversité, les préhominiens et les hominiens ont su aussi puiser leurs ressources au fil des millénaires. Les primates, nos plus proches cousins, sont connus pour manger les insectes lors de la recherche de fruits. Tout laisse à penser que les premiers insectes que l'homme a goûtés soient des individus d'espèces présentes sur les fruits.

N'oublions pas également que la soie est produite par la chenille d'un papillon (Bombyx mori), que certaines couleurs alimentaires de couleur carmin sont issues d'une cochenille, de même que le miel provient du nectar de plantes qui a été à plusieurs reprises digéré et régurgité par l'abeille domestique.

Au sens plus large, les insectes constituent une ressource économique en terme de services écosystémiques. Une étude récente aux États-Unis souligne que la valeur économique des services rendus par les insectes est estimée à plus de 57 milliards de dollars américains1. Cette étude  montre que les insectes constituent une principale source de nourriture pour la faune sauvage, correspondant à une valeur de 50 milliards de dollars dans le secteur de la récréation et des loisirs. Ils génèrent également 3 milliards et plus de 4,5 milliards de dollars US respectivement dans les domaines de la pollinisation et des « Pest Control ». À l'échelle mondiale, l'estimation faite par Losey & Vaughan en 2006 serait encore beaucoup plus importante.

Goût et dégoût

vers de farine

Les insectes sont des arthropodes ; ils présentent un exosquelette constitué de chitine et sont très proches taxonomiquement et morphologiquement des crustacés (homard, crabe, crevette...) très appréciés, à travers le monde, pour leur saveur et leur qualité nutritionnelle.

Dans nos contrées occidentales, nous perdons de vue le rôle important que jouent les insectes dans l'alimentation de millions d'individus. La consommation d'insectes (l'entomophagie) se rencontre sur quasiment tous les continents. Tant le brassage culturel que la mondialisation permettent maintenant de mieux s'en rendre compte.

 

 


 

 

1 Losey J. et Vaughan M. 2006. The economic value of ecological services provided by insects. Bioscience, 56(4): 311-323.

 

L'entomophagie n'est ni anecdotique, ni une curiosité. Elle fait partie de toutes les cultures. Certaines l'ont conservée, d'autres l'ont oubliée. C'est le cas des occidentaux.

L'Ancien et le Nouveau Testament mais aussi la Torah et le Coran témoignent à plusieurs reprises de la consommation humaine d'insectes. En Europe, les Romains se nourrissaient de larves de longicornes et de chenilles Cossus cossus alors que les Grecs appréciaient les cigales et diverses chenilles. Plus récemment, les populations rurales en Europe consommèrent des hannetons jusqu'au 18e siècle.

 

Continents

Nombre d'espèces

Nombre de pays  consommateurs

Asie

349

29

Océanie

152

14

Afrique

524

36

Amériques

679

23

Europe

41

11

Total

1745*

113

Tableau 1 : Nombre d'espèces d'insectes comestibles par continent et nombre de pays consommateurs d'insectes2
*Quelques espèces sont présentes dans plusieurs continents
degustation criquet vivant-détail

Plus de 1.600 espèces d'insectes sont régulièrement consommées en Afrique, en Asie, en Océanie ainsi qu'en Amérique du Sud et en Amérique centrale (Tableau 1). Ils se mangent crus ou sont plus souvent séchés voire boucanés (fumés) de manière à en assurer une meilleure conservation. Ils seront ensuite bouillis, grillés, frits ou préparés en farines. On le voit, seuls le continent européen et l'Amérique du Nord n'ont pas développé ces pratiques. Pourtant, on les y rencontre dans certaines régions, mais de manière presque anecdotique. Ainsi, certaines tribus d'Indiens d'Amérique se nourrissaient de criquets, de cigales et de chenilles. Actuellement, les pratiques entomophages ne s'observent plus que dans le Sud-Ouest des États-Unis d'Amérique.

Dans la partie sud de l'Afrique centrale, les populations consomment une trentaine d'espèces de papillons appartenant à une douzaine de familles. On a signalé des valeurs de 40 g par personne et par jour de chenilles fumées, ce qui représente un commerce annuel de plusieurs centaines de tonnes3. La consommation de ces chenilles n'est pas permanente mais saisonnière. En effet, la plupart des espèces comestibles sont univoltines et ne se retrouvent au dernier stade larvaire que durant une courte période fluctuant, de région en région, suite aux différences locales du climat.  Malaisse décrit le mode de préparation des grosses chenilles consommées aux environs de Lubumbashi Elles sont tenues entre les doigts d'une main tandis que de l'autre main, la tête de la chenille est poussée énergiquement dans le corps de telle sorte que le contenu intestinal est expulsé par l'anus... D'autres ... sont plongées vivantes dans l'eau bouillante, ce qui permet d'extraire et d'éliminer le contenu de l'intestin... Celles qui sont pourvues de poils sont passées au feu ou sur une tôle chauffée ... Par la suite, les chenilles seront soit rôties sur une tôle chauffée, soit cuites à l'eau bouillante, soit encore frites à l'huile... Enfin, ..., la partie destinée à être conservée sera soit fumée au feu, soit cuite par ébullition à l'eau salée suivie d'égouttage et de séchage ... ».

À en croire de nombreux Africains, les occidentaux sont vite écœurés par une nourriture à base d'insectes. Ils ne comprennent toutefois pas comment nous pouvons apprécier des huîtres ou des moules ! Nous mesurons bien ici l'importance de la barrière culturelle.

Dans nos contrées occidentales, l'abandon progressif de la consommation d'insectes résulte du développement de l'élevage et de la rareté des insectes de grosse taille. Néanmoins, des insectes, nous continuons à en manger, mais sans le savoir ; de nombreux fragments ou individus sont retrouvés, lors des opérations de « Quality Control », dans différents produits alimentaires (Tableau 2).


Produits alimentaires

Nombre d'individus ou de fragments détectés

Chocolat

80 fragments d'insectes

Jus de fruit - Citron

5 œufs d'insectes ou 1 mouche

Brocolis congelés

60 pucerons, thrips et acariens

Beurre de cacahuète

60 fragments d'insectes

Pâtes et nouilles

100 fragments d'insectes

Sauce tomate

30 œufs d'insectes ou 2 mouches

Farine de blé

150 fragments d'insectes

Tableau 2 : - Nombre de fragments ou d'individus détectés dans plusieurs produits alimentaires
(Anonyme (1989), The Food Defect Action Levels: Current Levels for Natural or Unavoidable Defects
for Human Use that Present No Health Hazard. Department of Health & Human Services, USA, 3 pp.)

 



2 Ramos-Elorduy, J. (2005). Insects: a hopeful food source. In M.G. Paoletti, ed. Ecological implications of minilivestock. Science Pub., Enfield NH, USA, 263-291.
3 Malaisse F., 2000. - Se nourrir en forêt claire africaine - Approche écologique et nutritionnel/e. CTA - Les Presses Agronomiques de Gembloux, 384 pp.

Pour beaucoup d'occidentaux, la consommation d'insectes est souvent considérée comme un comportement répugnant et provoque le dégoût.

Haidt, McCauley et Rozin4 ont montré que la seule présence d'un insecte dans l'alimentation provoque une réaction de dégoût. Ces chercheurs ont présenté un verre de jus de fruits à la surface duquel se trouvait un insecte, à une cohorte d'étudiants. Les observations faites lors de ce test (front plissé, commissures de lèvres orientées vers le bas) sont autant de caractéristiques du comportement de dégoût. Ni la stérilisation de l'insecte, ni son aspect artificiel (plastique) n'ont modifié les réactions de rejet chez les étudiants testés.

Plaisir pour les uns, répulsion pour les autres, le dégoût pour un aliment particulier n'est pas un comportement inné.  À titre d'exemple, les enfants doivent être éduqués à ne pas toucher leurs fèces ou encore à les mettre en bouche. Habitués dès notre plus jeune âge à ne pas toucher et à nous méfier des insectes et autres bestioles, il ne nous viendrait pas à l'idée que certains d'entre eux soient non seulement comestibles mais également d'une qualité gustative très appréciable : « Tous les goûts sont dans la nature et les dégoûts dans la culture5 ».

Il est excessivement difficile de détruire cette représentation occidentale de l'entomophagie, d'autant qu'elle se heurte aussi à la méfiance de l'homme, qui est un omnivore, pour tout aliment qu'il ne connaît pas.  Baruch6 souligne qu'un apprentissage social est nécessaire pendant plusieurs générations pour fixer la diversité des produits comestibles.

Précieuse ressource alimentaire pour l'avenir

Surmonter le dégoût des insectes exige donc du temps mais semble être déterminant pour la survie de populations humaines, car la nourriture à base d'insectes constitue, semble-t-il, une alternative alimentaire prometteuse pour l'homme.Lors d'une conférence en 2008, l'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) a très récemment promu l'idée d'utiliser les insectes comme ressource alimentaire pour assurer la sécurité alimentaire mondiale dans les prochaines décennies.

dégustation
Dégustation d'insectes lors du Festival de l'Insecte 2007, Gembloux Agro-Bio Tech (ULg)

Près d'un milliard de personnes souffrent aujourd'hui de sous-nutrition. En Asie et en Afrique, la principale carence concerne les protéines animales. L'apport minimum quotidien de ces protéines est évalué à 35 g pour un homme de 70 kg (norme FAO). Sachant que certains insectes présentent des teneurs en protéines 3 à 4 fois plus élevées que le poulet et le porc, on comprend aisément l'intérêt que revêt l'entomophagie dans certaines régions.

Les populations n'ont pas attendu les analyses chimiques pour compenser les carences protéiques par la consommation d'insectes. D'un point de vue historique, on pense que les insectes « sucrés » ont eu la préférence des hommes préhistoriques. Ensuite, les insectes riches en graisses et lipides ont été recherchés, et enfin, plus récemment, ceux qui contiennent de fortes concentrations protéiniques7.

L'intérêt nutritionnel de l'entomophagie ne réside pas uniquement dans la richesse en protéines des insectes, mais aussi dans la qualité des lipides de certains insectes (faible taux de cholestérol), dans l'apport d'acides aminés essentiels (tel le tryptophane), dans la richesse en sels minéraux (Fe, Zn, Ca et P) ainsi que dans les fortes teneurs en vitamines B et D. Certains insectes sont également consommés pour leurs vertus médicinales. Ainsi Oldfield8 a montré qu'environ 4% des extraits provenant de 800 espèces d'arthropodes terrestres montrent des activités « anti-cancer ».

Suite à l'intérêt récent que portent les scientifiques et les nutritionnistes aux insectes comestibles, certains voient donc en eux une possibilité de résoudre le problème de la malnutrition dans le monde. Il est certain que la qualité nutritionnelle de ceux-ci et la possibilité d'en produire (ou d'en récolter) à bas prix permettraient de résoudre de nombreux problèmes de carences protéiques.



4 Haidt, J., McCauley, C. & Rozin, P. (1994). - Individual differences in sensitivity to disgust: A scale sampling seven domains of disgust elicitors. Personality and Individual Differences, 16(5), 701-713.
5 Martinez G., 2000. - La Cuisine des Insectes. Éd. J.P. Rocher, Paris, 124 pp.
6 Baruch J.-O. (2010). Les Européens préfèrent les crevettes aux sauterelles. Le Recherche, 443 : 81-83.
7 Meyer-Rochow V.B. & Changkija S. 1997. Uses of insects as human food in Papua New Guinea, Australia, and North-East India: Cross-cultural considerations and cautious conclusions. Ecology of Food and Nutrition, 36, 159-185.
8 Oldfield, M. L. (1989). The Value of Conserving Genetic Resources. National Park Service. Washington, D.C. Voir aussi : Costa-Neto E.M. (2005). Entomotherapy, or the Medicinal Use od Insects. Journal of Ethnobiology, 25 (1) : 93-114.

 

En Thaïlande, les insectes consommés présentent des teneurs en protéines situées entre 7 (œufs de fourmis) et 21 g (Coléoptères aquatiques) par 100 g de poids frais. Leur richesse en protéines peut donc se comparer à celle des œufs (14 g/100 g). Malaisse présente la valeur alimentaire des chenilles consommées en Afrique centrale : « La valeur protéique moyenne s'établit à 63,5 ± 9,0% du poids sec, les valeurs extrêmes étant respectivement de 45,6 et 79,6%; la moyenne lipidique se situe à 15,7 ± 6,3% oscillant entre 8,1 et 35,0% ... l'acide linolénique représente habituellement plus d'un tiers des acides gras... ».

Il reste néanmoins quelques défis à surmonter avant de voir les insectes coloniser nos assiettes en Europe.

 
chocolat Victor prepare un cake aux vers de farine360
Grillons champêtres (Achetus domesticus, Gryllidae) enrobés de chocolat - Victor prépare des cakes aux vers de farine (Tenebrio molitor)

 

Découverte culinaire

L'approche nutritionnelle ne peut se désintéresser des aspects gustatifs. À quoi servirait un aliment de grande richesse nutritionnelle si son goût le rend inconsommable ? Les insectes les plus consommés sont les Orthoptères (sauterelles, criquets), les larves de Coléoptères (charançons, longicornes), les chenilles et les chrysalides de Lépidoptères ainsi que les Hyménoptères (fourmis et larves d'abeilles), sans oublier les Termites. Les larves d'insectes présentent l'intérêt de posséder généralement une cuticule plus fine et donc moins croquante en bouche. Ce n'est pas un hasard si les grasses larves apodes (sans pattes) du charançon du palmier (Rhyncophorus phoenicis) comptent parmi les plus appréciées des Africains. D'autres insectes, au goût puissant, telles certaines punaises pentatomides (p.ex. Euschistus crenatoi) sont utilisées au Mexique comme épices.

Les habitudes alimentaires constituent l'un des intérêts majeurs des voyages. Les goûts et les saveurs constituent bien souvent des souvenirs impérissables que le voyageur recherche dès son retour au pays. Beaucoup se mettent alors en quête de restaurants ou de magasins spécialisés. Malheureusement, rares sont les pays européens proposant des plats préparés à base d'insectes. Seuls quelques magasins spécialisés, souvent situés dans les quartiers africains ou asiatiques, permettent de s'approvisionner en insectes boucanés, rarement en insectes frais.

Toutefois, un marché d'insectes alimentaires voit progressivement le jour en Europe. Aux Pays-Bas, les producteurs d'insectes se sont réunis en une association « Dutch Insect Breeders Association (Venik) ». Ils produisent pour l'instant plusieurs dizaines de tonnes de vers de farine (Tenebrio molitor, Tenebrionidae) pour le secteur avicole et, depuis peu, pour l'alimentation humaine.

La mondialisation aidant, on assiste toutefois à un métissage progressif des aliments et des goûts : kangourou, autruche, porc, antilope, lapin, bœuf, sanglier, castor... produits italiens, chinois, africains, nordiques... Comme de nombreuses populations consomment déjà des insectes avec un certain plaisir, Baruch souligne que, compte tenu du métissage de goûts, le rejet vis-à-vis de ce type d'aliment pourrait peu à peu disparaître dans les pays occidentaux. Selon lui, l'acceptation de cet aliment un peu particulier passe par une phase de déguisement ou de camouflage. Réduits en poudre, enrobés de sauce,  incorporés dans d'autres matrices alimentaires, les insectes sont méconnaissables par les populations et donc moins objets de répulsion.

Pas tous et pas n'importe comment

L'aspect  « santé » ou « sûreté alimentaire »  est à prendre en compte pour l'utilisation d'insectes dans l'alimentation humaine.  Certains insectes peuvent être à l'origine de troubles sanitaires, surtout s'ils sont consommés crus. Les Orthoptères, par exemple, peuvent transmettre des vers à l'homme. Ils se consomment donc de préférence après cuisson. D'ailleurs, comme les crustacés, les insectes sont meilleurs lorsqu'ils sont cuits plutôt que crus.

De plus, il ne faut pas croire qu'ils sont tous comestibles ! Certains constituent de véritables poisons et, comme pour les champignons, il s'agira de faire appel à un spécialiste afin de les identifier avant de les consommer. À l'instar d'autres arthropodes tels les crustacés (crevettes, crabes...), les insectes peuvent également provoquer des allergies, que ce soit par contact, ingestion ou inhalation. L'éleveur ou le consommateur veillera particulièrement à se méfier des larves poilues. Celles-ci sont traditionnellement passées au feu et lavées afin d'en éliminer les poils urticants.

Il faut savoir aussi que rapidement après leur mort, beaucoup d'insectes perdent leurs qualités gustatives et peuvent devenir fort désagréables à consommer. Il faudra donc s'en procurer des préparés, des séchés, des congelés ou mieux, des vivants conservés au réfrigérateur.

L'énoncé de ces quelques problèmes liés à la consommation d'insectes ne doit pas jeter le discrédit sur l'entomophagie. Ces défis sont en effet identiques à ceux encourus par tout acteur de la chaîne alimentaire et par tout consommateur non entomophage.

Un avenir prometteur

En raison de leurs fonctions écologiques et parce qu'ils constituent une excellente ressource alimentaire, les insectes sont actuellement considérés comme des éléments clés de ce qu'on appelle l'agriculture de l'espace9.

Les travaux récents sur la faible contribution d'un élevage d'insectes alimentaires sur l'émission de NH3 et de gaz à effet de serre accentuent encore davantage l'intérêt porté au marché de l'alimentation à base d'insectes10  Enfin, élevées sur des substrats secs, les espèces d'insectes privilégiées actuellement (Tenebrio molitor, Achetus domesticus) sont peu consommatrices en eau.  La production d'insectes alimentaires constitue donc une piste intéressante pour les éleveurs et les filières de productions animales, à la recherche d'alternatives durables et respectueuses de l'environnement.  Notamment, mentionnons les efforts à entreprendre dans les pays du sud afin de promouvoir la mise en place d'élevages, système de production durable permettant de limiter l'impact négatif que les prélèvements intensifs d'insectes ont sur la biodiversité des espèces.

Gageons que d'ici quelques années, nos habitudes alimentaires se modifieront. N'avons-nous pas emprunté à l'Orient ses épices, ses saveurs aigres-douces, ses fruits et plus récemment, ses poissons crus (sushi)? Quels seront les premiers grands chefs à proposer dans leur cuisine les chenilles et les succulentes larves des charançons du palmier ou de ténébrions ?

Éric Haubruge, Jacques Mignon et Frédéric Francis
Février 2011

Voir l'entretien vidéo avec Frédéric Francis pour la WebTV

 

icone crayon

Éric Haubruge enseigne l'entomologie fonctionnelle et évolutive à l'ULg - Gembloux Agro-Bio Tech. Il a organisé des manifestations sur les insectes : FIFI, Les Insectes dans la ville, Les insectes sur les scènes de crime...

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Jacques Mignon est ingénieur agronome, spécialiste d'entomologie, attaché à la bibliothèque de Gembloux Agro-Bio Tech. Il a publié L'entomophagie, une question de culture ?

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Frédéric Francis  enseigne l'entomologie fonctionnelle et évolutive à l'ULg - Gembloux Abro-Bio Tech. Il a créé Hexapoda, le premier musée de l'insecte en Wallonie.





9 http://adsabs.harvard.edu/abs/2008AdSpR..41..701S
10 Oonincx D., van Itterbeeck J., Heetkamp M., van den Brand F., van Loon J., van Huis A. (2010). - An Exploration on Greenhouse Gas and Ammonia Production by Insect Species Suitable for Animal or Human Consumption. Plos One,  5, 12, doi:10.1371/journal.pone.0014445.t001


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