L'entomophagie n'est ni anecdotique, ni une curiosité. Elle fait partie de toutes les cultures. Certaines l'ont conservée, d'autres l'ont oubliée. C'est le cas des occidentaux.
L'Ancien et le Nouveau Testament mais aussi la Torah et le Coran témoignent à plusieurs reprises de la consommation humaine d'insectes. En Europe, les Romains se nourrissaient de larves de longicornes et de chenilles Cossus cossus alors que les Grecs appréciaient les cigales et diverses chenilles. Plus récemment, les populations rurales en Europe consommèrent des hannetons jusqu'au 18e siècle.
Continents |
Nombre d'espèces |
Nombre de pays consommateurs |
Asie |
349 |
29 |
Océanie |
152 |
14 |
Afrique |
524 |
36 |
Amériques |
679 |
23 |
Europe |
41 |
11 |
Total |
1745* |
113 |
*Quelques espèces sont présentes dans plusieurs continents
Plus de 1.600 espèces d'insectes sont régulièrement consommées en Afrique, en Asie, en Océanie ainsi qu'en Amérique du Sud et en Amérique centrale (Tableau 1). Ils se mangent crus ou sont plus souvent séchés voire boucanés (fumés) de manière à en assurer une meilleure conservation. Ils seront ensuite bouillis, grillés, frits ou préparés en farines. On le voit, seuls le continent européen et l'Amérique du Nord n'ont pas développé ces pratiques. Pourtant, on les y rencontre dans certaines régions, mais de manière presque anecdotique. Ainsi, certaines tribus d'Indiens d'Amérique se nourrissaient de criquets, de cigales et de chenilles. Actuellement, les pratiques entomophages ne s'observent plus que dans le Sud-Ouest des États-Unis d'Amérique.
Dans la partie sud de l'Afrique centrale, les populations consomment une trentaine d'espèces de papillons appartenant à une douzaine de familles. On a signalé des valeurs de 40 g par personne et par jour de chenilles fumées, ce qui représente un commerce annuel de plusieurs centaines de tonnes3. La consommation de ces chenilles n'est pas permanente mais saisonnière. En effet, la plupart des espèces comestibles sont univoltines et ne se retrouvent au dernier stade larvaire que durant une courte période fluctuant, de région en région, suite aux différences locales du climat. Malaisse décrit le mode de préparation des grosses chenilles consommées aux environs de Lubumbashi :« Elles sont tenues entre les doigts d'une main tandis que de l'autre main, la tête de la chenille est poussée énergiquement dans le corps de telle sorte que le contenu intestinal est expulsé par l'anus... D'autres ... sont plongées vivantes dans l'eau bouillante, ce qui permet d'extraire et d'éliminer le contenu de l'intestin... Celles qui sont pourvues de poils sont passées au feu ou sur une tôle chauffée ... Par la suite, les chenilles seront soit rôties sur une tôle chauffée, soit cuites à l'eau bouillante, soit encore frites à l'huile... Enfin, ..., la partie destinée à être conservée sera soit fumée au feu, soit cuite par ébullition à l'eau salée suivie d'égouttage et de séchage ... ».
À en croire de nombreux Africains, les occidentaux sont vite écœurés par une nourriture à base d'insectes. Ils ne comprennent toutefois pas comment nous pouvons apprécier des huîtres ou des moules ! Nous mesurons bien ici l'importance de la barrière culturelle.Dans nos contrées occidentales, l'abandon progressif de la consommation d'insectes résulte du développement de l'élevage et de la rareté des insectes de grosse taille. Néanmoins, des insectes, nous continuons à en manger, mais sans le savoir ; de nombreux fragments ou individus sont retrouvés, lors des opérations de « Quality Control », dans différents produits alimentaires (Tableau 2).
Produits alimentaires |
Nombre d'individus ou de fragments détectés |
Chocolat |
80 fragments d'insectes |
Jus de fruit - Citron |
5 œufs d'insectes ou 1 mouche |
Brocolis congelés |
60 pucerons, thrips et acariens |
Beurre de cacahuète |
60 fragments d'insectes |
Pâtes et nouilles |
100 fragments d'insectes |
Sauce tomate |
30 œufs d'insectes ou 2 mouches |
Farine de blé |
150 fragments d'insectes |
(Anonyme (1989), The Food Defect Action Levels: Current Levels for Natural or Unavoidable Defects
for Human Use that Present No Health Hazard. Department of Health & Human Services, USA, 3 pp.)
2 Ramos-Elorduy, J. (2005). Insects: a hopeful food source. In M.G. Paoletti, ed. Ecological implications of minilivestock. Science Pub., Enfield NH, USA, 263-291. 3 Malaisse F., 2000. - Se nourrir en forêt claire africaine - Approche écologique et nutritionnel/e. CTA - Les Presses Agronomiques de Gembloux, 384 pp.