Mangerons-nous un jour des insectes ?

insectes

Bien qu'ils soient consommés partout ailleurs,  les insectes provoquent en Occident répulsion et dégoût. Pourtant l'entomophagie n'est pas juste une curiosité. Elle représente un apport protéinique extrêmement important et constitue sans doute une précieuse ressource alimentaire pour l'avenir. Chronique d'une future révolution alimentaire en Occident...

Les insectes et les hommes se côtoient et interagissent depuis l'aube de l'humanité. Avant même que les rituels funéraires ne soient une pratique courante chez les Hominidés vers 100.000 av J.C., nos ancêtres préhominiens et hominiens ont pu aussi observer les milliers de diptères et de coléoptères se précipiter, tels des escouades de la mort, sur les cadavres gisant sur le sol. Ils ont pu se rendre compte de l'extrême voracité de ces larves d'insectes dévorant le corps sans vie en quelques semaines. 

Cette relation millénaire avec l'espèce humaine est également liée aux ectoparasites comme la puce, le pou ou le moustique qui transmettent des virus, des bactéries, des sporozoaires ou autres unicellulaires, responsables de maladies mortelles à l'homme. Peste, typhus, dengue, fièvre jaune sont des zoonoses qui ont causé des pertes importantes au sein des populations occidentales au fil des siècles. Citons, à titre d'exemple, les épidémies de peste au Moyen-Âge. Plus de la moitié de population européenne fut décimée au 14e siècle à la suite d'une épidémie de peste noire.

Aujourd'hui encore, la malaria, transmise par le moustique, est considérée comme une des maladies les plus dommageables pour l'homme ; l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime en effet que plus de la moitié de la population humaine se situe dans une zone à risque et qu'environ un million de personnes meurent chaque année de cette maladie parasitaire.

Socialement et culturellement, l'insecte véhicule chez l'homme une image négative, empreinte de craintes et de peurs multiples. De plus, leur petite taille, le manque de connaissances sur leur biologie et leur comportement, leur présence dans des environnements, milieux ou substrats sanitairement peu recommandés ou inspirant le dégoût (excréments, eaux usées...) sont autant d'éléments qui poussent l'homme à limiter ses interactions avec ces arthropodes.

Le monde des insectes ne se limite toutefois pas à ces quelques espèces nécrophages ou vectrices de maladies. Les insectes représentent, à eux seuls, plus de 70% des espèces vivantes sur la terre et ont colonisé tous les écosystèmes, des milieux aquatiques jusqu'aux couches élevées de l'atmosphère.  Au sein de cette étonnante biodiversité, les préhominiens et les hominiens ont su aussi puiser leurs ressources au fil des millénaires. Les primates, nos plus proches cousins, sont connus pour manger les insectes lors de la recherche de fruits. Tout laisse à penser que les premiers insectes que l'homme a goûtés soient des individus d'espèces présentes sur les fruits.

N'oublions pas également que la soie est produite par la chenille d'un papillon (Bombyx mori), que certaines couleurs alimentaires de couleur carmin sont issues d'une cochenille, de même que le miel provient du nectar de plantes qui a été à plusieurs reprises digéré et régurgité par l'abeille domestique.

Au sens plus large, les insectes constituent une ressource économique en terme de services écosystémiques. Une étude récente aux États-Unis souligne que la valeur économique des services rendus par les insectes est estimée à plus de 57 milliards de dollars américains1. Cette étude  montre que les insectes constituent une principale source de nourriture pour la faune sauvage, correspondant à une valeur de 50 milliards de dollars dans le secteur de la récréation et des loisirs. Ils génèrent également 3 milliards et plus de 4,5 milliards de dollars US respectivement dans les domaines de la pollinisation et des « Pest Control ». À l'échelle mondiale, l'estimation faite par Losey & Vaughan en 2006 serait encore beaucoup plus importante.

Goût et dégoût

vers de farine

Les insectes sont des arthropodes ; ils présentent un exosquelette constitué de chitine et sont très proches taxonomiquement et morphologiquement des crustacés (homard, crabe, crevette...) très appréciés, à travers le monde, pour leur saveur et leur qualité nutritionnelle.

Dans nos contrées occidentales, nous perdons de vue le rôle important que jouent les insectes dans l'alimentation de millions d'individus. La consommation d'insectes (l'entomophagie) se rencontre sur quasiment tous les continents. Tant le brassage culturel que la mondialisation permettent maintenant de mieux s'en rendre compte.

 

 


 

 

1 Losey J. et Vaughan M. 2006. The economic value of ecological services provided by insects. Bioscience, 56(4): 311-323.

 

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