Grands singes, singes & Cie
macaques

Vous êtes primatologue, vous étudiez donc les grands singes ?

L'ordre des primates est très diversifié, et comprend plus de 300 espèces et 600 sous-espèces de tailles variables, allant de quelques dizaines de grammes pour les microcèbes ou les tamarins, à plus de 200 kgs pour les gorilles.  Pourtant, neuf fois sur dix, lorsqu'un spécialiste des primates est amené à évoquer ses occupations professionnelles, il voit son interlocuteur s'exclamer: « Vous êtes primatologue ! Vous étudiez donc les grands singes ?! ».  Après l'avoir éventuellement détrompé, précisant que la primatologie porte sur tous les primates grands et petits, il arrive même que l'interlocuteur persiste, introduisant par exemple le primatologue aux autres convives, c'est plus fort que lui, comme « spécialiste des gorilles et des chimpanzés ».  Pourquoi donc est il si difficile de comprendre que primate ne veut pas dire grand singe ? L'intérêt du public pour l'origine de l'homme, ou pour ses propres origines animales, lui rendrait-il inconcevable que l'on étudie les primates sans se concentrer automatiquement sur les espèces les plus proches parentes de l'homme ?

Groupe de macaques © F. Brotcorne

Plusieurs disciplines, de l'anthropologie, à la psychologie et à la biologie se sont historiquement intéressées aux primates (que je me dois de préciser « non-humains »).  L'intérêt des deux premiers domaines peut être qualifié d'anthropocentrique.  Il concerne en effet principalement l'origine de l'homme pour l'un et pour l'autre, les comportements cognitifs ou socio-cognitifs des primates.  Cette dernière approche est alors comparative et  vise, de façon plus ou moins déclarée, que ce soit par l'étude du langage ou des capacités logiques, à spécifier l'unicité des capacités humaines.  L'approche  biologique quant à elle s'intéresse au comportement des primates dans une perspective évolutionniste et bio-systémique. 

Des dizaines d'espèces de primates sont en danger critique d'extinction

La perspective des recherches de notre équipe, constituée en Groupe de Recherche de Primatologie (ou Primatology research Group, PRG) est presque exclusivement écologique.  Si aucun chercheur en primatologie n'est insensible au statut particulier de l'ordre des primates du fait de sa propre appartenance, notre questionnement est résolument tourné vers la compréhension des variations de comportement et d'écologie entre espèces ou entre populations de la même espèce en fonction des modulations de l'environnement.   En particulier, nous ne pouvons à l'heure actuelle ignorer l'impact des activités humaines sur les habitats des primates non humains et l'importance de cet impact pour la survie et la conservation des primates.  À côté des espèces phares, comme les grands singes ou les lémuriens très médiatisés, ce sont des dizaines d'espèces de singes du  nouveau et de l'ancien monde qui sont mis en danger d'extinction suite à la destruction de leur habitat.

Une petite pierre à l'édifice

Deux courants de recherche sont donc présents dans notre équipe actuellement. Le premier regarde la documentation de l'écologie des primates et parmi les espèces qui font l'objet de ces recherches figurent 7 espèces de « singes » et trois espèces de « grands singes ».  Parmi les singes figurent deux espèces  dites du « Nouveau Monde » , les tamarins et les singes hurleurs, et cinq dites de l' « Ancien Monde » , les macaques à queue de cochon et les macaques crabiers vivant en Asie, et  les mangabeys, babouins de Guinée et  singes vervets vivant en Afrique.  Les trois espèces de grands singes sont les gorilles des plaines, les chimpanzés de l'ouest africain, et les bonobos.  L'étude de l'écologie des grands singes se fait la plupart du temps dans des habitats de forêt dense, et les chercheurs basent une bonne partie de leur recherche sur des indices indirects car ces populations fragiles ne sont pas habituées à la présence et au suivi par l'humain.  On est donc loin des images idylliques de Diane Fossey ou de Jane Goodall, tendant la main à un primate brûlant du  désir de communication inter-espèce.  Mais ces études sont cependant essentielles puisqu'elles concernent des zones géographiques où les grands singes sont encore présents mais où leur permanence est extrêmement  fragile.  C'est là sans doute une des motivations de nos chercheurs primatologues : être présent pour apporter une petite pierre à l'édifice d'une possible sauvegarde de ces espèces.

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