L'élevage industriel en question

porcs

Il existe plusieurs comportements humains face aux traitements infligés aux animaux de rente et de production. D'un côté, une frange de la population ne veut surtout rien savoir sur les conditions d'élevage des animaux et encore moins sur ce qui se passe dans les abattoirs. De l'autre côté, d'autres s'intéressent de plus en plus à la manière dont les bovins, les porcins ou les volailles sont traités avant de finir sous cellophane dans les rayons des supermarchés. Des études récentes de l'Eurobaromètre, qui sonde l'opinion publique européenne sur diverses questions, démontrent un intérêt croissant du consommateur pour ces questions.

© Fotolia - desaxo
 
foer

Dans Faut-il manger les animaux ?1,  publié en 2009 aux États-Unis et aujourd'hui traduit en français, Jonathan Safran Foer s'interroge sur la manière dont nous traitons les animaux et sur notre droit à les manger. Quand cessera-t-on d'abattre les animaux de manière sauvage ? Quelle place pour le bien-être animal ? Quelles limites donner à l'élevage industriel ? Ce sont autant de questions épineuses qui reviennent aujourd'hui au cœur du débat.

En Europe, le bien-être animal se retrouve dans la Constitution européenne. « C'est devenu, depuis le traité d'Amsterdam, une valeur incontournable, rappelle Marc Vandenheede, professeur au département de productions animales de l'ULg et spécialiste en comportement et bien-être des animaux domestiques. Nous ne pouvons plus pratiquer d'élevage qui négligerait le bien-être des animaux ». Voici une cinquantaine d'années, en Grande-Bretagne notamment, certaines organisations de protection animale ont commencé à défendre l'idée qu'un animal de production doit manger à sa faim, doit exprimer sa peur et doit pouvoir avoir les comportements normaux de son espèce. Par exemple, un porc est un animal qui fouille la terre pour se nourrir. Or, dans un élevage industriel où le sol est en béton, c'est impossible pour lui.

Si plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer les pratiques de mise à mort de l'animal, une grande part de la souffrance des bêtes provient en réalité de leurs conditions d'élevage. Vibrant plaidoyer contre l'élevage industriel et l'abattage, Faut-il manger les animaux ? aborde sans détour l'empilement des bêtes dans des espaces ridicules, la manipulation de leur code génétique à des fins de productivité, la surconsommation de médicaments administrés de manière entièrement préventive ainsi que les conditions de transport et d'abattage sauvages. Même si, contrairement aux États-Unis, l'Europe bénéficie de contrôles beaucoup plus sévères, il n'en reste pas moins que, en règle générale, les objectifs de productivité et de rentabilité laminent complètement les aspects de bien-être animal.

poules

Beaucoup de lieux d'élevage pratiquent le mécanisme de la sélection artificielle. Les exploitants retiennent les spécimens les plus productifs et les font s'accoupler pour donner naissance à des animaux encore plus productifs. Ces différents facteurs ont conduit à plusieurs dérives qu'il convient de dénoncer. Aujourd'hui, les poules croissent trois fois plus vite qu'en 1960. Leur temps de vie est devenu extrêmement court et, par conséquent, les éleveurs les font produire plus vite. Entassées les unes sur les autres, les poules ne sont plus capables de se déplacer correctement et voient leurs pattes s'atrophier considérablement. Bien souvent, il arrive même que ces pattes se brisent sous l'effet du poids de l'animal. Les vaches, elles, produisent quatre fois plus de lait, mais deviennent plus facilement sujettes aux inflammations des glandes mammaires, aux complications de l'utérus et autres pathologies qui diminuent la fertilité. Au-delà de cela, les pires moments pour les animaux surviennent lors des marchés à bestiaux. Des animaux qui ne se connaissent pas sont regroupés, le plus souvent dans des conditions abiotiques : températures inadaptées, sols glissants provoquant la chute de beaucoup d'angulés, etc.

©  Fotolia - S74.FR


 
1 Traduit de l'anglais par Gilles Berton et Raymond Clarinard, L'Olivier, 360 p.

Page : 1 2 next