L'obésité chez nos animaux de compagnie

Depuis une quinzaine d'années, les vétérinaires praticiens constatent une lente mais constante augmentation de l'incidence de l'obésité canine et féline. Une étude française publiée en juin 2010 a estimé à 40 % la fréquence de chiens en surpoids ou obèses tandis que chez le chat, la fréquence est de 20 à 25 % des animaux médicalisés dans les pays industrialisés. Ce n'est pas un simple problème esthétique mais une véritable maladie, accompagnée d'un grand nombre de symptômes et limitant d'au moins 2 ans la longévité des animaux. Au-delà des différentes données objectives sur le traitement de l'obésité – ses aspects cliniques, métaboliques, la mise au point de régimes, les différentes recherches expérimentales et cliniques –, la fréquentation des propriétaires dans le cadre de la clinique nous livre d'intéressantes données sur la compréhension du développement de l'obésité des carnivores domestiques maintenus comme animaux de compagnie et surtout sur les facteurs sociologiques qui y sont liés.

Pourquoi tant d'obésité actuellement ?

L'obésité des carnivores résulte de 2 causes principales et souvent présentes de façon concomitante : de faibles dépenses énergétiques (une activité faible) et des excès d'apports énergétiques (la suralimentation). Nous les expliquons brièvement ci-dessous en les reliant aux facteurs sociologiques connus.

Des dépenses énergétiques faibles liées à une sédentarité grandissante

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Parmi les races canines présentant une forte incidence d'obésité, la plupart sont des chiens de travail ; c'est le cas des Labrador, Bouvier Bernois et autres Terre-Neuve ou Montagne des Pyrénées.  Ces animaux sélectionnés durant de longues années sur des aptitudes de travail sont maintenant sélectionnés sur des critères de beauté et ne sont élevés que pour servir d'animal de compagnie, ce qui signifie que leur activité peut être très restreinte.  En 2005, à Liège, nous avons observé que la majorité des chiens obèses effectuaient moins de 2 heures d'exercice par semaine, exercice signifiant : marche rapide libre, en laisse, ou promenade de minimum 20 minutes. En outre, il est apparu que les notions d'exercice ou de travail n'étaient pas importantes pour les propriétaires de chiens obèses. Nous sommes donc confrontés à des animaux qui vivent majoritairement dans la maison et ne sont sortis que le temps nécessaire à faire leurs besoins... et non à satisfaire des besoins d'activité comme un exercice long, un travail, le jeu... toutes ces formes d'exercices réalisés en interaction avec l'homme et qui procurent du bien-être

La sédentarité est devenue un comportement planifié chez le chat : tout d'abord, ce dernier est souvent présenté (ou « vendu ») comme un « animal calme, indépendant, pouvant vivre en appartement,  qui se satisfait de rester seul toute la journée, voire même un week-end, pour peu que sa gamelle soit pleine, qu'il dispose d'eau à volonté et d'une litière propre ».   Il est en outre de plus en plus souvent stérilisé, une intervention fortement conseillée pour les chats de compagnie1. Quel est le point commun entre le mode de vie décrit ci-dessus et le comportement normal du chat : un chasseur carnivore strict et territorial qui se nourrit de proies capturées dans la nature, au hasard de ses pérégrinations, après un bond répété de 8 à 20 fois / 24h ? Dans la nature, on estime en effet que de 3 à 5 « bonds » sont nécessaires pour attraper une proie.  Ces bonds correspondent à autant de dépenses énergétiques, courtes mais intenses dont sont privés les animaux confinés dans des endroits restreints.  Le chat obèse est généralement un animal stérilisé, sédentaire, présentant un risque élevé de développer du diabète, qui ne peut exercer son comportement de chasse et qui passe la majorité de son temps à dormir.

La stérilisation diminue les besoins énergétiques de 30 % par rapport aux animaux entiers, et elle augmente l'appétit, à la fois chez le chien et chez le chat, ce que la plupart des propriétaires ignorent, considérant la prise de poids qui suit la stérilisation comme inéluctable alors qu'elle peut être prévenue.

Le chien obèse est souvent un chien unique ; l'explication est la suivante : le chien unique est surinvesti (sur-nourri) et peu actif alors que dans un foyer qui possède au moins deux chiens, les interactions entre les animaux seront sources d'exercices.

L'homme est bien sûr responsable de la sédentarité, par choix ou par ignorance des besoins fondamentaux de son « animal de compagnie », une notion inventée de toute pièce, car aucun animal n'a été créé pour servir de « compagnon » à l'homme.


 
 
1 Les autorités fédérales (représentées par le SPF Santé publique) souhaitent via le « Plan Pluriannuel Chats » limiter la surpopulation féline et les abandons en refuge en obligeant les propriétaires de chats européens (domestiques) à stériliser leurs animaux.
 

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