Ce que posséder un animal signifie

Certains animaux trouvent parfois un nouveau foyer, pour la raison qu’ils correspondent aux goûts dominants du moment. Selon l’air du temps, des races sont plus cotées que d’autres. Les huskys, les bobtails ou les terriers ont eu beaucoup de succès à différents périodes. Les mass médias et le cinéma tiennent leur part de responsabilité dans ces effets de mode à court terme. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les chiffres de ventes des animaleries lors des sorties en salles de Beethoven et du Monde de Nemo. Chacun voulait son chien du Saint-Bernard ou son poisson-clown… « L’un des problèmes rencontrés avec le chien est l’achat impulsif, explique Marc Vandenheede, chargé de cours au département de productions animales et spécialiste en comportement et bien-être de tous les animaux domestiques. La loi a changé et il est désormais interdit de vendre des chiens sur le marché ou d’en exposer en vitrines. Le chien n’est pas un objet que l’on peut ranger au grenier ou jeter à la poubelle lorsqu’on s’en lasse ». La mode, elle, ne se prive plus de mettre en scène des animaux – chiens, chats, lapins, hérissons – pour les besoins d’une marque. Le parangon de cette mouvance reste Paris Hilton et son chihuahua qu’elle balade sous les flashes des photographes. L’image que l’on donne de l’animal n’est donc plus celle d’un être sensible, mais celle d’un simple gadget. Que deviennent ensuite ces animaux dont on se sert comme d’un accessoire de mode ? Et quelle est en réalité la différence entre un chien robot et un vrai chien ?

Avec l’évolution croissante de l’industrialisation, le désir par l’Homme de domestiquer la nature s’observe de plus en plus. Pour la plupart des propriétaires, le chien ou le chat ne sont plus des êtres sensibles, mais les dernières traces d’un paradis perdu. Posséder un chien aujourd’hui, à cause de sa domestication très ancienne et de sa quasi-symbiose avec l’homme, peut dès lors être perçu comme le symptôme de cette coupure entre l’humain et la nature sauvage.

© Fotolia - Éric Isselée 
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Le rôle de l’animal de compagnie est également à mettre en résonance avec l’évolution de la constitution de la cellule familiale. Pour de multiples raisons, la solitude est un fléau qui ne touche pas uniquement les personnes âgées. Dans ce contexte de solitude et d’isolement, l’animal reçoit quelquefois un nouveau statut et assure une présence et une compagnie comme le ferait un conjoint. Dans les familles sans enfants, il arrive quelquefois que le chien ou le chat soit traité comme l’enfant que l’on ne veut pas ou qu’on ne peut pas avoir. Considérer la bête comme un « animal-roi » conduit au phénomène de néoténie, c’est-à-dire la conservation de caractéristiques juvéniles chez les adultes d’une espèce. « On peut effectivement se retrouver face à des chiens immatures, exlique Marc Vandenheede. Si le couple n’a pas permis à l’animal d’arriver à une stabilisation, on se retrouve avec un chiot dans un corps d’adulte, c’est-à-dire un animal exubérant, que l’on a du mal à éduquer et qui se permet un certain nombre de comportements jugés inappropriés pour son âge ». Le chien restant un prédateur, il n’est pas rare que l’animal quitte le rôle qu’on lui attribue et devienne agressif, par exemple lorsqu’il se sent menacé.

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Posséder un chien ou un chat inclut également l’idée qu’il faut les soigner en cas de besoin. Que se passe-t-il lorsqu’un propriétaire n’est pas en mesure d’assurer financièrement ces frais ? Le prix de certaines interventions pouvant grimper jusqu’à deux voire trois mille euros. « C’est un problème très aigu aujourd’hui, observe Marc Balligand. La médecine vétérinaire ayant évolué, les soins pointus deviennent onéreux. On se trouve confronté chaque semaine à des propriétaires nous disant qu’ils n’ont pas les moyens de faire soigner leur animal. En Wallonie comme en Flandre, il existe l’un ou l’autre organisme qui prête sans intérêt de l’argent à des propriétaires dans le besoin ».

À l’ULg, la faculté de Médecine vétérinaire développe depuis plusieurs années des recherches dans les domaines de l’anesthésiologie, de la chirurgie ou de la cancérologie. « A-t-on le droit, sous prétexte qu’on en a les moyens, de s’adonner à des transfusions de sang sur des chiens alors que la Croix-Rouge manque cruellement de donneurs ?, s’interroge Christian Hanzen. A-t-on le droit de faire de la radiothérapie à un chien cancéreux ? » Encore une fois, ces choix soulèvent des questions éthiques. Est-il acceptable de continuer à soigner les animaux comme les humains alors que plus de 800 millions de personnes dans le monde meurent de faim ? « Pourquoi faudrait-il supprimer tout ce qui n’est pas strictement nécessaire à la survie de l’espèce ?, riposte Marc Balligand. Certaines sociétés font beaucoup moins grand cas de l’animal de compagnie que la nôtre, mais nous n’y vivons pas. Nous sommes dans une société où les gens sont très attachés à leur chat et à leur chien ».

Posséder un animal de compagnie appelle plus que jamais de nombreuses responsabilités. Chaque propriétaire ne devrait-il pas mener un certain nombre de réflexions sur ce que posséder un animal signifie ? Quel est aujourd’hui le rôle de ce dernier ? Ne lui assigne-t-on pas de nouveaux statuts ou rôles parallèlement à celui de compagnon affectif ? Dans une soi-disant ère de la communication, l’incommunicabilité des membres de notre société n’a probablement jamais été aussi perceptible. Les chiens comme les chats restent très populaires et aident de toute évidence certaines personnes à mieux supporter leur solitude ou assouvir leurs besoins de se confier.

Sébastien Varveris
Février 2011

 

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Sébastien Varveris est journaliste indépendant.

 

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Christian Hanzen est professeur au département clinique des animaux de production.

 

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Marc Balligand est vétérinaire spécialiste en chirurgie des animaux de compagnie. Ses activités cliniques, son enseignement et ses recherches à l'ULg sont principalement consacrés au diagnostic et au traitement des pathologies orthopédiques chez les carnivores domestiques.

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Marc Vandenheede est vétérinaire et éthologue. A l'ULg, il s'occupe du comportement et du bien-être des animaux domestiques, ainsi que des questions relatives à l'éthique de l'utilisation de l'animal par l'homme.

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