35 000 ouvrages de littérature de jeunesse

La littérature de jeunesse, rapide état des lieux

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Alors que l'on assiste ces dernières années à un certain engouement pour l'étude de la littérature de jeunesse, on ne peut s'empêcher de se demander quelles en sont les raisons. C'est une des questions que nous avons posées à Daniel Delbrassine. « Il faut tout d'abord parler d'un retard. En Suède, dans les pays anglo-saxons, en Allemagne, ce sont les générations précédentes qui ont mis en place ce que nous sommes en train de faire aujourd'hui. Les pays latins sont en train d'opérer un réel mouvement de rattrapage dans le domaine. En Suède par exemple, la formation en littérature de jeunesse avait été intégrée aux programmes universitaires bien avant que l'on envisage la chose chez nous. Je suis actuellement en train de lire un mémoire de maîtrise réalisé à Rennes 2, il y a déjà quelques années. Une étudiante française suédophone avait travaillé sur les différentes versions de Fifi Brindacier en français. Ces soi-disant traductions de l'œuvre d'Astrid Lindgren se sont révélées être de véritables massacres de l'œuvre originale. Pendant plus de 50 ans, les traducteurs de l'œuvre ont en réalité adapté les textes, que ce soit d'un point de vue linguistique ou en ce qui concerne les contenus, pour qu'ils soient recevables par les adultes français de leur temps. On constate aujourd'hui que le décalage est monumental, à un point tel que lorsque l'auteure a appris comment ses livres avaient été traduits, elle a menacé Gallimard de lui retirer ses droits si la maison d'édition n'acceptait pas de rééditer une version fidèle au texte original. En fait, nous ne disposons d'une vraie traduction de Fifi Brindacier que depuis une quinzaine d'années. C'est le genre d'anecdote qui nous  donne une idée assez précise du type de décalage qu'il peut exister entre notre vision de la littérature de jeunesse et ce qui se fait dans d'autres pays. 

En quelques mots, on pourrait dire que chez nous, les choses ont commencé à se mettre en place dans les années 1970-1980 lorsque des gens, tels que Michel Defourny, convaincus que la littérature de jeunesse présentait un réel intérêt du fait de sa richesse et sa grande qualité littéraire, ont commencé à l'étudier. Dans les années 1990, on a assisté à un retour des séries comme les Chair de Poule, puis à la parution du cycle d'Harry Potter. Ce cycle a constitué un réel boum dans le monde de l'édition. Les grosses maisons d'édition ont compris à ce moment-là qu'il était possible de gagner beaucoup d'argent avec la littérature de jeunesse. C'est ainsi que le marché est arrivé à maturité et on a constaté, de manière de plus en plus marquée, la présence de deux pôles : un pôle de création savante et un pôle plus commercial, produits chacun par un type de maison d'édition spécialisée. »

Mais les choses sont en train d'évoluer et la Communauté française est en mouvement. Au deuxième quadrimestre sera organisé à l'ULg un cours spécialement dédié à la littérature de jeunesse. Daniel Delbrassine, qui en est le titulaire, le veut ouvert à de nombreuses sections dont les langues et littératures germaniques, les historiens de l'art ou encore les langues et littératures modernes : « C'est un cours proposé en 3e bac romanes, mais c'est une matière qui concerne un public bien plus large. J'ai choisi de diviser le cours en trois parties : je vais parler du conte, ensuite du roman pour adolescents et enfin de l'album. Et ce sont trois genres que l'on peut analyser sous différents angles. On peut, par exemple, travailler sur des comparaisons de versions actuelles et des versions plus anciennes de certains contes. On peut analyser l'aspect graphique des illustrations de ces mêmes contes à travers le temps et à travers les différents courants artistiques qui ont jalonné les différentes époques. Au niveau de l'album, il est très intéressant de travailler sur la sémiotique et si l'on aborde les romans, on peut, entre mille autres choses à faire, travailler sur la narratologie. Ajoutons également qu'un travail au niveau éditorial peut être réalisé exactement de la même manière qu'on l'entreprend avec l'édition générale contemporaine ».

Le projet pourra-t-il être mené à bien dans sa totalité, même s'il répond à une demande objective de la population ? C'est l'une des questions que se pose Michel Defourny. Même si le projet a reçu le soutien de nombreux acteurs de la vie culturelle liégeoise comme le plasticien de renommée internationale Patrick Corillon, de la professeur Dominique Lafontaine bien connue pour ses travaux en pédagogie de la lecture, du plasticien et professeur à l'Académie des Beaux-Arts Paul Mahoux, du professeur Jean-Louis Dumortier, en charge de l'agrégation des futurs professeurs de français, de nombreux illustrateurs de la région, même s'il a reçu le soutien de partenaires internationaux comme la Bibliothèque nationale de France, le financement actuel du Centre est dérisoire. Appel est lancé aux mécènes privés qui pourraient soutenir l'initiative.  

Vinciane D'Anna
Décembre 2010

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Vinciane D'Anna est journaliste indépendante

 

 

À lire :

        Littérature de jeunesse : sélection de Michel Defourny

        Littérature pour adolescents : sélection de Daniel Delbrassine

 


 

Infos pratiques

Centre de littérature de jeunesse de la Ville de Liège
Féronstrée 118
4000 Liège.
Infos : 04. 383.71.00 ou chantal.cession@lesati.be

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