Claude Strebelle, créateur d'un campus dans la nature

Dans la décennie suivante, et jusqu'à la fin de sa mission (en 1984), il interviendra beaucoup plus souvent comme auteur de projet :  Halls de Métallurgie (1971), SEGI (1974), Instituts de Paléontologie, Minéralogie, Géologie (1973), extension de l'Institut de Chimie (« Petits Amphithéâtres », 1979, un ensemble tout en finesse qui rompt intentionnellement avec la « raideur » des premiers instituts), Faculté de Droit, Économie et Sciences sociales (1982, avec Daniel Boden et André Jacqmain) et Institut de Psychologie et des Sciences de l'Éducation (1982, avec Charles Dumont). Il faut aussi signaler la « Galerie de Liaison » (1970, avec Henri Debras), qui agit comme trait d'union entre le restaurant d'André Jacqmain et les amphithéâtres de Pierre Humblet.

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Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation © Jean-Luc Deru - Photo-Daylight.com
 
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Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation © Jean-Luc Deru - Photo-Daylight.com
 
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Faculté de Droit © Jean-Luc Deru - Photo-Daylight.com
 
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Faculté de Droit © Jean-Luc Deru - Photo-Daylight.com

Autre aspect fondamental de la méthode de Strebelle : étant lui-même issu d'une famille d'artistes, il initiera très tôt des partenariats entre architectes et plasticiens. Le Mur de Pierre d'âge viséen de Pierre Culot est inauguré en même temps que les premiers immeubles en novembre 1967. Cette collaboration prendra une forme institutionnelle en 1977 avec la création du Musée en Plein Air du Sart Tilman. On peut penser aussi ici que sans la présence de Strebelle, ce « supplément d'âme esthétique »  n'aurait jamais atteint une telle dimension.

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Photo © Anne Goffart

Avec Charles Dumont, Claude Strebelle réalise aussi pour l'ULg un complexe  « hors les murs » : la Station de Recherches sous-marines et océanographiques (STARESO) à la pointe de la Punta Revellata qui referme la baie de Calvi. Mûri pendant  quatre  ans, le projet est achevé en 1971 et répond à un programme simple : aménagement de structures pour le stockage, de deux laboratoires et des locaux nécessaires à la vie d'une équipe scientifique. Bien que très fonctionnel et répondant au programme d'origine, cet ensemble offre une grande qualité de vie et s'affiche comme un manifeste des conceptions esthétiques des auteurs. Par son caractère plastique affirmé, il invite à une véritable « expérience sensible »  de l'architecture et  montre une grande qualité d'intégration au milieu physique local qui est marqué tout à la fois par la rudesse du maquis corse et par la féerie des lumières de la mer méditerranée.

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Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation © Jean-Luc Deru - Photo-Daylight.com

Intégration au milieu : sorte de leitmotiv qui traverse toute l'œuvre de Claude Strebelle : démarche d'amont, attentive et prudente, visant à la connaissance et à la compréhension du contexte où l'intervention va s'opérer4. Très présente en Corse et au Sart Tilman, cette dimension n'est pas absente de la place Saint-Lambert, mais ici le contexte était beaucoup plus complexe, symboliquement très lourd, et traversé d'interférences multiples. Il appartiendra aux historiens de l'architecture d'apprécier l'apport des derniers bâtiments (annexes du palais de justice, 2008-2009) et de les situer dans le continuum de son œuvre mais le meilleur hommage que Liège pourrait lui rendre serait de parachever la mise en œuvre de son message urbanistique en refermant – enfin  – la place du côté nord.

Pierre Frankignoulle
Novembre 2010

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Pierre Frankignoulle enseigne l'histoire de la ville et des conceptions de l'urbanisme à la Faculté d'Architecture de l'ULg. Il a consacré sa thèse de doctorat au domaine du Sart Tilman. Avec le GAR, il vient de réaliser une visite commentée du domaine en MP3

 

Voir aussi :
DUBUISSON Marcel, Mémoires, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977.
FRANKIGNOULLE Pierre, Le Sart Tilman et Louvain-la-Neuve : campus et ville nouvelle, in Les Cahiers de l'Urbanisme, n° 28-29, Namur, février 2000, pp. 36-41.
FRANKIGNOULLE Pierre, Urbanisme et architecture à Liège 1960-1970 in Les Cahiers del'urbanisme, n°73, 2009, pp. 38-45.
FRANKIGNOULLE Pierre, Urbanisme : une politique de la ville, in N. DELHALLE N. DUBOIS J. KLINKENBERG J.-M., (dir.), Le tournant des années 1970. Liège en effervescence, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2010.
HENRION Pierre (dir.), Le domaine universitaire du Sart Tilman, Carnets du Patrimoine, 16, Ministère de la Région wallonne, Direction générale de l'aménagement du Territoire, du Logement et du Patrimoine. Division du Patrimoine, Namur, 1996.
Liber Memorialis. L'Université de Liège de 1936 à 1966. Notices historiques et biographiques, publiées par les soins de Robert DEMOULIN, Liège, Rectorat de L'Université, 1967, 2 tomes.
Liber Memorialis 1967-1992. Ouvrage publié par les soins de PAUL GERIN, Professeur à la Faculté de philosophie et lettres,
Liège, 1993.
PUTTEMANS Pierre, La nouvelle Université de Liège au Sart Tilman. Le miracle liégeois, in Beaux-Arts, samedi 27/4/1967, n° 1204 STREBELLE Claude, Domaine de l'Université de Liège au Sart Tilman. Urbanisme et architecture d'ensemble, documents réalisés par l'Atelier d'architecture du Sart Tilman, fin 1984 (« Testament de Strebelle »).
http://www.homme-et-ville.net/
(« Un itinéraire de découverte du Sart Tilman », octobre 2010)



4 Connaissance nourrie d'ailleurs par une  pratique piétonne du domaine (où il habitait), comme le montre ce témoignage de 1974 : « En me promenant un jour très gris de cet automne pluvieux, par les chemins forestiers du domaine universitaire, où les sous-bois et les larges paysages éclataient d'ors et de pourpres, l'air pur me pénétrait profondément les poumons. La pluie fine me coulait sur les lèvres avec un délicieux goût de fraîcheur et mes pas formaient un sillage bruyant dans l'épais tapis de feuilles mortes aux couleurs précieuses. J'ai rencontré d'autres promeneurs, le visage mouillé qui paraissaient comme moi envahis d'un grand bien-être.», in L'Université de LIÈGE au SART TILMAN et son environnement, document dactylographié, s.d., (1974).
La présence du cadre naturel est un point capital pour comprendre   l'architecture du Sart Tilman. Alors que les exigences de programme auraient pu conduire à des bâtiments à la présence écrasante, les architectes ont fait en sorte que le végétal accompagne réellement les immeubles et en adoucissent les aspects les plus rigides: par le traitement des abords, les recouvrements végétaux, et le souci constant d'inscrire les bâtiments dans le site existant.

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