Croisements entre le roman et la psychanalyse

Jean-Bertrand Pontalis 

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Né en 1924, agrégé en philosophie, le Français Jean-Bertrand Pontalis collabore après-guerre aux Temps Modernes de Jean-Paul Sartre dont il est proche. Dans les années 1950, il suit une analyse didactique avec Lacan avant de participer à l'écriture du Vocabulaire de la psychanalyse. Ce n'est qu'en 1980, un an après être entré au Comité de Lecture de Gallimard, maison où il a créé la collection Connaissance de l'inconscient, qu'il s'engage sur la voie littéraire avec Loin. Il a depuis publié une quinzaine de brefs récits ou essais portés par une langue très pure – Elles, La Traversée des ombres, L'enfant des limbes, Le dormeur éveillé, Frère du précédent –, tout en lançant, en 1989, une autre collection, L'un l'autre, qui «se donne pour objet de rassembler des œuvres qui dévoilent «les vies des autres telles que la mémoire des uns les invente »». Et au catalogue duquel figurent d'ailleurs plusieurs psychanalystes-écrivains  (Michel Schneider ou François Gantheret).

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Ses textes, d'une profonde exigence littéraire, entrent en empathie avec le lecteur, ce qui fait dire à l'un de ses commentateurs (Edmundo Gomez Mango) qu'il s'agit d' «une écriture de la philia, de l'amitié. Elle fait du lecteur un interlocuteur. Écrire pour soi, de soi, avec soi-même devient, par une mystérieuse opération intérieure, écrire pour l'autre». La psychanalyse, pour Pontalis, n'est pas «un modèle conceptuel mais l'espace d'un renouveau esthétique et éthique dans le domaine de la création littéraire.»

«Je rêve d'une écriture analytique, là encore sans trop savoir ce que j'entends au juste par là, observe-t-il dans La Traversée des ombres. Peut-être d'une écriture qui serait asociale – comme le rêve, comme l'analyse, comme la lecture, comme l'amour, qui est aussi «vie secrète» – et trouverait dans les ressources du langage le pouvoir d'atteindre tout un chacun en ce qu'il a de plus intime et de plus étranger.»

Dans un autre de ses récits, Le Dormeur éveillé, il relève que «peut-être n'écrit-on jamais de livres, même les livres les plus sophistiqués, les plus tourmentés, que pour éviter d'être précipité dans notre enfer, que pour tenter de civiliser cette sauvagerie que le cauchemar révèle crûment sans l'écran protecteur du rêve.»

 

Marie Darrieussecq

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C'est pour «séparer (autant que faire se peut) ma névrose de mon écriture» que Marie Darrieussecq, née en 1969, a fait pendant huit ans une analyse au terme de laquelle elle a pu écrire Truismes. Avec ce roman, l'un des plus gros succès de l'année 1996, elle est enfin parvenue, après des manuscrits ne concernant que son «nombril», «à inventer un personnage, à séparer ma voix de la voix du personnage», a-t-elle déclaré au magazine Lire en 2006. «Grâce à l'analyse ma névrose vient nourrir mes livres sans les étouffer, et donc les rend lisibles, les tourne vers les autres», s'est-elle réjoui. Elle qui avait suivi de études de lettres est devenue elle-même psychanalyste. Sans cesser d'écrire puisqu'elle a signé une dizaine de livres jusqu'à Tom est mort paru en 2007.

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 Photo © Bamberger 2007 /  POL

 


Philippe Grimbert

Né en 1948, Philippe Grimbert a suivi des études de psychologie avant de suivre une analyse et d'ouvrir son propre cabinet à Paris. Il écrit des essais relevant de son domaine professionnel (Psychanalyse de la chanson, Pas de fumée sans Freud, Chantons sous la psy), ainsi qu'un guide pratique décalé, Évitez le divan, sous-titré «Petit guide à l'usage de ceux qui tiennent à leurs symptômes», puis finit par passer au roman. Il publie en 2001 La Petite robe de Paul, en 2005, Un secret, gros succès public couronné par le Goncourt des Lycéens et adapté au cinéma par Claude Miller, et, en 2009, La Mauvaise rencontre.

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Michel Schneider

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Le psychanalyste Michel Schneider, également haut-fonctionnaire, a, lui aussi, écrit sur son terrain professionnel (Blessures de mémoire, Voleurs de mots), de même qu'un roman (Je crains de lui parler la nuit, en 1991). Les deux domaines de trouvent mêlés dans ses livres touchant à la biographie, surtout Maman, où il observe les rapports entre Marcel Proust et sa mère (paru dans la collection de Pontalis, L'un l'autre) et Marilyn, dernières séances (Prix Interallié 2006, Grasset) où il raconte les liens de l'actrice avec son dernier psychanalyste, Ralph Greenson. Une relation étrange, violente, paroxystique, dans laquelle le psy s'est totalement investi, tentant de sauver sa patiente par tous les moyens, sans y parvenir comme on sait.

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